La France, qui préside le G7 cette année, met en avant la lutte contre les inégalités comme priorité du sommet de Biarritz qui s'ouvre samedi 24 août pour trois jours. La réduction des inégalités environnementales passera par les "financements en faveur du climat et une transition écologique juste centrée sur la préservation de la biodiversité et des océans", annonce la présidence française.
Mais les engagements des sept Etats (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni), auxquels est associée l'Union européenne, risquent d'être bien faibles. Emmanuel Macron a donné le "la" lors d'une rencontre avec la presse mercredi 21 août. Selon le journal Le Monde, le président français a ironisé sur "ces communiqués que personne ne lit, qui sont le résultat d'interminables chicayas bureaucratiques entre Etats profonds (sic) des pays membres", laissant entendre qu'il n'y aurait pas de communiqué commun en fin de sommet.
Pourtant, "le G7 doit être l'occasion pour ses pays membres, y compris la France, de s'accorder sur le renforcement des objectifs de réduction d'émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030, d'adopter un objectif de neutralité carbone avant 2050 et de doubler les promesses financières au Fonds Vert pour le climat. Pas d'annoncer des coalitions souvent sans lendemain", estiment les ONG réunies dans le Réseau Action Climat (RAC). Celles-ci ont annoncé jeudi 22 août leur boycott du sommet en raison de la limitation du nombre d'accréditations des ONG à "un niveau extrêmement bas" et de la volonté de l'Elysée de "les garder à l'écart du sommet". "Cette décision crée un précédent dangereux", dénonce Lucile Dufour, responsable des politiques internationales au RAC alors que la présidence du G7 sera assurée par les Etats-Unis l'année prochaine.
"Classe de cancres"
La première demande des ONG porte sur la révision à la hausse des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Lors du G7 Environnement de Metz en mai dernier, les ministres ont pris en compte les conclusions du rapport du Giec sur l'objectif de 1,5°C et reconnu l'écart entre cet objectif et les trajectoires actuelles. Mais "ils n'ont pas réussi à reconnaître explicitement la nécessité urgente de revoir à la hausse leurs objectifs climatiques individuels avant 2020", déplorent les associations. "Nous avons affaire à une classe de cancres", cingle Clément Sénéchal de Greenpeace France. Les engagements actuels conduisent en effet à une planète à +3°C ou + 4°C. Or, "les changements climatiques accentuent les inégalités", pointe Noélie Coudurier d'Oxfam France.
Alors que la forêt amazonienne brûle du fait de l'impunité dont jouissent les promoteurs de l'agro-business dans le Brésil de Jair Bolsonaro, le RAC appelle les pays du G7 à adopter des lois contraignantes pour combattre la déforestation. Y compris la déforestation importée. Les ONG voient mal comment une déclaration pointant le Brésil puisse sortir du G7 compte tenu des liens étroits entre ce pays et les Etats-Unis. "Le plus cohérent, explique Clément Sénéchal, serait que la France arrête les négociations de l'accord commercial UE-Mercosur", qui a fait l'objet d'un accord politique le 28 juin dernier. Mais aussi que les Etats suppriment leurs aides au Brésil, comme l'ont déjà fait la Norvège et l'Allemagne. De manière inattendue, jeudi 22 août au soir, le président français a toutefois mis l'Amazonie à l'ordre du jour du G7. "Notre maison brûle. Littéralement. L'Amazonie, le poumon de notre planète qui produit 20 % de notre oxygène, est en feu. C'est une crise internationale. Membres du G7, rendez-vous dans deux jours pour parler de cette urgence", a twitté Emmanuel Macron.
Une occasion manquée sur la finance
"La finance climat va jouer un rôle crucial", explique aussi Noélie Coudurier. "Les pays du G7 doivent rediriger massivement les flux financiers vers la transition énergétique et augmenter leurs soutiens aux populations les plus pauvres, notamment pour les aider à s'adapter aux impacts qu'elles subissent", analyse le RAC. Sur la période 2015-2016, les pays du G7 ont continué à financer les énergies fossiles à hauteur de 100 milliards de dollars (Md$) par an d'argent public, alors qu'ils s'étaient engagés, il y a trois ans, à "mettre un terme à ces financements bruns avant 2025", dénoncent les associations. "C'est une occasion manquée qui doit être rattrapée à Biarritz car ce sont les flux financiers publics qui orientent le verdissement du reste de la finance", expliquent-elles.
Quant au soutien aux pays les plus vulnérables, les pays du G7 n'ont jamais rappelé l'objectif de mobiliser 100 Md$ d'ici 2020, déplorent les ONG. Le G7 Environnement de Metz s'est engagé (Etats-Unis mis à part) pour une reconstitution réussie du Fonds verts sur le climat mais sans promesse chiffrée. L'Allemagne a avancé, en annonçant il y a quelques semaines le doublement de sa contribution. "On attend de la France qu'elle fournisse 2 Md$ sur quatre ans", explique Noélie Coudurier.
"Les paroles s'envolent"
On peut s'attendre, à l'issue du sommet, à l'adoption de la Charte pour la biodiversité finalisée par les ministres de l'Environnement lors du G7 Metz, mais cette charte ne présente pas de caractère contraignant. L'Elysée annonce par ailleurs plusieurs coalitions d'acteurs privés et publics dans le champ "climat" : sur le transport maritime, sur les hydrofluorocarbures (HFC), sur l'industrie de la mode et sur la neutralité carbone. Pierre Cannet du WWF France salue cette mobilisation sur ces engagements spécifiques. "Mais, à défaut d'un communiqué engageant sur le climat, la biodiversité et les océans, on risque de diluer les responsabilités", dénonce le représentant de l'ONG. "C'est fondamental dans le multilatéralisme. Sinon, les paroles s'envolent".
Il faut dire que la tâche n'est pas non plus facilitée par les partenaires de la France. "Le G7 est un terrain miné pour aborder la question climatique : la présence des Etats-Unis rend le consensus impossible depuis 2016 et l'annonce de Donald Trump du retrait de l'Accord de Paris", reconnaissent les ONG. "Cette situation rend nécessaire d'isoler les Etats-Unis afin de trouver des accords avec les six pays restants". Or, entre une Italie avec un chef du gouvernement démissionnaire, un Royaume-Uni à la veille du Brexit, un Canada à la veille d'élections nationales et une Angela Merkel affaiblie politiquement, la recherche d'accords se révèle périlleuse.