Le Gouvernement a présenté, le 24 février, le quatrième plan chlordécone pour la Guadeloupe et la Martinique, qui couvre la période 2021-2027. Cet insecticide a été utilisé pendant des décennies contre le charançon du bananier. Près de trente ans après son interdiction, il est omniprésent dans les milieux et dans la chaîne alimentaire. Lors de sa visite en Martinique en 2018, Emmanuel Macron a fixé l'objectif « zéro chlordécone dans l'alimentation » d'ici 2025.
« Le plan poursuit et renforce ainsi les mesures déjà engagées pour réduire l'exposition des populations au chlordécone en Guadeloupe et en Martinique, ainsi qu'à déployer des mesures d'accompagnement adaptées », indique Matignon. Il a fait l'objet d'une co-construction, menée depuis fin 2019, avec les services de l'État, les collectivités, les associations, les organisations professionnelles, précise le Gouvernement.
Concrètement, il s'articule en six axes : améliorer l'information et la sensibilisation des publics, former les citoyens dès le plus jeune âge, renforcer les connaissances scientifiques et les appliquer sur le terrain, promouvoir une alimentation locale saine et durable vers le « zéro chlordécone », accompagner les professionnels de santé et les assurés dans la prise en charge de leurs maladies et suivre les professionnels impactés.
Renforcer les connaissances
Les travaux de recherche seront renforcés. Ils seront axés sur les impacts environnementaux (métabolites environnementaux, transferts de pollution dans l'environnement et dans la chaîne alimentaire, contamination de la ressource halieutique et du milieu marin) et sanitaires (liens entre exposition et risque d'hémopathies malignes, de cancer et notamment de cancer de la prostate). L'étude des cohortes mère-enfant Timoun et KP-Caraïbes (portant sur le cancer de la prostate) sera poursuivie.
En parallèle, le volet santé environnement vise à « mieux connaître les expositions et les impacts sanitaires afin d'adapter les mesures de prévention et de protection, de surveiller l'état de santé de la population et d'assurer un suivi sanitaire adapté ». Une étude d'imprégnation des populations sera lancée en 2021 (étude Kannari 2). Les expositions par voie alimentaire seront évaluées, la qualité des eaux de consommation sera contrôlée. Des mesures de dosage de la chlordécone dans le sang (chlordéconémie) seront mises en œuvre, notamment sur les populations les plus vulnérables (autoconsommateurs de produits du jardin, de la pêche, femmes enceintes ou ayant un projet de grossesse, travailleurs).
Cartographier la pollution
Le plan prévoit également de cartographier les sols entre 2021 et 2023, notamment les sols agricoles afin d'adapter les pratiques agricoles. Les zones de pollution seront modélisées dans le but d'informer les élus et habitants des contaminations potentielles des sols sur les zones habitées. Les sources d'eau de bord de route, souvent contaminées, seront recensées et analysées, indique le plan. Des recommandations sanitaires pourront être diffusées à la population générale et aux usagers de ces sources. « En outre, des mesures seront prises pour éviter l'extension de la contamination environnementale, notamment par le transport des terres (... et) éviter la commercialisation de compost et support de culture susceptibles d'être contaminés ». Des analyses de sol, d'eau et de fourrages gratuites seront proposées aux agriculteurs. Le contrôle des denrées alimentaires sera poursuivi.
Accompagner les professionnels
Un centre de consultation de pathologies professionnelles et environnementales Antilles-Guyane sera créé. Il appuiera les services de santé au travail dans leurs actions de surveillance de l'état de santé des travailleurs. « Les outils d'aides à la détection de l'origine potentiellement professionnelle des pathologies, comme l'outil Phyt'attitude, seront élaborés ou déployés ». Les assurés pourront être accompagnés dans la procédure de reconnaissance de leur maladie professionnelle et bénéficier d'un suivi post-professionnel.
Par ailleurs, les agriculteurs et les éleveurs seront accompagnés dans l'évolution de leurs pratiques et de leurs activités en zone contaminée. Une meilleure gestion du foncier sera organisée.
Les entreprises de pêche et d'aquaculture marine impactées par cette pollution pourront bénéficier d'exonérations fiscales. « Un centre d'accompagnement administratif des entreprises de pêche et d'aquaculture sera mis en place en Martinique et un accompagnement des entreprises basé sur un diagnostic socio-économique sera réalisé en Guadeloupe ».
Sensibiliser les citoyens
Enfin, le plan devra améliorer la communication et la sensibilisation des différents publics (grand public, consommateurs, professionnels). « Des actions de vulgarisation des réglementations en vigueur seront menées pour les zones de pêches interdites en mer et en rivières. Par ailleurs, la communication vers le grand public sur la qualité des eaux sera améliorée. Enfin, des actions de sensibilisation seront lancées à destination des agriculteurs, éleveurs et pêcheurs sur les zones contaminées ».
Un volet spécifique est destiné à sensibiliser les plus jeunes, en formant auparavant le personnel scolaire. Les futurs professionnels du secteur agricole seront également sensibilisés à exercer leur métier dans le contexte de la chlordécone.