
ERP, chef de projet
Actu-Environnement : ERP France compte-t-il toujours postuler à l'agrément des éco-organismes pour les emballages ménagers et les papiers ?
Natacha Kaniewski : Nous n'allons pas postuler pour l'année 2017, l'année de transition. L'année prochaine sera de fait une année blanche puisque l'agrément de transition pour la REP Emballages est une simple reconduction des exigences du précédent cahier des charges.
Quant à l'agrément pour 2018-2022, le cahier des charges applicable n'est toujours pas validé. Nous réservons donc notre position. Nous restons confiants quant à l'évolution à terme des filières françaises vers des dispositions permettant enfin une ouverture à la concurrence saine et équitable. Si tel est le cas, nous étudierons la pertinence de déposer un dossier fin 2017. La commission de suivi de la filière emballages s'étant opposée au projet de cahier des charges, les choses peuvent encore évoluer.
AE : Selon vous, quels sont les principaux défauts du dispositif proposé par les pouvoirs publics ?
NK : Les exigences inscrites dans le cahier des charges pour améliorer le tri et la valorisation des déchets ne sont pas en cause et nous serions en mesure d'y répondre. Mais, pour l'instant, les conditions d'une mise en concurrence équitable, dans le respect du droit de la concurrence, ne sont pas réunies. Le dispositif en deux phases, avec une prolongation d'un an du cahier des charges actuel et un nouveau pour 2018-2022, introduit un agrément à deux vitesses. Cela repousse l'entrée en jeu des nouveaux entrants et cela permet à l'éco-organisme historique de se préparer.
Concrètement, en 2017, Eco-Emballages pourra continuer à mettre en réserve des provisions, alors qu'ERP et Valorie qui souhaitent entrer en course n'auraient que des dépenses sans chiffre d'affaires. Leur compétitivité est donc incertaine. La question de l'utilisation des provisions constituées au fil des ans par Eco-Emballages n'a pas été résolue par les pouvoirs publics, alors même qu'elles pourraient être utilisées à des fins de dumping entre 2018 et 2022. Autre question essentielle toujours en suspens : comment seront partagées les informations relatives aux metteurs au marché et aux collectivités ? Ce partage est pourtant indispensable à l'ouverture à la concurrence. Enfin, le calendrier reste un gros point noir, puisqu'on ne sait toujours pas quelle est l'échéance pour déposer un dossier pour 2018-2022.
Nous ne voyons pas comment de nouveaux entrants pourraient postuler avec un tel dispositif. Surtout qu'il faut permettre à plusieurs éco-organismes de fonctionner correctement, comme cela se fait par exemple dans la filière des déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE), pour permettre la concurrence. Là encore, les dispositions relatives à l'équilibrage n'ont pas du tout été évoquées pour la période 2017. Nous voyons mal comment les parties pourraient se mettre d'accord en un an.
AE : Le ministère de l'Environnement semble favorable à la concurrence, à condition qu'elle n'aboutisse pas à la multiplication des éco-organismes. Pensez-vous que cette position ait pu jouer en défaveur des nouveaux entrants ?
NK : Si Valorie postule, on se dirige vers une situation à deux concurrents pour la filière des emballages ménagers. Officiellement, l'ouverture à la concurrence est voulue, mais depuis le début on sent bien que tout est fait pour la retarder le plus possible. C'est dommage parce qu'il y a de la place pour tout le monde, et cette ouverture à la concurrence inciterait chacun des éco-organismes à apporter des solutions innovantes, ce dans le but d'atteindre les objectifs ambitieux fixés à horizon 2022.
AE : De leur côté, après avoir poussé en faveur de la concurrence, les metteurs au marché semblent plus en retrait aujourd'hui. Qu'en est-il ?
NK : Le message des metteurs au marché avec lesquels nous avons travaillé était : "sortons de cette situation de monopole". Ils voulaient pouvoir changer d'organisme lorsqu'ils sont insatisfaits. Plus qu'une réduction des coûts du dispositif, ils souhaitaient surtout une amélioration de la gestion administrative et de leur relation avec l'éco-organisme historique. En particulier, le système de déclaration et d'audit était jugé beaucoup trop lourd. De même, la concertation entre Eco-Emballages et les acteurs du dispositif (producteurs mais aussi collectivités) avait, selon ces derniers, progressivement disparu. En résumé, nos interlocuteurs souhaitaient, à prix égal, avoir un interlocuteur plus à l'écoute et proposant une gestion plus simple. Notre approche y répond, notamment parce que nous souhaitons nous positionner sur les deux agréments : un interlocuteur unique pour la gestion des déchets d'emballages et des papiers représente un avantage non négligeable pour de nombreux producteurs. Et c'est d'ailleurs la force de notre groupe, aujourd'hui présent dans 15 pays, qui assure la conformité réglementaire de nos producteurs adhérents pour trois types de déchets, les DEEE, les piles et accumulateurs usagés ainsi que les déchets d'emballages.
Aujourd'hui, on retrouve un dispositif simplifié dans le cahier des charges, notamment au niveau des déclarations. De même, Eco-Emballages et Ecofolio envisagent "un projet de rapprochement". Sans réelle ouverture à la concurrence, les producteurs vont avoir à faire face à eux un "méga monopole" qui sera libre de faire ce qu'il souhaite. Toujours est-il que les metteurs au marché et les fédérations de producteurs qui nous ont soutenu l'ont fait jusqu'à aujourd'hui. Nous n'avons pas ressenti de recul en cours de route.