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COP 28 : le dossier de l'agriculture est resté en jachère

La présidence de la COP 28 souhaitait en faire un sujet phare, mais le dossier agroalimentaire aura peu progressé à Dubaï. En cause : des blocages procéduriers, mais surtout la crainte des pays de devoir s'engager à modifier leurs systèmes.

Agroécologie  |    |  N. Gorbatko
COP 28 : le dossier de l'agriculture est resté en jachère

Noyés dans le bourdonnement général, certains sujets peinent à émerger lors des COP. Cela a été le cas de l'agriculture et des systèmes alimentaires à la COP 28 de Dubaï. Un secteur qui présente pourtant plusieurs facettes, toutes aussi importantes en termes de climat. Source de plus d'un tiers des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, celui-ci s'avère en effet particulièrement vulnérable aux dérèglements du climat. Mais il pourrait aussi être à l'origine de solutions importantes en termes d'atténuation comme d'adaptation ou de biodiversité, à travers la préservation des écosystèmes, des forêts, de l'eau ou des zones humides par exemple.

La thématique intéresse théoriquement les parties. Aujourd'hui, elles sont ainsi 160 – un record pour ce type de texte – à avoir signé la déclaration de la présidence, publiée dès le début de la Conférence de Dubaï, le 1er décembre, les engageant pour la première fois à inclure ces questions dans leur contribution déterminée sur le plan national (NDC) d'ici à 2025, dans leur plan d'adaptation et dans leur stratégie pour la biodiversité. De même, à l'instigation du président Al-Jaber- qui souhaitait en faire un axe fort de ce rendez-vous, une journée de la COP 28 a été entièrement consacrée à ces sujets, le 10 décembre dernier. Au programme : toute une série d'événements et de rencontres, dont une réunissant les ministres de plus de 25 pays.

Une maigre récolte

Mais malgré ces efforts et les encouragements de la ministre du Changement climatique et de l'Environnement des Émirats arabes unis, Mariam bint Mohammed Almheiri, à « aborder le lien entre les systèmes alimentaires mondiaux, l'agriculture et le climat » pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris, les résultats sont restés décevants. Ainsi, le manifeste du 1er décembre reconnait bien les menaces « sans précédent » qui pèsent sur les systèmes agricoles et alimentaires ainsi que sur la capacité de nombreux pays à nourrir suffisamment leurs populations. Il admet également le potentiel de ces systèmes pour répondre au changement climatique et il mentionne « le droit à une alimentation adéquate ».

Via leur approbation, les pays se sont engagés à intensifier leurs réponses en matière d'adaptation et de résilience, par le biais d'un soutien financier et technique, notamment par le renforcement des infrastructures et des innovations. Ils ont également promis de « protéger et rétablir la nature », de renforcer la gestion intégrée de l'eau dans les systèmes, de limiter et de réduire les effets néfastes des pratiques ou d'adopter des modes de production et de consommation durables. Mais ces notions restent bien trop vagues au goût de nombreux observateurs, évitant soigneusement d'évoquer la réduction de l'usage des engrais azotés très émissifs, par exemple, de mentionner clairement les atouts de l'agroécologie et de fixer des objectifs clairs assortis d'un calendrier et de financements précis.

Une terminologie floue

“ La notion d'agriculture durable n'est pas clairement définie ” Marie Cosquer, Action contre la faim
La journée du 10 décembre aura permis d'insister sur l'importance de la gestion de l'eau, sur celle de la santé des sols et sur celle du stockage du carbone dans leurs profondeurs, comme l'a fait le ministre de l'Agriculture français, Marc Fesneau. Mais elle aura surtout représenté pour les équipementiers, acteurs de l'agrotechnologie et autres grands groupes de l'agroalimentaire, l'occasion de faire valoir leurs solutions, souvent très éloignées des principes de l'agroécologie. Quant à l'accord final, adopté le 13 décembre, il n'entre pas plus dans le vif du sujet. Il évoque lui aussi « la priorité fondamentale consistant à garantir la sécurité alimentaire et à éliminer la faim ». Il insiste sur « la vulnérabilité particulière des systèmes de production alimentaire ».

