Pour tenir l'engagement de fermeture des centrales à charbon, le gouvernement va activer trois leviers qui devraient permettre d'assurer la sécurité électrique de la France, malgré la perte de 3 GW de production : les économies d'énergie, l'optimisation des mises à l'arrêt des centrales nucléaires et la mise en veille de deux tranches de production au charbon.
Pour rappel, le bilan prévisionnel 2018 du gestionnaire de réseau RTE estimait que la fermeture de ces quatre sites (Le Havre, Cordemais, Saint Avold-Carling, Gardanne) était possible à condition que l'EPR de Flamanville et que la centrale à gaz de Landivisiau soient mis en service, que les énergies renouvelables poursuivent leur développement, que la demande d'électricité se stabilise, que les visites décennales des centrales nucléaires n'entraînent pas une perte de production et que les projets d'interconnexions aboutissent. Le ministre d'Etat à la Transition écologique a commandé un rapport supplémentaire à RTE pour identifier de nouvelles pistes "au cas où ce scénario serait dégradé". Sur la base de cette analyse, qui lui a été remise le 2 avril, François de Rugy a présenté un plan d'actions pour la période 2021-2023 afin de gagner "2 à 3 GW de marges supplémentaires" et garantir ainsi la sortie du charbon, quels que soient les retards pris sur les différents projets. L'objectif est de garantir la sécurité électrique au moment de la pointe hivernale. Ce risque serait provisoire et résorbé d'ici 2024 dans tous les cas, estime RTE.
Consommation : accélérer le remplacement des équipements les plus énergivores
La baisse de la consommation électrique permettrait de gagner une marge de 1 à 2 GW. Ces gains pourraient être obtenus en remplaçant les appareils électroménagers les plus énergivores, comme les radiateurs, les réfrigérateurs ou les congélateurs, indique François de Rugy. Ce dernier présentera ces nouvelles mesures d'économies d'énergie dans le courant du mois d'avril.
"Les principaux gisements de baisse de la consommation portent sur les usages liés à l'éclairage, le froid et les technologies de l'information et de la communication. Le cumul des baisses de consommation d'énergie de ces différents usages peut atteindre plusieurs térawattheures d'ici 2023", estime RTE dans son rapport. Des actions dans le tertiaire et le numérique pourraient également être engagées par le ministère.
Optimiser le calendrier de mise à l'arrêt des centrales nucléaires
"Le second levier consiste à optimiser le positionnement des arrêts de réacteurs nucléaires pour les visites décennales sur la période 2021-2023, de manière à réduire le risque d'indisponibilité des réacteurs durant les hivers", souligne RTE. Le gestionnaire de réseau redoute en effet un prolongement de certaines visites décennales ou un calendrier peu optimisé vis-à-vis de la sécurité électrique.
"Dans toutes les situations étudiées, une hypothèse de respect strict du calendrier de visites décennales transmis par le producteur conduit à un effet positif sur les marges d'environ 1 à 2 GW sur les hivers 2021-2022 et 2022-2023". Mais puisque la maîtrise stricte des durées des visites décennales ne peut être garantie, "un repositionnement de certaines visites permet également de dégager des marges de manœuvre". Ainsi, l'anticipation ou le report de deux à trois mois de trois visites décennales chaque année permettrait de dégager une marge de 1 à 2 GW. C'est un travail à mener avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), RTE et EDF, a déclaré François de Rugy.
Maintenir en veille deux tranches à charbon
Enfin, le ministre d'Etat a demandé à RTE d'étudier l'hypothèse de s'appuyer sur le maintien en veille d'une à deux tranches de centrales thermiques, notamment dans le cas où celles de Cordemais seraient converties au charbon vert.
"Le maintien de la disponibilité de deux tranches (fonctionnant au charbon ou converties à la biomasse), pour une durée de fonctionnement restant limitée à quelques dizaines d'heures par an en moyenne, permet également de relâcher la contrainte à la pointe d'environ 1 GW", note RTE.
Les durées de fonctionnement nécessaires pour assurer la sécurité d'approvisionnement seraient limitées à quelques dizaines d'heures par an entre le 1er novembre et le 31 mars et à maximum 250 h dans le cas d'un hiver particulièrement rigoureux. "C'est un principe de précaution en cas d'hyperpointe", analyse le ministre. "Ce mode de fonctionnement serait compatible avec une forte réduction des émissions de CO2 associées à la production d'électricité à base de charbon", souligne RTE, qui assure que l'activation de ces deux tranches ne serait nécessaire que certaines années, en cas de vague de froid.
Dans les scénarios les plus dégradés, c'est dans le Grand Ouest que se concentreraient les difficultés d'approvisionnement. "L'analyse des problématiques de tenue de tension montre qu'il est nécessaire que la fermeture des deux groupes charbon de Cordemais intervienne seulement une fois l'EPR mis en service", indique RTE. "Dans l'hypothèse où ni l'EPR ni la centrale de Landivisiau ne seraient mis en service à horizon 2022 et où l'ensemble des dernières centrales au charbon seraient fermées, les durées moyennes de défaillance atteignent près de 6 heures par an".