En première ligne face aux dérèglements du climat, SNCF Réseau met en place une série de mesures préventives, tout en élaborant une feuille de route plus complète.
Voies coupées lors de l'éboulement d'une falaise, dans la vallée de la Maurienne, en août dernier, ou durant plusieurs mois dans la haute vallée de la Roya, après la tempête Alex de 2020, trains ralentis ou à l'arrêt au moment des pics de chaleur, cet été… Pour les réseaux ferrés, les dérèglements du climat sont déjà à l'œuvre et risquent évidemment de s'aggraver. « Adapter le système ferroviaire aux effets du changement climatique est un enjeu majeur des prochaines années », indique d'ailleurs la SNCF dans son dernier rapport d'activité. Des rails aux ballasts en passant par ses équipements électriques, ses catenaires, ses ouvrages en terre (remblais et déblais soutenant les plateformes notamment) ou ses ouvrages d'arts, chacun des composants de ses 32 000 kilomètres de lignes est en effet concerné.
Chaleur et sécheresse à redouter
Adapter le système ferroviaire aux effets du changement climatique est un enjeu majeur des prochaines années
Parmi leurs principales menaces : la hausse des températures au-delà de 35 °C et la sécheresse. Susceptible de provoquer des incendies sur les talus, cette dernière accélère aussi le phénomène de
retrait-gonflement de l'argile, particulièrement délétère pour le bon état des installations. Quant à
la chaleur, elle dilate les matériaux en altérant les propriétés des rails ou en portant atteinte au bon fonctionnement des systèmes électriques qui alimentent réseaux, aiguillages et signalisations. S'y ajoutent les risques de tempêtes, ruissellements, inondations et
submersions marines qui neutralisent tout autant les équipements électriques, emportent, déplacent ou corrodent les matériaux. Selon le cabinet de conseil Carbone 4, les risques d'inondation des lignes ferroviaires pourraient doubler, voire tripler en Europe. En France, plusieurs milliers de kilomètres de voies seraient également submergés en cas d'élévation d'un mètre du niveau de la mer.
Les ouvrages les plus récents, comme les dernières lignes TGV, ont a priori été dimensionnés en tenant compte des nouvelles hypothèses climatiques. Les zones les plus à risques sont également « purgées » pour pallier les phénomènes de retrait-gonflement. Mais, globalement, ces manifestations ont tendance à déstabiliser les ouvrages en terre. Or, les réseaux ferrés fonctionnent sur la base d'une géométrie de précision. Ces aléas climatiques peuvent donc impacter leurs performances, ou pire, favoriser des glissements de terrain. Ils réduisent par ailleurs leur longévité.
Un sujet négligé par les programmes de financements
Le cabinet I4CE a examiné le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 au regard du thème des transports. Il note avec satisfaction qu'une étude de vulnérabilité relative aux infrastructures de transport portée par la direction générale des Infrastructures, des Transports et des Mobilités (DGITM) est en cours. Il souligne aussi que le PLF rehausse les crédits pour la modernisation des infrastructures de transport ferroviaire de 300 M€. Un budget « qui pourrait contribuer à l'adaptation sans que la question de la résilience ne soit vraiment posée », souligne-t-il. Au début de cette année, le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) reconnaissait lui-même le manque d'estimation des besoins liés à l'adaptation. À ce stade, constatait-il, « au-delà de travaux de réflexion générale à travers les Pnacc ou des plans spécifiques (adaptation à la canicule, viabilité hivernale…), aucun véritable plan structurel d'ensemble d'adaptation des infrastructures n'existe ».
Prévention et anticipation
Afin de limiter ces risques de dégradation ou de panne, SNCF Réseau a déjà mis en place plusieurs mesures : surveillance spécifique effectuée lors des interventions sur les voies, tournées supplémentaires en cas de période de fortes températures ou d'intempéries pour détecter d'éventuels dysfonctionnements, installation de caméras ou encore de climatiseurs dans les locaux techniques les plus sensibles, mise en place de systèmes de poulies et de contrepoids pour préserver la tension des câbles… L'entreprise s'est également équipée d'un système de prédiction, Metigate, afin de connaître à l'avance les zones du réseau les plus à risques, à partir des données et paramètres météorologiques : prévision de nébulosité, ensoleillement, humidité...
Une autre solution utilisant l'intelligence artificielle, Platibus, est en outre en test pour optimiser le diagnostic d'affouillement (creusement des eaux dû aux courants et aux remous) sur les 10 000 ouvrages d'art du réseau situés en site aquatique. Mais au-delà de la nécessité d'assurer la continuité de service et de préserver la sécurité des usagers, la durée de vie des matériels et des infrastructures ferroviaires, entre trente et cent ans, impose également aux gestionnaires de réseaux d'adapter au mieux l'ensemble de leurs systèmes.
Des études pour cibler les actions
SNCF réseau a donc lancé plusieurs études techniques, sur les indicateurs stratégiques notamment, et de vulnérabilité : à l'échelle nationale, sur l'axe Seine, en Occitanie ou dans le Sud. Une feuille de route en matière d'adaptation, de gouvernance et de management du sujet devrait suivre. Certaines options seront loin d'être évidentes : ainsi, vaut-il mieux maintenir les haies pour contribuer à rafraîchir l'atmosphère ou les raser pour éviter qu'elles ne prennent feu ?
Les solutions seront aussi à affiner à l'échelle locale, en fonction des particularités du terrain. Dans tous les cas, elles devront être mûrement réfléchies : non seulement parce que ce secteur est très contraint sur le plan règlementaire et que ses objets sont peu flexibles en termes de géométrie, mais aussi parce qu'il est difficile de stopper le trafic trop longtemps. Surtout sur certaines lignes très fréquentées comme le RER A, en Île-de-France, ou ne comportant que deux voies. Les options retenues impacteront par ailleurs les budgets d'entretien et d'investissement des réseaux.
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