Le programme proposé par EDF pour prolonger les réacteurs de 900 MW au-delà de 40 ans est globalement satisfaisant. Mais des compléments sont attendus, notamment pour assurer la conformité des installations.
Pour répondre aux objectifs fixés par l'Autorité du sûreté nucléaire (ASN), EDF doit encore apporter des « compléments significatifs » à son programme prévu pour prolonger au-delà de 40 ans la durée de fonctionnement des réacteurs de 900 mégawatts (MW), estime l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Les principaux sujets à approfondir sont le suivi de la conformité des installations par rapport aux standards qu'elles sont censées respecter, ainsi que certaines modifications qui doivent leur être apportées, notamment pour renforcer la résistance aux séismes.
Telles sont les principales conclusions de l'avis de l'IRSN sur la phase générique du quatrième réexamen périodique des réacteurs de 900 MW publié le 16 avril. Pour valider la prolongation de ces réacteurs, l'ASN attend d'EDF qu'elle les modifie pour rapprocher leur niveau de sureté de celui visé par l'EPR de Flamanville (Manche) et pour prendre en compte le retour d'expérience de la catastrophe de Fukushima.
EDF doit encore améliorer le suivi et la maintenance
Premier point à améliorer : les contrôles de la conformité des installations par rapport aux standards de sûreté. Depuis plusieurs années, l'IRSN pointe les difficultés rencontrées par EDF dans ce domaine jugé essentiel pour maîtriser les risques liés au vieillissement des installations. EDF a progressé, constate aujourd'hui l'Institut, mais l'entreprise doit encore s'améliorer dans trois domaines : l'anticipation de la dégradation des matériels ; la détection et le traitement rapide des écarts ; ainsi que les analyses de risque, la qualité de la maintenance et des contrôles associés.
L'arrêt définitif des réacteurs de Fessenheim permettra d'effectuer des essais spécifiques ou de mener des expertises de composants pour vérifier l'absence de phénomènes de dégradation ou de vieillissement imprévus.
« L'Institut a par ailleurs recommandé la réalisation de contrôles complémentaires sur des équipements importants pour la sûreté (tels que des pompes, des câbles ou des matériels de contrôle-commande), voire sur certains systèmes dans leur ensemble ». De même, des essais particuliers devront être ajoutés à la liste de ceux réalisés habituellement pour vérifier le bon fonctionnement des équipements ou systèmes en situation accidentelle et valider des hypothèses et des modèles utilisés dans la démonstration de sûreté. L'IRSN propose notamment qu'EDF utilise un des deux réacteurs de Fessenheim (Haut-Rhin) définitivement arrêtés pour réaliser certains de ces essais. Il s'agit, par exemple, d'essais d'équipements électroniques en présence de fumée ou de mesure de dégagement d'hydrogène sur des batteries vieillies.
Résistance des piscines aux séismes
L'IRSN estime aussi qu'EDF doit réaliser des « améliorations de sûreté importantes ». Globalement, les modifications proposées par EDF pour élever la sûreté des réacteurs de 900 MW au niveau de celle de l'EPR sont « pertinentes », mais des « modifications supplémentaires [sont] nécessaires pour atteindre les objectifs fixés par l'ASN ». De même, EDF devra apporter des « compléments importants » à la démonstration de sûreté des réacteurs ainsi modifiés, en particulier concernant la résistance au séisme de certains équipements. Parmi les éléments listés par l'IRSN figure la résistance des piscines aux séismes.
Sûreté des piscines
Un des points-clés du prolongement des réacteurs de 900 MW concerne la sûreté des piscines de combustible. La catastrophe de Fukushima a montré qu'elles pouvaient être un point faible en cas d'accident majeur. Un rapport commandé par Greenpeace soulignait que leur mise en sécurité constitue un « problème prioritaire ».
« EDF a prévu (…) un système mobile externe de refroidissement de la piscine de combustible », explique l'IRSN. Celui-ci serait déployé par la Force d'action rapide nucléaire (Farn), c'est-à-dire les moyens techniques destinés à être rapidement projetés sur un site en cas d'accident.
S'agissant des agressions, les études menées par EDF sont jugées satisfaisantes. Des compléments doivent toutefois être apportés à celles relatives à la sûreté en situation de
grands chauds, ainsi qu'à la maîtrise des risques d'incendie, d'inondation et d'explosion.
Le risque de fusion du cœur est bien pris en compte grâce à la mise en place de groupes électrogènes à moteur diesel d'ultime secours (DUS) et le renforcement prévu des protections contre les inondations ou les grands vents. L'IRSN demande toutefois des précisons ou des améliorations concernant l'alimentation de secours en eau des générateurs de vapeur, la maîtrise de la réactivité du cœur du réacteur en cas de perte totale des alimentations électriques, ou encore les conséquences radiologiques des accidents de rupture de tube de générateur de vapeur.
Enfin, les réacteurs de 900 MW ont déjà des dispositifs permettant de stabiliser le corium dans l'enceinte en cas de fusion du cœur et de rupture de la cuve du réacteur. Toutefois, l'IRSN recommande des dispositions complémentaires pour 14 réacteurs pour limiter les risques de percement du radier. Il s'agit des réacteurs Saint-Laurent-des-Eaux (Loir-et-Cher), de Chinon (Indre-et-Loire), du Blayais (Gironde) et de Dampierre (Loiret).
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Note Télécharger l'avis de l'IRSN Plus d'infosArticle publié le 20 avril 2020