C'est un sujet qui a déjà fait beaucoup réagir et qui va sans doute continuer à le faire. En janvier dernier, Sébastien Lecornu, alors secrétaire d'Etat à la Transition écologique, présentait les conclusions du groupe de travail chargé de simplifier les règles dans le secteur de l'éolien. Parmi les dix mesures annoncées figurait l'accélération des recours contentieux.
Le décret mettant en oeuvre cette annonce, qui contient aussi des dispositions relatives à l'autorisation environnementale et à la simplification du droit de l'environnement, a été publié samedi 1er décembre au Journal officiel. Les deux mesures principales portent sur la suppression d'un degré de juridiction et sur la cristallisation dans le temps des moyens présentés par les requérants à l'appui de leur demande d'annulation.
Pour parvenir à cette publication, le parcours a été semé d'embûches pour le gouvernement. Le projet de texte a reçu un avis défavorable de plusieurs instances consultatives, dont le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT). Ce dernier, lors de sa séance du 13 mars, s'était positionné contre les dispositions relatives à la cristallisation des moyens. Soumis à la consultation du public en février, le texte avait recueilli plus de 2.700 réactions, dont une grande majorité défavorable au projet.
Faire disparaître 2 à 4 ans de contentieux
La principale mesure consiste à supprimer un degré de juridiction, à l'instar de ce qui existe déjà pour l'éolien offshore. Les cours administratives d'appel sont désormais compétentes pour juger en premier et dernier ressort les litiges portant sur les éoliennes, leurs ouvrages connexes, les ouvrages de raccordement propres au producteur, ainsi que les premiers postes du réseau public auxquels ils sont directement raccordés. Ces règles de procédure concernent toutes les décisions afférentes à ces installations : autorisation environnementale, autorisation au titre du code de l'énergie, autorisation de défrichement, permis de construire, dérogations à l'interdiction de destruction d'espèces protégées, etc. "Le double degré de juridiction est un principe fondamental auquel on ne peut déroger", avait estimé Jacques Vernier, le président du CSPRT lors de l'examen du texte.
Le décret met également en oeuvre la cristallisation des moyens, qui interdit aux requérants d'invoquer de nouveaux arguments juridiques après un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. "Cette disposition permet de faire face à des mesures dilatoires des opposants qui, ne donnant leurs arguments qu'au compte-goutte, obtiennent la réouverture de l'instruction et le report des audiences", explique Fabrice Cassin, avocat associé au cabinet LPA-CGR, qui se félicite de la publication du décret. "On est en train de créer des spécificités pour l'éolien, ce qui revient à ouvrir la boîte de Pandore", s'était au contraire opposée Marie-Pierre Maître, avocate associée au cabinet Atmos, lors de l'examen du projet au CSPRT. Le ministère de la Transition écologique a inhabituellement passé outre les avertissements lancés par cette instance, dont l'avis ne figure plus dans les visas du décret.
Pour Fabrice Cassin, ces deux mesures permettent de "faire disparaître deux à quatre ans de contentieux par projet", sachant que 70 % des autorisations sont attaquées et qu'il fallait jusque là attendre six-sept ans pour voir une décision purgée de tout recours. Ces contentieux à rallonge bloquaient les prêts, alors que les projets éoliens font appel à 80 % à un financement bancaire, ajoute l'avocat.
La question des radars renvoyée à un arrêté
Le décret contient deux autres mesures qui doivent permettre d'accélérer les projets éoliens. La première précise que lorsque des travaux exécutés sur des éoliennes font l'objet d'un arrêté complémentaire, ces travaux sont dispensés de formalité au titre du code de l'urbanisme. Cette disposition complète la dispense de permis de construire les projets d'éoliennes soumises à autorisation environnementale. Cette dispense avait été introduite dans le code de l'environnement en janvier 2017.
Cette nouvelle disposition réglementaire, couplée à celle votée dans la loi Essoc l'été dernier, doit permettre de dispenser de toute formalité d'urbanisme les parcs éoliens faisant l'objet d'un repowering. Qu'ils soient ou non contraints de demander une nouvelle autorisation environnementale.
La dernière mesure concerne les avis conformes rendus sur les projets de parcs lors de leur procédure d'instruction. Le décret renvoie désormais à un arrêté ministériel le soin de déterminer les cas dans lesquels un tel avis sera exigé du ministre chargé de l'aviation civile et de Météo France. Les critères permettant de déterminer dans quels cas un avis conforme sera nécessaire seront fondés sur la distance par rapport aux éoliennes et/ou sur leur hauteur. "La direction générale de l'aviation civile conservera un avis conforme jusqu'à 16 kilomètres autour de ses radars, mais il est proposé de passer en avis simple au-delà", avait indiqué le ministère de l'Ecologie lors de la présentation des conclusions du groupe de travail éolien.
Une réponse vigoureuse annoncée
Contacté par Actu-Environnement, la Fédération nationale Vent de colère indique étudier le décret avec d'autres associations. "Nous y répondrons vigoureusement", annonce d'ores et déjà le réseau d'associations en pointe dans le combat anti-éolien. Lors de la consultation publique, la fédération avait indiqué que la suppression du double degré de juridiction constituait un déni du droit d'accès au juge, une rupture d'égalité par rapport aux autres projets d'installations classées (ICPE), une négation du droit à un recours effectif ainsi qu'au droit de voir son affaire jugée deux fois en droit et en fait.