Le Gouvernement mise sur le captage et le stockage de CO2 pour accompagner les efforts de décarbonation de l'industrie. L'objectif est de mutualiser les infrastructures pour réduire les coûts encore élevés de ces technologies.
Le Gouvernement a lancé, fin juin, une consultation sur la stratégie nationale de capture, stockage et utilisation du carbone (CCUS). Cette « stratégie ambitieuse » vise à accompagner les industriels les plus émetteurs dans leur effort de décarbonation, en sus de l'électrification et du déploiement de l'hydrogène vert.
Alors que de nombreux acteurs voient dans le captage et le stockage du carbone une fausse bonne idée, détournant les efforts pour réduire réellement les émissions de CO2, la feuille de route prévient : « Le CCS n'est pas une technologie pour maintenir le "business as usual". Il doit être utilisé en renfort des autres actions mises en œuvre (efficacité énergétique, évolution des process, électrification), afin de capter les émissions résiduelles incompressibles, assurer la transition en attendant la mise en œuvre de solutions plus pérennes ou combler l'absence de solution de décarbonation.
Le projet de stratégie fixe un calendrier de « déploiement rapide » de cette technologie, un régime de soutien, un cadre pour le déploiement d'infrastructures de transport et de stockage, ainsi que des pistes de valorisation. L'objectif est de mutualiser les efforts et les moyens pour partager les coûts de ces technologies, encore très élevés.
Cibler les grandes zones industrielles
La stratégie fixe une trajectoire de déploiement du CCUS, en donnant la priorité aux grands ports industriels lors d'une première phase (2026-2030) : Dunkerque, Le Havre et Fos-sur-Mer. L'idée est de pouvoir mutualiser l'investissement dans les grandes zones industrielles et de favoriser, dans un premier temps, les sites qui peuvent évacuer le CO2 par voie maritime vers des lieux de stockage à l'étranger (en mer du Nord - Norvège, Pays-Bas - ou en Méditerranée - Italie), en attendant de développer des sites nationaux de stockage.
Lancement des études pour GoCO2
Elengy, GRTgaz, Heidelberg Materials, Lafarge, Lhoist et TotalEnergies ont annoncé, le 10 juillet, le lancement du projet Grand Ouest CO2 (GoCO2). Ce programme porte sur le captage du CO2 dans les sites industriels des Pays de la Loire et de Nouvelle-Aquitaine, son acheminement par canalisation jusqu'au port de Saint-Nazaire en vue de son envoi par bateau vers des sites de stockage géologique. « Il pourrait à terme transporter et exporter jusqu'à 4 millions de tonnes par an de CO2 en 2050, soit plus de 75 % des émissions industrielles du Grand-Ouest de la France à cet horizon », indique le communiqué. La première phase permettra de réaliser les études nécessaires en vue du développement du projet à l'horizon 2030.
Dans une deuxième phase (2028-2033), le déploiement de ces technologies devrait se poursuivre dans le Piémont pyrénéen (Lacq - Sud-Ouest) et l'estuaire de la Loire (projet Pycasso) où des projets de transport (projet GoCO2) sont envisagés. Le potentiel des bassins aquitain et parisien sera également examiné.
Une troisième phase, lancée en 2033, ciblera le Grand Est, « via le développement éventuel de stockage à terre, en mobilisant éventuellement des capacités nationales, ou un raccordement à un réseau de transport de CO2 prolongeant l'axe Rhône à une échelle européenne ».
Étant donné que les CCUS est encore coûteux, pas encore compensé par un prix bas du carbone et difficilement répercutable aux consommateurs dans des secteurs soumis à la concurrence internationale, l'État souhaite mettre en place des dispositifs de soutien. Ceux-ci devraient prendre la forme de contrats pour différence, octroyés par appels d'offres. Une notification à la Commission est prévue à l'automne 2023 pour le premier d'entre eux au premier semestre 2024.
Un réseau de transport à organiser
Les infrastructures de transport seront d'abord développées dans ces zones. « La logistique par canalisations constituera à terme la colonne vertébrale des réseaux de CCUS régionaux, dans les cas où des volumes de CO2 importants doivent être transportés et sur des périodes d'amortissement suffisantes. »
La logistique par canalisations constituera à terme la colonne vertébrale des réseaux de CCUS régionaux
Des dispositifs de partage du risque seront mis en place pour le financement de ces infrastructures : contrats d'utilisation de type
« take or pay », mesures de compensation en cas de retard dans le déploiement des infrastructures ou des projets de captage industriels. Par ailleurs,
« les modalités de sélection des sites industriels et des opérateurs de transport doivent permettre de limiter les risques de déploiement désynchronisé des infrastructures de captage, de transport et de stockage », note la stratégie.
