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Actu-Environnement

L'annulation des taxes sur les carburants assombrit l'avenir de la fiscalité écologique

MAJ le 07/12/2018

Edouard Philippe annule l'augmentation de la fiscalité carbone pour l'ensemble du quinquennat sous la pression de la rue. Non sans conséquences sur la transition écologique dont la fiscalité constitue un maillon essentiel.

Gouvernance  |    |  L. Radisson
Actu-Environnement le Mensuel N°387
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°387
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Les augmentations de taxes sur les carburants son "annulées pour l'année 2019", a annoncé François de Rugy mercredi 5 décembre. Avec cette annonce, le gouvernement avait déjà franchi une étape de plus sous la pression du mouvement des "gilets jaunes". En effet, le Premier ministre n'avait annoncé la veille qu'un moratoire sur la hausse des taxes.

Mais Edouard Philippe est allé encore beaucoup plus loin jeudi 6 décembre à l'occasion d'une déclaration sur la fiscalité écologique devant le Sénat. Il s'agit désormais de supprimer la trajectoire de la fiscalité carbone votée l'année dernière pour l'ensemble du quinquennat. Une remise en cause d'ampleur.

"Influencer le choix des acteurs économiques"

La contribution climat-énergie, plus communément appelée "taxe carbone", a été créée par la loi de finances pour 2014. La progressivité de la taxe a été actée par la loi de transition énergétique de 2015 portée par Ségolène Royal, qui se joint pourtant, aujourd'hui, aux critiques pour dénoncer une fiscalité écologique punitive.

Retouchée par la loi de finances rectificative pour 2015, la trajectoire de la composante carbone a été renforcée par Nicolas Hulot, via la loi de finances pour 2018, sans remettre en cause l'objectif final d'un prix de 100 euros la tonne de CO2 en 2030, acté en 2015. Cette augmentation, lisible sur les cinq années à venir, doit permettre "d'influencer les choix des acteurs économiques et de favoriser l'innovation verte, notamment en améliorant l'efficacité énergétique et en développant l'utilisation de produits énergétiques moins carbonés", avait alors expliqué le ministre de la Transition écologique et solidaire.

Cette année, le gouvernement n'avait pas prévu de modifier cette trajectoire. Couplée à la mise en œuvre de la convergence entre le diesel et l'essence, elle devait se traduire par une hausse de la fiscalité de 6,5 centimes d'euros par litre pour le diesel (ct€/l) et de 2,6 ct€/l pour l'essence au 1er janvier 2019. Cette augmentation sera donc annulée, tout comme la fin de la niche fiscale sur le gazole non routier qui était inscrite dans le projet de loi de finances pour 2019 (PLF 2019) et devait générer 1 milliard d'euros (Md€) de recettes supplémentaires.

Le Premier ministre a indiqué ce jeudi 6 décembre que le gouvernement ne reviendrait pas sur l'amendement (1) voté par les sénateurs le 26 novembre. La Chambre haute avait voté, contre l'avis de l'exécutif, un amendement qui gèle les tarifs de la taxe intérieure de consommation des produits énergétiques (TICPE) à leur niveau de 2018. Autrement dit, il a purement et simplement supprimé la trajectoire de la fiscalité prévue jusqu'en 2022. Les membres de la commission des finances avaient dénoncé un "véritable "coup de massue" pour la compétitivité des entreprises et le pouvoir d'achat des Français, en particulier les plus modestes et ceux qui vivent dans les zones rurales". Pour les sénateurs, le recours à la fiscalité écologique a surtout une finalité de rendement au profit du budget de l'Etat, chiffrant à 46 Md€ la hausse cumulée de la TICPE sur le quinquennat.

Se passer à terme des énergies fossiles

Le manque d'accompagnement social et de mesures redistributives explique le blocage constaté. "La fiscalité carbone sans recyclage ciblé des recettes est, par nature, anti-redistributive : elle pèse en proportion plus sur les ménages pauvres que sur les riches, et, pour les carburants, de plus en plus lourdement à mesure qu'on s'éloigne des centres villes. Si elle ne s'accompagne pas de mesures correctement ciblées, elle aggrave la précarité énergétique", explique Christian de Perthuis, ancien président du Comité pour la fiscalité écologique. "Il ne faut pas mentir au citoyen : l'accélération de la transition bas carbone exigera dans les années qui viennent un renchérissement des énergies fossiles. Si l'on veut réaliser cette transition sans laisser une fraction croissante de la population au bord de la route, il est urgent de mettre en place un filet de sécurité", ajoutait le professeur d'économie le 7 novembre dans les colonnes d'Actu-Environnement.

