"Nous faisons trois choix structurels : le travail, l'investissement et l'environnement", a déclaré Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, à l'occasion de la présentation du projet de loi de finances pour 2019 (PLF 2019) lundi 24 septembre.
Comment le gouvernement entend-il traduire la priorité qu'il affiche pour "une croissance durable" ? Cela passe par trois chantiers principaux : la taxation des énergies fossiles, l'investissement dans les transports décarbonés et la réforme de la fiscalité sur les déchets. A cela s'ajoutent de timides mesures destinées à soutenir la rénovation énergétique.
Fin de la niche fiscale sur le gazole non routier
"Ce ne sont pas des choix faciles à faire mais nous les assumons", a déclaré Bruno Le Maire à propos de la fiscalité écologique. Ces choix "pas faciles", c'est la poursuite de la hausse de trajectoire de la taxe carbone et de la convergence de la fiscalité entre le diesel et l'essence. Ils étaient toutefois déjà inscrits dans la loi et le PLF ne contient donc pas de dispositions nouvelles sur ce point. Ils se traduiront par une hausse de la fiscalité de 6,5 ct€/l pour le diesel et de 2,9 ct€/l pour l'essence.
En revanche, le projet de loi prévoit de mettre fin à la niche fiscale sur le gazole non routier dont bénéficient certaines secteurs d'activités comme le bâtiment ou la logistique. Ce qui devrait rapporter 1 Md€ à l'Etat dès 2019. "Ces tarifs réduits ne se justifient plus sur le plan économique, sont en contradiction avec nos objectifs environnementaux, et sont incohérents avec l'alignement de la fiscalité du gazole sur celle de l'essence", justifie Bercy. Le gouvernement prend toutefois soin d'épargner la profession agricole, de même que les entreprises ferroviaires.
Afin d'accompagner cette hausse de la fiscalité, ce dernier annonce poursuivre la prime à la conversion mise en place l'année dernière. "En faisant légèrement évoluer ses critères afin de la rendre plus écologique", précise toutefois le ministère de la Transition écologique. Cette prime de 1.000 euros, doublée pour les ménages non imposables, est plébiscitée par les
Bercy annonce par ailleurs la "modernisation" de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) visant à encourager le recours aux agrocarburants. "Renommée « taxe incitative à l'incorporation de biocarburants », cette taxe verra ses tarifs simplifiés et progressivement relevés en 2019 et 2020", ajoutent les services du ministère de l'Economie.
Création d'un fonds national "mobilités actives"
Le ministre de l'Action et des comptes publics Gérald Darmanin annonce avoir budgétisé les crédits prévus par le projet de loi sur les mobilités qui doit être présenté courant octobre. Une loi qui pourrait soumettre les poids lourds au paiement d'une vignette permettant de financer les infrastructures de transport. Le ministère de l'Economie confirme la hausse des investissements dans l'entretien du réseau ferroviaire et la modernisation des voies navigables. Il annonce aussi des appels d'offres pour accompagner les autorités organisatrices en vue de développer les mobilités propres et partagées.
Selon la programmation des investissements de transport présentée le 10 septembre par la ministre des Transports Elisabeth Borne, l'Etat investira 2,7 Md€ par an sur les cinq prochaines années. Le budget pour 2019 prévoit d'affecter 150 M€ supplémentaires par rapport à 2017 en faveur de l'entretien et de la régénération du réseau routier national non concédé et du réseau fluvial. François de Rugy confirme également, dans le cadre du plan vélo dévoilé le 14 septembre, la création du forfait mobilité et d'un fonds national "mobilités actives" d'un montant de 350 M€ sur sept ans afin de soutenir les projets de création d'axes cyclables structurants dans les collectivités. Un appel à projets sera lancé en 2019 dans le prolongement de celui lancé il y a quelques jours par l'Ademe.