Il encourage la mise en œuvre de solutions « intégrées et multisectorielles », telles que la protection des écosystèmes, la gestion de l'utilisation des terres, les systèmes alimentaires résilients, les solutions fondées sur la nature ou l'agriculture durable. Mais il reste tout aussi imprécis. « La notion d'agriculture durable n'est pas clairement définie, observe par exemple Marie Cosquer, analyste sur les systèmes alimentaires à l'ONG Action contre la faim, qui regrette particulièrement l'absence de débats autour de l'agroécologie. Or, selon elle, c'est bien la solution que la société civile et les mouvements paysans appellent de leurs vœux, attendant un signal politique fort en la matière. « Elle permet de cocher toutes les cases : atténuer les émissions de gaz à effet de serre et faciliter l'adaptation des agriculteurs aux changements climatiques, tout en favorisant la biodiversité, le respect des droits humains et même l'égalité de genre », plaide-t-elle.

Le droit à l'alimentation occulté

Le texte n'affirme pas non plus explicitement la nécessité de transformer l'ensemble des systèmes alimentaires et agricoles, voire de réorienter les subventions préjudiciables à l'environnement. Une approche que soutient par exemple le réseau d'investisseurs Fairr, qui représente plus de 70 000 milliards de dollars d'actifs fléchés vers les risques et les opportunités ESG dans le système alimentaire mondial. La mention de ce système est par ailleurs complètement absente du volet adaptation de l'accord. Enfin, ce dernier ne mentionne pas clairement le droit de tous à l'alimentation, alors que plusieurs centaines de millions de personnes souffrent déjà de la faim dans le monde. Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), 738 millions sont confrontés à une malnutrition chronique. À l'horizon 2030, sans actions fortes, 600 millions d'individus pourraient avoir faim en permanence.

Le 10 décembre, la FAO avait pourtant présenté une feuille de route complète en 120 points, permettant selon elle de faire justement passer les systèmes agroalimentaires (production, transport, consommation, élimination) du statut d'émetteurs de gaz à effet de serre en véritables puits de carbone, capturant 1,5 gigatonne d'émissions par an, tout en éliminant la faim dans le monde. Ce programme prévoit lui aussi une transformation en profondeur de ces systèmes agroalimentaires en se basant notamment sur une optimisation de l'utilisation des ressources mondiales, sur une meilleure efficacité de la production, sur l'usage d'énergie propre, sur la préservation des forêts et zones humides, sur des régimes alimentaires sains et sur la réduction du gaspillage alimentaire.

Blocage sur les formalités ou sur le fond ?

« Nous avons besoin que les décideurs politiques agissent (…), que la société civile soit mobilisée et que le secteur privé comprenne que faire de meilleurs choix aujourd'hui signifie rendre les investissements plus durables et plus rentables pour demain », a insisté David Laborde, directeur de la division de l'économie agroalimentaire de la FAO, lors de cette présentation. Or, les parties rechignent à se créer des obligations formelles, en matière d'atténuation des GES dans l'agriculture notamment, via un document officiel. En 2022, comme cette année, cette réticence s'est traduite par les difficultés des pays, ceux du G77 (coalition de pays en développement) et ceux « du Nord » en particulier, à se mettre enfin d'accord sur des procédures censées permettre la mise en œuvre du groupe de travail sur les systèmes alimentaires et agricoles.

À Dubaï, à la grande déception des ONG, les négociations ont à nouveau achoppé sur ces questions formelles sans avancer sur le fond. « Les parties repoussent les discussions substantielles à dans six mois, jusqu'à la prochaine intersession à Bonn, et c'était déjà le cas il y a six mois, avant la COP 28 », se désole Marie Cosquer. D'où la minceur des avancées dans le texte de l'accord. Ce groupe de travail devrait pourtant livrer ses conclusions lors de la COP 30 au Brésil. Parmi les points à étudier et à améliorer figurera en particulier celui sur des financements propres à la résilience du secteur agroalimentaire, qui n'attire aujourd'hui que 4 % des flux climatiques mondiaux. Une proportion qui ne cesse de diminuer.

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