La Commission de régulation de l'énergie (CRE) sera chargée de proposer un cadre de régulation de ces infrastructures de transport, ainsi qu'une méthodologie de tarification.
Des sites de stockage et éventuellement de la valorisation
Des travaux seront menés pour identifier rapidement des sites de stockage souterrains. « Le stockage géologique de CO2 se fait principalement dans des champs d'hydrocarbures déplétés (c'est-à-dire d'où des hydrocarbures ont été extraits) ou des aquifères salins (couches géologiques profondes, poreuses, perméables et saturées en eau salée) à une profondeur minimale de 800 m afin de stocker le CO2 sous une forme dense (la forme dense nécessitant moins de volume de stockage) », indique la feuille de route, précisant qu'il s'agit de « piéger de façon sûre et permanente le CO2 ».
Les zones de stockage potentielles du CO2.
© Ministère de la Transition écologique
Des volumes potentiels de stockage ont déjà été estimés dans le bassin parisien (60 Mt), le Bassin aquitain Nord (200 Mt) et Sud (600 Mt). Ces estimations doivent encore être affinées et d'autres zones de stockage étudiées (
cf. carte). Restera à lever les risques de contestation locale. Les Pays-Bas ont par exemple reculé sur un projet de stockage dans un ancien réservoir de gaz en raison d'une forte opposition locale.
Enfin, des voies de valorisation du CO2 seront étudiées. Outre la carbonation du béton à court terme, d'autres pistes à plus long terme pourraient voir le jour, comme les e-carburants pour l'aviation et le transport maritime, produits à partir d'hydrogène et de CO2. « La production de ces e-carburants nécessite néanmoins une quantité d'électricité très importante. À l'horizon 2050, la décarbonation du secteur de l'aviation pourrait nécessiter 90 TWh d'électricité et 7,4 MtCO2. Par ailleurs, le CO2 étant réémis lors de l'utilisation des e-carburants, le CO2 biogénique est le seul qui permet d'assurer à la fin une neutralité carbone », nuance la feuille de route. Le CO2 capté a finalement encore peu de débouchés.
Conseil national de l'industrie : des engagements et des soutiens (article paru le 23/06/2023) Un bilan positif en termes d'engagements, des soutiens réaffirmés et les prémisses d'une stratégie française en termes de capture et de stockage du carbone : le Gouvernement voit l'avenir industriel du pays en vert. Lire la news
Décarbonation de l'industrie : des subventions parties en fumée ? (article paru le 27/06/2023) Après l'argent magique, l'argent évaporé ? Un rapport du Réseau Action Climat (RAC) met en lumière l'efficacité toute relative des aides accordées aux entreprises industrielles pour la décarbonation de leurs usines. Lire la news
Captage, stockage et réutilisation du CO2 : des solutions séduisantes, mais encore très chères (article paru le 19/04/2023) Stocker ou réutiliser le CO2 pour alléger son empreinte carbone : la solution prend désormais une importance stratégique pour de nombreux pays. Le contexte s'y prête, mais le prix à payer reste fort, notamment en termes d'énergie. Lire la news
Captage et stockage de CO2 : la construction du démonstrateur d'Arcelormittal à Dunkerque s'achève (article paru le 10/01/2022) L'un des plus grands sites sidérurgiques de France se dotera bientôt de son propre dispositif de captage et stockage de dioxyde de carbone (CCS). Arcelormittal, exploitant du site industriel en que... Lire la news
Captage et stockage de CO2 : une coopération industrielle pour un éventuel lancement en Normandie (article paru le 12/07/2021) Un projet de captage et stockage de dioxyde de carbone (CCS) est-il faisable techniquement et économiquement en Normandie ? C'est ce que vont essayer de déterminer cinq partenaires industriels. Air... Lire la news
Des projets de capture et stockage de carbone en Europe de l'Est et du Sud (article paru le 15/05/2019) Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a réuni le 13 mai les 17 partenaires européens du projet Strategy CCUS, parmi lesquels figurent Total et IFP Energies Nouvelles côté français. Il s'agit d'un plan d'envergure dont l'objet est ... Lire la news
Note Participer à la consultation sur le CCUS Plus d'infosArticle publié le 19 juillet 2023