Le souci vient du fait que ces mesures d'accompagnement ne sont pas venues ou sont restées insuffisantes. Et le gouvernement jette aujourd'hui le bébé avec l'eau du bain en annulant les mesures fiscales déjà inscrites dans la loi. "La fiscalité écologique ne représente aujourd'hui que 7 % du prix de l'essence et 13 % du prix du gazole et reste un outil nécessaire dans tous les secteurs pour, à terme, se passer des énergies fossiles et réduire les émissions qui causent les dérèglements climatiques et la pollution de l'air", rappelle le Réseau Action Climat (RAC).

Ce réseau, qui fédère les associations en lutte contre les causes des changements climatiques, demande par conséquent au gouvernement de concilier fiscalité écologique et justice sociale. Parmi les mesures d'accompagnement, les ONG citent le chèque énergie et un chèque mobilité pour les personnes les plus vulnérables, des mesures vis-à-vis de l'industrie automobile pour développer des véhicules plus autonomes, ainsi qu'une équité fiscale pour mettre à contribution les secteurs les plus polluants.

Pour Maxime Combes d'Attac France, le principe de la fiscalité carbone peut être sauvé si le gouvernement instaure "unilatéralement et immédiatement" une taxe carbone sur les sites industriels français soumis au marché carbone. "Les exemptions existantes sur le kérosène et le fioul lourd ne sont en effet que la partie émergée de l'iceberg. L'essentiel des sites industriels et des entreprises les plus émettrices de gaz à effet de serre en France sont en effet exonérés de la taxe carbone payée par les ménages, les artisans et les petites entreprises", dénonce l'économiste sur Médiapart (2) . Le manque à gagner généré par l'annulation des taxes sur le carburant, qui s'élève à près de 4 Md€ sur 2019, pourrait être compensé par cette nouvelle fiscalité, assure le militant pour la justice climatique.

1. Consulter l'amendement voté par les sénateurs
http://www.senat.fr/amendements/2018-2019/146/Amdt_I-166.html
2. Consulter le billet de Maxime Combes sur Médiapart
https://blogs.mediapart.fr/maxime-combes/blog/051218/abandon-de-la-surtaxe-co2-faire-payer-les-pollueurs-industriels-jusquici-exoneres

Réactions10 réactions à cet article

Bonjour, il me semble avoir lu dans un de vos articles que les subventions au secteur pétrolier se montaient à 300 milliards par an...pour faire baisser le prix du carburant à la pompe. Remettre des taxes alors qu'on subventionne avec de l'argent publique pour que ça baisse ça s'appelle la double peine ou l'inconséquence. Si les libéraux sont logiques avec eux mêmes on devrait commencer par supprimer les aides aux pétroliers et faire du social avec les 300 milliards. Mais le problème des libéraux c'est qu'ils s'appliquent rarement à eux mêmes ce qu'ils préconisent...

abeilles | 07 décembre 2018 à 09h49 Signaler un contenu inapproprié

La fiscalité écologique a été instrumentalisée par le gouvernement pour compenser les conséquences budgétaires de sa politique au service des classes privilégiées. Mais la manipulation n'a berné que les crédules et, résultat, on n'a ni justice sociale, ni justice écologique. Quel constat d'échec en à peine 18 mois!
Seul bémol à votre (excellent) article: la fiscalité écologique ne représente effectivement que 7 à 13% du prix des carburants, mais elle s'ajoute à une fiscalité de droit commun déjà bien lourde...

