En regard de l'objectif de l'Accord de Paris sur le climat, qui enjoint la communauté internationale à stabiliser la hausse des températures à 2°C, voire à 1,5°C, les politiques européennes ne sont pas à la hauteur. Adopté un an avant l'Accord de Paris, le paquet climat-énergie commence à dater. Un groupe de ministres pro-actifs s'est réuni hier au ministère de la Transition écologique et solidaire pour exprimer sa volonté de redonner du souffle et de la cohérence à l'ensemble des orientations en cours.
''L'objectif est de réunir les pays européens les plus ambitieux à la COP 24. Tous les regards seront alors tournés vers l'Europe''. Pour la secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, Brune Poirson, ''le futur commence maintenant''. C'est dès aujourd'hui qu'il faut tracer les étapes intermédiaires sur la voie de cette complète ''neutralité'' carbone en 2050. La France a engagé la révision de sa stratégie nationale bas carbone dans cette perspective.
L'Allemagne, la Finlande, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal et la Suède en appellent au ''réhaussement'' de l'ambition de l'Union européenne. L'enjeu est d'aligner les politiques climatiques européennes sur l'objectif fixé par l'Accord de Paris : zéro émission de carbone à l'horizon 2050. Pour retrouver son leadership et son exemplarité, l'Europe devrait présenter à la COP 24 sa contribution revisitée pour 2030.
Un objectif de -50% des émissions dès 2030
En clair, le cadre d'action européen en matière de climat et d'énergie à l'horizon 2030, fixé en 2014, qui consiste à réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40% d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990, ne suffira pas à réaliser la neutralité carbone en 2050. Selon l'eurodéputé (Verts-Ale) Claude Thurmes, cet objectif d'étape devrait être de -50% afin de piloter sans trop d'à-coups la descente carbonique de l'Europe.
Les sept pays de cette "coalition des ambitieux" se veulent le fer de lance de politiques orientées vers le zéro émission. Comme l'a souligné Eva Svedling, secrétaire d'Etat pour l'action climatique en Suède, ''la science nous indique qu'il ne reste que quelques années pour éviter les effets les plus dévastateurs du dérèglement climatique. La Suède a adopté des objectifs climatiques nationaux exigeants, incluant un objectif de neutralité carbone d'ici 2045''.
Même détermination affichée du côté de la Finlande, dont le ministre de l'environnement et de l'énergie, Kimmo Tiilikanen a proposé de sortir du charbon d'ici 2029. A ses côtés, le vice-ministre chargé de l'environnement au Portugal Jose Gomes Mendez lui a emboîté le pas : son pays a décidé d'adopter un objectif de neutralité carbone pour 2050 et a insisté sur l'importance de fixer un objectif intermédiaire pour 2030.
Comme l'a souligné Eric Wiebes, ministre chargé des affaires économiques et climatiques aux Pays-Bas, ''les Pays-Bas se sont fixé un objectif de réduction d'émissions de gaz à effet de serre de 49% d'ici 2030 et souhaitent examiner les possibilités d'un réhaussement de l'objectif de l'Union européenne pour atteindre une réduction de 55% des émissions européennes d'ici 2030''.
Le Conseil européen du 22 mars dernier a appelé la Commission à proposer une stratégie de long terme pour l'Union européenne. La société civile participe à ce débat sous la forme d'une coalition, la plateforme 2050 pour un développement sobre en carbone, lancée en novembre 2016 à la COP 22 de Marrakech (Maroc). En relation avec cette plateforme, le World Resource Institute et le Programme des Nations unies pour le développement ont inauguré le 12 avril un site sur les stratégies de long terme.
Absence de déclaration politique
Pour accélérer cette nécessaire réorientation des politiques, les ministres en ont appelé à examiner les leviers et les trajectoires d'émission possibles au sein de l'UE, qui dispose d'une boîte à outils conséquente : le paquet énergie propre, notamment les directives relatives à l'efficacité énergétique et aux énergies renouvelables ainsi que celles relatives aux émissions de CO2 des véhicules, et les politiques sectorielles visées par la directive sur la répartition de l'effort, validée par le Parlement européen la semaine dernière, qui entrera en vigueur en 2020.
Pour Neil Makaroff, responsable des politiques européennes du Réseau action climat, ''pour être crédibles, ces pays devront enfin faire preuve de cohérence et d'ambition sur les outils qui permettront d'accélérer la transition écologique en Europe et au niveau national. Les chantiers en cours sur le paquet énergie européen, les normes d'émissions des voitures et poids lourds, ou encore la réforme de la politique agricole commune seront des marqueurs de cette cohérence avec la volonté affichée''.
Les ministres n'ont cependant pas publié hier de déclaration politique et l'Allemagne est restée en retrait. ''Pour des raisons de politique intérieure, les Allemands ne sont pas prêts à dévoiler leur contribution nationale pour 2030, ils veulent qu'on les laisse choisir leur trajectoire'', souligne un observateur. La coalition des ambitieux devra faire œuvre de persévérance. Dans l'immédiat, il est possible de jouer sur des leviers à court terme. La France propose d'introduire un prix plancher du carbone dans le secteur de l'électricité. Mais l'Allemagne s'y oppose.