Le projet de budget prévoit également de consacrer 7,3 Md€ en 2019 au financement des projets d'énergie renouvelables (EnR) à travers le compte d'affectation spéciale "Transition énergétique". Soit une progression d'1,3%. "Ces soutiens prennent la forme de compléments de prix, payés par rapport au prix de marché, fourni pendant 15 à 25 ans aux producteurs d'énergie renouvelable : solaire photovoltaïque, éolien, hydroélectricité, biogaz…", détaille le ministère chargé de l'écologie. Le montant budgété comprend également l'annuité de remboursement de la dette due par l'Etat à EDF au titre de l'ex-contribution au service public de l'électricité (CSPE).
Resserrement du CITE
Le gouvernement annonce la prorogation du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) pour un an. Un "resserrement" du dispositif, pour un montant de 800 M€, est toutefois prévu. En outre, sa transformation en prime, qui était programmée pour 2019, est repoussée d'une année, officiellement en raison de la complexité de cette transformation.
L'exécutif annonce également le maintien du taux réduit de TVA à 5,5% sur les travaux et la prorogation de trois ans du prêt à taux zéro (Eco-PTZ) destiné à financer des travaux de performance énergétique. Cette prorogation se fera sous une forme "simplifiée et renforcée", indique-t-il de manière ambiguë. Le chiffre de 75.000 rénovations énergétiques financées sur 2019 est avancé.
Enfin, le chèque énergie, dont le montant était jugé très faible, est augmenté pour atteindre 200 euros en moyenne contre 150 euros aujourd'hui. "Cette revalorisation du chèque bénéficiera à environ 3,7 millions de ménages, quelle que soit leur énergie de chauffage", indique Bercy. Le ministère annonce également l'augmentation de 30% des crédits dédiés au soutien des acteurs de l'économie sociale et solidaire (ESS) afin notamment "d'amplifier le programme French Impact lancé en 2018".
Augmentation de la redevance pour pollution diffuse
Afin d'accompagner la mise en œuvre du plan biodiversité présenté début juillet par Nicolas Hulot, le ministère de la Transition écologique annonce une augmentation de 15 M€ du programme "eau et biodiversité" en 2019. L'augmentation de la redevance pour pollution diffuse (50 M€) perçue par les agences de l'eau sera affectée à la conversion à l'agriculture biologique. Le gouvernement met également en avant les quelque 12,6 Md€ de budget des agences de l'eau prévus dans le cadre des 11e programmes d'action pour les six prochaines années. Mais aussi un renforcement de la police rurale à travers la création d'un nouvel établissement public regroupant l'Office de la chasse (ONCFS) et l'Agence française pour la biodiversité (AFB). "Une mesure de 15 M€ supplémentaires en 2019 permettra au ministère de renforcer ses moyens (…) dans la perspective de la tenue du congrès mondial de la nature à Marseille en 2020", met également en avant François de Rugy.
Le gouvernement annonce par ailleurs préserver les crédits en faveur de la prévention des risques et des pollutions. Dans ce cadre, il met en avant certaines dépenses qu'il juge emblématiques : financement d'une mesure "digues domaniales" par le Fonds Barnier pour un montant de 25 M€ en 2019-2020, financement du nouveau supercalculateur de Météo France, financement pour 6,9 M€ en 2019 des mesures prescrites dans le cadre des plans de prévention des risques technologiques (PPRT).
Vaste réforme de la composante "déchets" de la TGAP
Le dernier axe du PLF, et non des moindres, porte sur la fiscalité des déchets. L'objectif étant de favoriser le recyclage en conformité avec les objectifs européens et nationaux annoncés dans la feuille de route sur l'économie circulaire présentée en avril dernier. Pour cela, le gouvernement engage la vaste réforme de la composante "déchets de la TGAP" qui avait été repoussée à plusieurs reprises. Elle consiste à augmenter la fiscalité sur le stockage et l'incinération. La hausse de la TGAP est programmée entre les années 2021 et 2025 et rapportera 130 M€ la première année.
Bercy annonce toutefois un bilan financier "qui devrait être équilibré" pour les collectivités compte tenu de deux autres mesures : la baisse du taux de TVA de 10 à 5,5% sur certaines opérations de traitement et de valorisation des déchets, ainsi que la réduction temporaire des frais de gestion pour les collectivités instaurant une taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) incitative.