Les Français affichent un soutien « très modéré ou faible » à la taxe carbone, sauf si ses recettes sont affectées aux ménages aux revenus modestes, d'après les résultats d'une enquête publiée, ce 12 juillet, par le Conseil d'analyse économique (CAE). Un échantillon de 2 000 Français a été sondé, en juin 2021, afin de mieux comprendre les considérations des citoyens vis‐à‐vis des politiques climatiques.
Redistribuer les recettes provenant de la tarification carbone
La taxation carbone ou « contribution climat énergie » est assimilable à une taxe sur les émissions carbonées. Plus de trois ans après la crise des Gilets jaunes, et alors que le pouvoir d'achat est redevenu l'obsession numéro un des Français, l'impact de la taxe carbone est pointé dans cette nouvelle étude réalisée par les économistes de cette instance placée sous la houlette de la Première ministre.
Ainsi, 31 % de répondants se disent favorables à une fiscalité carbone sans affectation des recettes, contre 54 % lorsque ses recettes financent une compensation pour les ménages dépendants aux énergies fossiles. Et 55 % lorsqu'elles financent un versement pour les ménages les plus modestes.
En revanche, une « majorité absolue » de répondants s'oppose à une hausse de la taxe sur les énergies fossiles qui augmenterait le prix de l'essence de 10 centimes par litre. « C'est-à-dire à peu de choses près la taxe carbone sans affectation des recettes, telle qu'initialement mise en œuvre et contestée par les Gilets jaunes », rappelle le CAE.
Face aux prix actuels élevés des énergies fossiles, et « en amont de toute future hausse de la tarification carbone », pour protéger les ménages les plus modestes, Stéfanie Stantcheva indique que « la première chose à faire pour les politiques est d'offrir aux ménages des alternatives aux énergies fossiles ». Cela passe, à court terme, par l'augmentation des aides à destination des ménages vulnérables (rénovation énergétique des bâtiments, investissements en équipements, véhicules électriques) et par l'accélération des investissements publics dans les infrastructures bas carbone (transports en commun, réseau ferroviaire...), préconisent les auteurs de la note.
Loi Pouvoir d'achat : la régulation par les prix « n'est pas le bon instrument »
Cette enquête du CAE intervient alors que le gouvernement a présenté, le 7 juillet, son projet de loi pour le pouvoir d'achat. Un texte très attendu qui comporte plusieurs mesures d'urgence, estimées à 20 milliards d'euros, pour faire face à la hausse des prix, en particulier ceux de l'énergie. Parmi ces mesures, pour contrer les augmentations respectives de 80 % et de 35 % des prix du gaz et de l'électricité sur le marché, le gouvernement propose de prolonger jusqu'à la fin de l'année le « bouclier tarifaire ». Concernant le carburant, la remise de 18 centimes par litre à la pompe serait réduite progressivement d'ici à décembre. Et elle serait complétée, dès le 1er octobre prochain, d'une « indemnité carburant pour les travailleurs ».
Or, « pour protéger » les ménages vulnérables face aux prix élevés des énergies fossiles, le CAE juge que la régulation par les prix (remise générale sur le prix de l'essence, gel du prix du gaz) « n'est pas le bon instrument, car elle profite avant tout aux plus riches, qui consomment davantage d'énergie ». Et qu'il serait « préférable de maintenir le mécanisme de prix (qui a des effets incitatifs certains sur les ménages aisés sans contrainte forte de financement) et de compenser spécifiquement les ménages modestes et/ou les plus exposés à travers des transferts monétaires ».
En conclusion de son étude, le Conseil d'analyse économique estime donc qu'une augmentation de la fiscalité carbone en France « ne paraît pas envisageable dans le court terme, étant donné la hausse récente des prix de l'énergie ». En premier lieu, il plaide pour affecter « intégralement les recettes de toute nouvelle taxe environnementale, ou les hausses de recettes des taxes environnementales existantes, au financement d'une transition énergétique juste ».