Alors que le vélo s'impose dans les villes françaises comme le moyen de transport principal face à la crise sanitaire, une étude, commandée par l'Ademe (Agence de la transition écologique), la Fédération française de cyclisme, et différents organismes ministériels, dresse un état des lieux des différentes utilisations du vélo en France. Réalisée par les cabinets Indigo et Vertigo Lab, l'étude fait aussi le point sur l'impact économique et le potentiel de développement des usages du vélo sur le territoire français. Depuis 2009, date de la dernière observation sur le sujet, les pratiques ont été bouleversées. Bon nombre de mesures restent à prendre pour tripler la part du vélo dans les déplacements à l'horizon 2024, objectif affiché par la Loi d'orientation sur les mobilités (LOM).
Boom du vélo dans le centre des grandes villes
« Nous avons assisté, en dix ans, à un développement important de la pratique dans les centres des grandes villes, notamment à Paris, Lyon, Grenoble, Bordeaux et Nantes, avec un changement d'échelle dans les efforts d'investissement de ces collectivités », se réjouissent les auteurs de l'étude. La pratique du vélo a augmenté de 30 % à Paris et de 10 % par an à Lyon entre 2010 et 2018, de 50 % à Bordeaux entre 2015 et 2019, mais aussi dans des villes moyennes comme La Rochelle, où il représente 8 % de la part modale. C'est le trajet domicile-travail qui concentre la majorité des usages.
Si la pratique régulière reste stable, le nombre de pratiquants occasionnels est en hausse. En 2012, 52 % des Français ne faisaient jamais de vélo ; ils n'étaient plus que 43 % en 2018.
Le vélo à assistance électrique (VAE) a fortement contribué à ces bons résultats, en doublant notamment son marché en 2017. Le VAE touche prioritairement les territoires ruraux et péri-urbains, et s'utilise avec une fréquence de pratique et sur des distances de déplacement plus importantes qu'un vélo classique, en substitution de la voiture.
« Les collectivités ont fait, ces quinze dernières années, des efforts d'aménagement et d'investissement dans les politiques cyclables, en milieu urbain mais aussi sur les véloroutes et voies vertes », précise l'étude. Au niveau national, le budget d'investissement des collectivités sur les politiques cyclables utilitaires ou loisirs a augmenté de 40 % en dix ans, passant de 328 à 468 M€. Parmi les villes les plus généreuses, Grenoble, Strasbourg, Paris, Bordeaux ou Nantes, qui investissent aujourd'hui entre 15 et 20 €/an/habitant dans la politique cyclable. Un chiffre toutefois bien inférieur aux villes néerlandaises qui investissent, depuis quarante ans, 33 €/an/habitant.
Une pratique au quotidien en baisse au niveau national
Si le recours au vélo augmente dans les centres urbains, là où la circulation et le stationnement sont les plus délicats, le vélo continue à baisser dans les banlieues et les villes de deuxième couronne. Situation identique dans les zones rurales. Les jeunes populations, surtout les collégiens, feraient de moins en moins de vélo, et la bicyclette a quasiment disparu des écoles primaires, au bénéfice surtout de l'accompagnement en voiture. « On sait pourtant que les pratiques de mobilité des jeunes influencent leurs pratiques futures » précise le rapport.
Si les Français ont un parc de vélo important, les bicyclettes restent souvent au fond du garage. Avec 5 % de pratique quotidienne du vélo, la France est nettement derrière l'Italie (13 %), la Belgique (15 %), l'Allemagne et la Suède (19 %), le Danemark (30 %) ou les Pays-Bas (43 %).
Une question de moyens
- La hausse du chiffre d'affaires (CA) des ventes de vélo est de 51 % en dix ans, notamment grâce au développement du VAE.
- Le CA du secteur de la fabrication de vélos et de pièces détachées en France a augmenté de 57 % en dix ans, passant de 344 à 539 millions d'euros.
- Les retombées économiques du tourisme à vélo ont augmenté de 46 % en dix ans, à 5,1 milliards d'euros par an.
Les auteurs du rapport appellent à amplifier massivement les efforts des pouvoirs publics. Si les investissements des collectivités ont augmenté ces dix dernières années, passant de 5,7 €/an/habitant en 2008, à 8,9 €/an/habitant en 2019, ils restent très en deçà des 25 à 30 €/an/habitant des pays du nord de l'Europe. Les investissements semblent pourtant directement liés à l'essor de la pratique. L'étude cite l'exemple de l'agglomération de Séville, qui est passée de 0,6 % à 6 % de part modale en six ans, soit un seul mandat municipal, en passant de 0,1 à 0,6 mètre linéaire / habitant. « L'État peut jouer, par ses co-financements, un rôle majeur d'incitation à l'investissement des collectivités », précise l'étude. Des efforts à amplifier sur tout le territoire : petite ville, banlieues, communes périphériques, en privilégiant une maîtrise d'ouvrage intercommunale pour accélérer le développement des infrastructures.
Un argument essentiel de développement : la santé des Français
Parmi les solutions pour développer le recours au vélo en France, les auteurs du rapport préconisent de poursuivre la politique de développement du VAE et de réduire la place, l'espace, et les investissements dévolus à l'automobile. « L'impact économique de l'occupation de l'espace en ville par le stationnement automobile est considérable. Réaliser des infrastructures cyclables sur ces espaces permet de faire rapidement des aménagements et de peser fortement sur les choix modaux », poursuivent les auteurs. Enfin l'étude préconise de mettre en avant un argument essentiel du développement de la pratique : la santé. Les recherches convergent pour montrer et quantifier les bénéfices de la pratique du vélo sur la santé, de même que sur la concentration, l'attention, et la productivité au travail.
L'infographie de l'économie du vélo en 2020 est à retrouver ici.