« Les fédérations de chasseurs ne sont pas seulement des associations représentant et défendant les intérêts des chasseurs », mais elles doivent également « participer à la gestion durable de la faune », ont tenu à rappeler les Sages du palais Cambon. Dans un rapport publié le 13 juillet à la suite d'une saisine du collectif « Un jour, un chasseur », la Cour des comptes a souligné le manque d'évaluation et de transparence de l'utilisation des aides publiques dont bénéficient les chasseurs, notamment dans le cadre du Fonds biodiversité.
L'opacité des écocontributions
Ce dernier, ouvert par la loi de réforme de la chasse et de création de l'Office français de la biodiversité (OFB) de juillet 2019, se destine à financer des projets en faveur de la biodiversité portés par les fédérations. Il est alimenté d'une quinzaine de millions d'euros chaque année, dont près de 9,5 millions provenant de l'OFB, donc de l'État. Il est complété par chaque « écocontribution » prélevée sur les permis de chasse par ces mêmes fédérations. Entre octobre 2019 et février 2022, 577 projets (programmes d'acquisition de connaissances sur la faune, campagnes de sensibilisation ou restauration de continuités écologiques) ont ainsi été présentés pour bénéficier, au total, de 31 millions d'euros versés par l'OFB et la Fédération nationale des chasseurs (FNC). Ce dispositif est déjà vivement critiqué par les associations de protection de la nature qui, représentées par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), l'Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas) et l'Office pour les insectes et leur environnement (Opie), avaient saisi la justice en mars 2022. Leur recours a été rejeté un an plus tard par le Conseil d'État.
Cela reste sans compter sur une remise trop irrégulière des rapports annuels et autres procès-verbaux pourtant nécessaires à la « bonne connaissance de la faune sauvage et des prélèvements opérés, indispensable pour adapter la politique de la chasse ». Selon la Cour des comptes, « les données sont hétérogènes, lacunaires et insuffisamment partagées ». Résultat ? L'OFB « peine à exercer sa mission de police de la chasse » face au « désengagement de l'État ». Le tout « entrave la mission essentielle de protection et de gestion de la faune sauvage à laquelle les fédérations doivent contribuer ».
Une augmentation injustifiée des soutiens publics ?
En outre, le rapport soulève des interrogations à l'égard des aides publiques, au sens large, accordées à la chasse. Ajoutés aux revenus des cotisations obligatoires de leurs adhérents (environ 100 millions d'euros par an), les soutiens destinés aux fédérations de chasseurs se sont récemment multipliés. Depuis 2019, la diminution autorisée du prix du permis national de chasse a attiré plus de 374 000 nouveaux adhérents et généré 11,5 millions d'euros de recettes supplémentaires. En 2020, il avait été également convenu que l'État verserait chaque année 9 millions d'euros à la FNC jusqu'en 2024 en compensation du transfert de nouvelles missions (comme la gestion du Fonds biodiversité). À cela s'ajoutent la délivrance, fin 2022, de 18,6 millions d'euros aux fédérations départementales en guise d'indemnisation des agriculteurs victimes de dégâts réalisés par du grand gibier en période économique difficile, et la promesse, en mars 2023, de porter cette enveloppe à 60 millions d'euros sur trois ans « sans analyse préalable de la situation financière des fédérations (ou) mesure de contrôle de l'efficacité de leurs actions », pointent les Sages.
« La Cour des comptes confirme le scandale de la chasse que nous dénonçons depuis longtemps, s'est par exemple insurgé Aymeric Caron, auteur et député Révolution écologique pour le vivant. Les subventions aux chasseurs ont explosé ; ils reçoivent des millions pour des missions non remplies ; ils ne sont pas contrôlés et font donc ce qu'ils veulent. » Cet état des lieux a suscité, quant à lui, l'ire de Willy Schraen, président de la FNC, qui appelle la Cour des comptes à ne pas limiter ce souci de transparence « au seul monde la chasse ». « Il serait utile au débat démocratique que certaines associations dites de défense des animaux, en réalité clairement antichasse, justifient également de l'utilisation des subsides de l'État sous la forme de soutiens publics et de défiscalisation des dons pour les entreprises et les particuliers. »