"L'UE a fait des progrès importants en ce qui concerne la décarbonation structurelle de son système énergétique" mais, malgré ces progrès, elle "n'est actuellement pas « sur les rails » pour atteindre ses objectifs d'ici 2030 et 2050", constate l'Institut de développement durable et des relations internationales (Iddri) dans un rapport rendu public mardi 8 novembre au lendemain de l'ouverture de la COP22 à Marrakech. Cette étude est le fruit d'un travail mené par l'Institut de recherche parisien en collaboration avec sept autres instituts européens.
L'Union européenne s'est fixée un objectif de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40% d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990 via le paquet "énergie climat" 2030, adopté en octobre 2014. Un objectif qui doit contribuer à limiter la hausse des températures à 2°C maximum, ainsi qu'en a décidé la communauté internationale à travers l'Accord de Paris de décembre 2015.
Pour atteindre cet objectif, les secteurs couverts par le système d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre (ETS) doivent réduire leurs émissions de 43% tandis que les secteurs non couverts devront atteindre une réduction de 30% par rapport à 2005. La question de la répartition des efforts de réduction entre les Etats membres pour satisfaire ce dernier objectif est en pleine discussion au sein de l'UE.
Transport et industrie à la peine
"Pour un grand nombre d'indicateurs évalués, les changements suivent un rythme insuffisant", pointe le rapport de l'Iddri. En outre, soulignent ses auteurs, une grande partie de la réduction des émissions totales résultent d'"effets conjoncturels" plutôt que d'une "décarbonation structurelle". En d'autres termes, beaucoup de réalisations récentes sont fondées sur les effets cycliques de la crise.
La décarbonation des procédés industriels et de la production de matériaux se révèle largement insuffisante. Même constat dans les transports. Si le transport de voyageurs consomme 8,7% de carburant en moins par passager-kilomètre en 2013 qu'en 2000, l'amélioration de l'intensité énergétique de ce secteur n'est que d'environ 0,8% par an. Cette amélioration devrait atteindre 1,8% pour réaliser les objectifs que s'est fixée l'UE.
Le seul satisfecit est donné au secteur de l'électricité où "l'intensité carbone de la production d'électricité a chuté de 20,9% entre 2000 et 2014", avec des performances toutefois très variables selon les Etats. Mais, même dans ce secteur où les auteurs reconnaissent un développement "impressionnant" des énergies renouvelables (EnR), il apparaît indispensable que l'amélioration de l'intensité carbone passe de 1,8 à 3% par an dans la décennie qui vient.
Revoir en profondeur les politiques de décarbonation
"L'UE et les Etats membres doivent revoir en profondeur leur approche de la décarbonation en se recentrant sur les principaux moteurs d'émissions dans chaque secteur", déduit l'Iddri de cet état des lieux.
Ainsi, en matière de transport, "parallèlement à un ambitieux objectif de réduction des émissions de CO2 d'au moins 70 grammes par kilomètre d'ici 2025, l'UE devrait définir un cadre pour l'achat de véhicules publics et commerciaux 100% électriques d'ici 2025", préconise l'étude. Dans le secteur du bâtiment, les objectifs doivent être renforcés en matière d'efficacité énergétique et de remplacement des combustibles, même si les logements européens consomment 21,2% d'énergie en moins en 2013 qu'en 2000.
Côté industrie, les auteurs soulignent la nécessité d'une "refonte radicale" des politiques actuelles pour décarboner les activités à forte intensité énergétique et exposées aux échanges commerciaux telles que la production d'acier. Quant à la production d'électricité, ils suggèrent à l'UE d'adopter des politiques visant à éliminer le charbon, compte tenu de l'absence de signal efficace en ce sens dans l'ETS.
Aussi, l'Iddri préconise-t-il d'adopter les propositions du paquet 2030 dans leur forme la plus exigeante, en particulier en ce qui concerne l'efficacité énergétique. L'objectif, tel que formulé actuellement (entre 27 et 30% d'économie d'ici 2030), correspondrait même à "un ralentissement des gains de productivité énergétique", pointe l'Institut.
Ce dernier demande également le renforcement de l'ETS de telle sorte que "le risque de prix du carbone bas et inefficace ne persiste pas jusqu'à la fin des années 2000". Mais le rapport relève en même temps que les débats sur cette réforme montrent la difficulté de construire une volonté politique européenne d'agir avec conviction sur ces questions.