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Pneumatiques : les trois éco-organismes repoussent les limites de la REP

Trois éco-organismes sont agréés pour la REP pneus : Aliapur ; FRP, créé à l'initiative de gestionnaires de déchets ; et Tyval, créé par un géant de la réparation auto. Les nouveaux entrants pourraient chambouler la gouvernance des REP.

Déchets  |    |  P. Collet
Pneumatiques : les trois éco-organismes repoussent les limites de la REP

Le 29 décembre sont parus au Journal officiel les agréments des éco-organismes de la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) de pneumatiques. L'agrément d'Aliapur était attendu. Ceux de France Recyclage Pneumatiques (FRP) et de Tyval soulèvent plus de questions. Leurs modèles innovants pourraient surtout impacter d'autres filières REP et façonner de nouvelles formes de mise en œuvre de la responsabilité élargie du producteur.

Ces agréments, accordés pour cinq ans, jusqu'au 31 décembre 2028, étaient attendus de longue date. La transformation de la filière, créée en 2002 sur une base volontaire, en une REP en bonne et due forme a été engagée dès 2014 avec la loi Économie sociale et solidaire (ESS). Mais l'opposition des acteurs concernés a fait capoter cette première tentative de réforme. Finalement, la loi Antigaspillage pour une économie circulaire (Agec) de 2021 revient sur le sujet et prévoit sa création, avec une entrée en vigueur qui aurait dû être effective en janvier 2023. C'est désormais chose faite, avec un an de retard.

Aliapur, l'acteur attendu

L'agrément d'Aliapur ne constitue pas une surprise. Depuis le lancement de la filière volontaire, l'entreprise joue le rôle d'éco-organisme et assure la gestion de l'essentiel des déchets de pneus. À ce titre, elle devrait rester le principal acteur de la filière, avec environ 80 % du marché. Son agrément a été accordé sans grande difficulté, seule la question de la gestion des pneus d'ensilage posant un vrai problème, puisqu'Aliapur s'y oppose (comme ses deux homologues).

En l'occurrence, la création de la filière REP a été l'occasion pour l'État de demander aux éco-organismes de prendre en charge ces pneus utilisés par les agriculteurs pour maintenir les bâches d'ensilage. En jeu, la collecte de milliers de tonnes de pneus, souvent dégradés et éparpillés dans les exploitations agricoles. L'objectif de collecte est fixé à 30 000 tonnes en 2024, puis 10 000 tonnes supplémentaires par an, jusqu'à atteindre 70 000 tonnes en 2028. Sur cette période, 250 000 tonnes seront ainsi traitées, sur un gisement évalué en 2006 à 800 000 tonnes par l'Agence de la transition écologique (Ademe).

Cette nouvelle obligation fait l'objet d'un recours porté par les trois éco-organismes agréés. Aussi, l'État leur a-t-il rappelé qu'ils doivent appliquer cette disposition dès leur agrément, sans attendre la mise en place d'un organisme coordonnateur.

FRP : quand un gestionnaire de déchets joue à l'éco-organisme

L'agrément de FRP est beaucoup plus original. L'éco-organisme a été créé à l'initiative d'un groupement d'intérêt économique (GIE) du même nom qui rassemble des gestionnaires de déchets, parmi lesquels figure en bonne place Veolia. La création d'un éco-organisme par des recycleurs est inédite, puisque la règlementation impose que les éco-organismes émanent des metteurs en marché.

Plusieurs filières posaient déjà la question en filigrane, puisque certains acteurs se situent à la frontière entre producteur et recycleur. C'est le cas, par exemple, de TotalEnergies qui, dans la filière REP des huiles, est à la fois producteur et le principal régénérateur d'huiles (via Osilub, une filiale qu'il détient avec Veolia). Ce potentiel conflit d'intérêts a d'ailleurs donné lieu à un recours (1) d'Eco Huile (le concurrent d'Osilub) qui estimait que l'éco-organisme, dirigé par un ancien de TotalEnergies, exigeait qu'il fournisse des informations commerciales trop sensibles.