adjtUAF | 07 décembre 2018 à 09h57 Signaler un contenu inapproprié

Le pitoyable résultat que voilà ! Hélas tellement prévisible. La preuve par neuf qu'il n'est absolument pas raisonnable de confier aux grands argentiers de Bercy la charge de piloter l'indispensable mutation écologique de notre société. Ils ne sont pas formés à cela et ne sont de toute évidence pas compétents en la matière.
Il est urgent de repenser l'aménagement du territoire, pensé depuis les années 60 sur un litre de carburant bon marché de façon quasi-éternelle, et les transports collectifs de proximité, sacrifiés depuis des décennies sur l'autel des coupes budgétaires et de la priorité aux grands projets de transport (autoroutes, LGV, lignes aériennes low-cost).
Le positionnement de Mme ROYAL, qui cherche manifestement à exister en vue des européennes, est grotesque. Elle porte une lourde responsabilité dans la déconfiture écologique actuelle, notamment avec l'abandon de l'écotaxe poids-lourds. Mais voilà, elle a fait l'ENA puis une longue carrière politique, elle ne se sent donc comptable ni de ses renoncements ni de ses erreurs en matière d'écologie.
La piste évoquée par M. COMBES pour Attac France est en revanche particulièrement intéressante et doit être développée.
Par ailleurs, parfaitement d'accord avec le commentaire laissé par adjtUAF.

Pégase | 07 décembre 2018 à 14h01 Signaler un contenu inapproprié

La fiscalité écologique est elle la solution pour réduire les émissions de GES ? Pour réduire la consommation d ' énergie on peut soit la rendre très cher ou améliorer son efficacité .
pour rendre le prix du gasoil = à celui de l ' essence il a été choisi d ' augmenter les taxes sur le gasoil , on aurait pu baisser celle sur l ' essence ! Pour réduire la consommation de carburant les moteurs doivent continuer à être de - en - gourmand et il faudrait encourager + les voitures à faible consommation .
Ces taxes alimentent surtout le budget général de l ' état et non la transition énergétique : pour 2019 il était prévu une baisse de 50% des aides à la rénovation énergétique des habitations !
l'habitat ancien (99 % du patrimoine bâti) et premier responsable du gaspillage d'énergies, alors qu'il n'est rénové qu'au rythme de 1,2 à 1,4 % par an en Europe .
Hausse du prix du carburant =>une plus grande précarité énergétique pour une part de la population en particulier dans les zones rurales ou la voiture en indispensable et les maisons rarement bien isolées .

balxha | 07 décembre 2018 à 14h58 Signaler un contenu inapproprié

Je pense que le Gouvernement "jette l'eau du bain", trop chaude et trop saumâtre, mais ne jette pas pour autant le bébé (la fiscalité écologique) ni la baignoire (la transition bas carbone). Mais les Français ne sont pas des veaux, ni des volailles que l'on assomme et ébouillante avant de les plumer et ils réagissent.

L'exemple du mouvement des "Gilets jaunes" est démonstratif: Une fois de plus, l'information justificative, l'explication, la négociation, l'instauration de mesures compensatoires équitables, le débat, auraient dû intervenir avant la décision de surtaxer le carburant, déjà hors de prix et obligatoirement utilisé par chacun d'entre nous.
Il s'agit d'une maladresse puisque l'idée de réduire la pollution de l'air que nous respirons est bonne et salutaire. Et un tel processus aurait pu éviter les débordements actuels.

Mais je crains aujourd'hui, quelle que soit la suite et l'issue de ce mouvement, que nous puissions tous la payer très cher (la maladresse), alors que l'on voit encore Maxime Combe dramatiser et marteler que "le principe de la fiscalité carbone pourrait être sauvé si le gouvernement instaure UNILATERALEMENT et IMMEDIATEMENT (sic) une taxe carbone sur les sites industriels français"! L'idée est jouable, mais les deux adverbes (ennemis du dialogue et de la réflexion) la disqualifient dans la situation actuelle. J'invite, à la lumière de ce qui se passe, M. Combe à réviser son jugement sur le "fait du Prince" et sur l'urgence qu'il suggère.

...

Euplectes | 07 décembre 2018 à 16h19 Signaler un contenu inapproprié

(...) Je maintiens toujours que nous aurions pu concilier les intérêts des automobilistes et des écologistes car les uns et les autres respirent le même air (voir l'avis récent de l'Académie de médecine à ce sujet), sans aboutir à l'émeute. Les "Gilets jaunes" ne sont pas des anarchistes subversifs.

