
Président de de la Fédération des parcs naturels régionaux
Actu-Environnement : Quelle est la position de votre fédération sur les projets EnR dans les parcs naturels régionaux ?
Michaël Weber : Les parcs ne sont pas des territoires sans activité et sans habitant. On ne peut pas dire que l'on produit de l'énergie uniquement à l'extérieur de ces territoires et que les habitants de ces territoires la consomment. Ça n'aurait aucun sens de s'opposer à la production d'énergie. Ce que nous essayons de faire, c'est de privilégier la production d'énergies renouvelables (EnR), mais dans une mesure raisonnable et avec une acceptabilité environnementale et sociale. C'est le défi qui s'offre à nous. Il y a maintenant un chargé de mission EnR dans presque chaque parc et nous avons établi des liens renforcés avec différentes entreprises, comme Engie, Enedis ou GRTGaz, qui ont contribué à des actions dans les PNR.
AE : Votre soutien au PNR du Haut-Languedoc, qui a formé un recours contre les autorisations de deux parcs éoliens, est-il l'illustration des limites que vous souhaitez poser ?
MW : Dans cet exemple, on est sur un territoire déjà très sollicité pour de la production d'énergie éolienne. Dans la charte du parc, les acteurs locaux avaient accepté un nombre important d'éoliennes. Malgré cela, certains souhaitent aller au-delà et ce n'est pas acceptable. Parce que la charte est aussi la culture du compromis. Là où il y a un accord pour 300 éoliennes, ce n'est quand même pas rien. Demander à ce qu'il y en ait encore plus est une atteinte à cet équilibre. Alors qu'il y a beaucoup de parcs régionaux qui n'ont pas ou peu d'éoliennes. Si je prends le parc des Vosges du Nord, que je préside, nous avons sept éoliennes.
AE : Cela pose la question de la valeur juridique de la charte des PNR. Est-elle opposable ?
MW : C'est un problème général, qui ne concerne pas seulement les questions d'énergie, mais aussi celles d'urbanisme. Le réseau des parcs a dénoncé depuis quelques années l'affaiblissement du caractère opposable de la charte. Néanmoins, on s'aperçoit, à travers la jurisprudence et la prise en considération de la charte par les différents acteurs publics, dont l'État, qu'elle a une influence difficilement contournable. Ça été le cas sur la question d'exploitation de carrières et sur certains projets en matière d'énergie.
AE : Réclamez-vous malgré tout un renforcement de sa valeur ?
MW : Plutôt convaincre que contraindre. Ça a toujours été notre devise. Il ne s'agit pas, pour nous, d'être dans une approche réglementaire à tout crin et en permanence. Il s'agit d'appeler à la cohérence de l'État. Même s'il n'y a pas d'opposabilité légale ou réglementaire de la charte sur les questions de production d'énergie, elle a été cosignée par les communes, les intercommunalités, le Département et la Région, mais aussi par l'État. Il ne peut donc lui-même se dédire, comme il l'a fait dans le Haut-Languedoc via le préfet, qui a autorisé des projets qui ne respectaient pas la charte. Il faut que le tour de table soit respectueux de ce que portent les PNR. Un des sujets que nous avons, et qui peut parfois être mal perçu par un certain nombre de territoires, c'est que la labellisation doit continuer à avoir du sens. Elle doit être porteuse de valeurs et de limites sur les questions d'urbanisme et d'énergie, par exemple. Donc oui, nous sommes demandeurs à ce que la charte des parcs soit plus forte et qu'elle puisse être opposable à un certain nombre de documents d'urbanisme et de projets en matière d'énergie, en tout cas plus qu'elle ne l'est aujourd'hui.
AE : Vous avez interpellé la ministre de la Transition écologique à ce sujet ? Vous a-t-elle apporté une réponse ?
MW : Bien sûr que non.
AE : Pourquoi « bien sûr » ?
MW : Parce que je pense que les ministres sont gênés par la question posée. Il y a la nécessité pour l'État de produire plus d'EnR, et puis il y a la réalité qui fait que, sur des espaces protégés comme le sont les PNR, on ne peut pas non plus tout faire. Il y a là une espèce de contradiction. Les ministres ne sont pas capables aujourd'hui de la régler, ce qui fait qu'on laisse pourrir la situation ou qu'on laisse les préfets décider.
AE : Votre positionnement est-il identique pour les différents types d'EnR ?
MW : Sur l'éolien, ce que l'on a constaté dans le Haut-Languedoc est susceptible de concerner d'autres parcs, c'est aussi pourquoi nous avons souhaité réagir sur le sujet. C'est le cas du parc des Corbières-Fenouillède, où il y a eu une tendance du préfet à accélérer la délivrance des permis de construire éoliens avant le classement du territoire en PNR. C'est une question d'équilibre entre ce que le territoire peut accepter et l'impact sur le milieu. C'est pourquoi la Fédération déconseille l'implantation d'éoliennes dans les milieux forestiers. Sur le photovoltaïque, notre position est de ne pas en mettre sur les terres arables. Nous examinons néanmoins avec intérêt l'agrivoltaïsme, qui peut être une opportunité, même si nous n'avons pas assez de recul. Sur la méthanisation, nous n'avons pas encore pris de position globale, mais nous privilégions les petites unités. Il ne faut pas que le principe d'utiliser des sous-produits issus de l'agriculture soit détourné et que soit planté du maïs pour faire de la méthanisation. Nous appelons à une forte vigilance là-dessus. Ce qui est important aussi, ce sont les efforts à faire en matière d'économies d'énergie. Nous avons par exemple accompagné les communes sur l'extinction partielle de l'éclairage public, en lien avec l'Association nationale pour la protection du ciel et de l'environnement nocturnes (Anpcen).
AE : Quel est le poids de vos prises de position dans les différents PNR ?
MW : Ce sont des préconisations. Néanmoins, notre réseau fonctionne bien, avec beaucoup d'échanges entre les 58 membres. Je n'ai jamais eu de remontées de parcs qui ne souhaitaient pas s'inscrire dans ces préconisations. Mais il n'y a pas non plus de hiérarchie entre ce que préconise la fédération, qui est une association, et ce que décident les PNR, qui sont des syndicats mixtes. À l'autre bout de la chaîne, nos préconisations nous permettent de défendre des positions nationales en lien avec nos ministères de tutelle, qui sont tous concernés, peu ou prou, par ces questions d'énergie, qu'il s'agisse du ministère de la Transition écologique, du secrétariat d'État à la biodiversité ou du ministère de l'Agriculture.