Pour autant, bien que la situation de TotalEnergies soit ambiguë, l'entreprise reste avant tout un producteur d'huiles plutôt qu'un recycleur (il n'est d'ailleurs actionnaire d'Osilub qu'à hauteur de 35 %). Mais avec la REP pneus, FRP pousse le curseur plus loin, puisque l'éco-organisme est créé par des gestionnaires de déchets. Pour contourner la difficulté, il est détenu à 51 % par des metteurs en marché et à 49 % par le GIE FRP.

Quid des appels d'offres ?

Reste la question des contrats de gestion des déchets qui doivent être conclus à l'issue d'appels d'offres non discriminatoires assurant une large concurrence, selon le code de l'environnement. Pour gérer la question, FRP a créé une commission spéciale regroupant uniquement les metteurs en marché et chargée de lancer les appels d'offres et d'attribuer les marchés. Pour autant, l'éco-organisme FRP sera-t-il libre de retenir des concurrents de ses actionnaires ?

Le sujet a fait l'objet de débats, notamment en Commission interfilières de responsabilité élargie des producteurs (Cifrep). Selon le compte-rendu obtenu par Actu-Environnement, Jacques Vernier a expliqué que « la présence importante (49 %) d'opérateurs de traitement des déchets au sein de l'actionnariat rendrait, quoi qu'on en dise, difficile de passer des appels d'offres "transparents et non discriminatoires" ». Pour le président de la Cifrep, ce montage franchit une « ligne jaune » en matière de gouvernance. Les producteurs et les gestionnaires de déchets ont bien admis qu'il s'agit d'« un sujet sensible », mais ils ont tout de même soutenu le dossier de FRP.

Quoi qu'il en soit, les pouvoirs publics ont accordé un agrément à FRP, ce qui pourrait donner des idées à d'autres gestionnaires de déchets qui considèrent que les éco-organismes leur livrent une concurrence déloyale. En créant des éco-organismes, ils pourraient reprendre la main sur une activité qui, selon eux, leur échappe.

Tyval ou l'option du « producteur-opérateur »

L'agrément de Tyval met en lumière un autre enjeu important. Derrière l'éco-organisme, qui vise environ 6 % du marché, se trouve Mobivia, une entreprise spécialisée dans l'entretien automobile (les marques les plus connues sont Norauto et Midas). À ce titre, elle est un metteur en marché d'huiles et de pneus et elle assure la gestion des déchets associés. Lors de la création de la REP huiles minérales, Mobivia a tenté d'être agréée en tant que système individuel. En vain, puisqu'elle ne collecte pas ses huiles, mais celles provenant de producteurs variés.

Déçue, l'entreprise s'est tournée vers un autre dispositif : la réfaction. Le principe consiste à accorder une réduction sur l'écocontribution versée par un metteur en marché qui collecte et gère aussi des déchets (considéré comme un « producteur-opérateur »). Mais les négociations avec Cyclevia, l'éco-organisme de la REP huiles, se sont très mal passées (l'État a même dû modifier la réglementation pour imposer à Cyclevia la mise en œuvre du dispositif).

Cette fois, actant que la réfaction n'est pas une option efficace, Mobivia a changé son fusil d'épaule. Plutôt que de proposer un système individuel ou d'engager une négociation avec les éco-organismes de la filière pneus, l'entreprise a créé son propre éco-organisme. Côté adhérents, il a recruté des metteurs en marché importateurs. Et pour assurer la collecte, il mise sur son réseau déjà bien établi.

La formule pourrait là aussi donner des idées à un producteur-opérateur confronté à un éco-organisme qui ne veut pas soutenir pleinement un dispositif de collecte alternatif au sien. Et cela d'autant plus si la gestion des déchets par le producteur-opérateur est efficace.

1. Lire l'analyse de l'avocat Arnaud Gossement
https://www.actu-environnement.com/blogs/arnaud-gossement/342/dechets-agrement-eco-organisme-charge-huiles-minerales-usagees-suspendu-651.html

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