J'en appelle à la patience nécessaire à la réflexion, à la raison. A la prise de temps pour concilier et informer. A Pascal, à Montesquieu, à Descartes et surtout à vous, Mesdames et Messieurs les philosophes actuels (ou êtes vous, M. Finkelkraut?) qui pourriez intervenir dans le débat public pour discuter de que la vie en paix peut être vécue dignement, autrement que par le biais exclusif de l'argent et de l'ostentatoire.
J'en appelle à vous, Mesdames et Messieurs les enseignants en droit constitutionnel ou public, députés, sénateurs, représentants de l'Etat, pour oeuvrer à la restauration, naturellement délicate réfléchie, de l'ordre public.
Et ainsi aboutir à la bonne fin de ce climat insurrectionnel de 1ère République avec son corollaire (la terreur) que n'ont pas voulu, à l'évidence, les "Gilets jaunes".

Ne massacrons pas deux siècles et demi d'équilibre!

Euplectes | 07 décembre 2018 à 16h58 Signaler un contenu inapproprié

L'idée qu'on sauverait la planète en taxant le carburant dans un pays qui représente moins de 1% de la population mondiale est une honte pour le système éducatif français... On a tenté de fabriquer des cons et on continue de le faire quand on entend ce que le corps enseignant martèle à nos pauvres enfants au sujet de l'environnement...
J'espère qu'ils en feront ce que j'ai fait de l'enseignement catholique que j'ai subi.
Excellente journée.

Albatros | 11 décembre 2018 à 09h20 Signaler un contenu inapproprié

C'est pas très grave: La France c’est 0,9% du CO2 mondial et la part des voitures est de 13-14% de ces 0,9% de CO2. Ce qui fait que la part des voitures Françaises est de 0,12% du total émis par tous les pays du monde.
Même si on baissait de 40% les émissions dues aux voitures en 2030, on arriverait à une baisse des émissions mondiales de 0,12×0,4 = 0,048%.

Albatros | 11 décembre 2018 à 09h46 Signaler un contenu inapproprié

A Albatros
Avec ce raisonnement, personne ne ferait jamais rien (car je ne connais aucun secteur d'un seul pays qui résoudrait notre problème planétaire) et on crèvera tous, mais sûrs de notre bon droit!
J'espère que vous vivrez assez longtemps pour expliquer ça à vos enfants et petits enfants lorsqu'ils auront à affronter les conséquences de "votre" politique....

adjtUAF | 11 décembre 2018 à 10h58 Signaler un contenu inapproprié

Ah oui, cher Albatros! Où sont donc passés ces "Hussards de la République", probes transmetteurs et professeurs des notions fondamentales d'Etat de droit et d'égalité? Alors qu'en matière d'environnement notre enseignement semble être sous le contrôle de falsificateurs du réel qui semblent contribuer à servir on ne sait quelle idéologie (si tant est qu'il ne s'agisse que de cela).
Il serait bon de rappeler la contradiction peu soluble qui existe entre le mot "formation" et le mot "éducation".

Votre analyse mathématique me paraît juste, après vérification. Vous calculez à l'échelle mondiale et vous avez raison, fort des données du rapport récent de l'OMS, et non de l'avis de l'Académie de médecine au sujet de la pollution de l'air, dont je me suis prévalu à tort dans ma réaction ci-dessus, tout effrayé que j'étais du danger potentiel de "samedi noir" qui se profilait. Merci pour cette mise au point.

Il demeure qu'en France,dans les grandes agglomérations, le niveau de pollution de l'air laisse encore à désirer. Il est de la responsabilité des Pouvoirs publics d'infléchir, PROGRESSIVEMENT, les taux de polluants dans l'air respiré, partout où besoin sera.

Quoi qu'il en soit, le conditionnement perfide et "radicaliste" de la population (depuis l'enfance jusqu'à la vieillesse) auquel nous avons assisté et assistons en matière d'environnement, commence de porter ses fruits empoisonnés, dès lors que l'on ne peut que constater l'appréciation qui leur est faite par la population.

Euplectes | 11 décembre 2018 à 13h57 Signaler un contenu inapproprié

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