Sujet abordé, ces dernières années, dans plusieurs lois sur l'eau et l'assainissement, la question du transfert des compétences est également revenue dans les discussions sur la loi 3DS, pour différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification.
La loi Notre, d'août 2015, prévoyait initialement de rendre obligatoire le transfert des compétences eau et assainissement des communes vers les communautés de communes et les communautés d'agglomération, à compter du 1er janvier 2020. Une mesure sensible qui, depuis, a fait l'objet de plusieurs assouplissements. En août 2018, tout d'abord, la loi sur la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes a permis à ces dernières de le reporter jusqu'au 1er janvier 2026. Ensuite, la loi Engagement et proximité a ouvert aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération la possibilité de déléguer, par convention, tout ou partie de ces compétences à l'une de ses communes membres.
L'enjeu de l'entretien des réseaux
Pour le gouvernement, ce passage à l'intercommunalité est un levier pour augmenter les capacités d'action, notamment pour améliorer l'entretien des réseaux. « Il faut favoriser tous les systèmes qui permettent l'investissement. Souvent, celui-ci ne peut être réalisé que lorsque l'intercommunalité engage sa force de financement, afin de réduire les fuites, créer des interconnexions, assurer la conformité microbiologique : cela est bien plus efficace que lorsque la question est traitée à l'échelle des communes », a estimé Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires, lors des discussions sur la loi 3DS.
Certains – dont des collectivités de montagne ou rurales – espéraient pouvoir déroger à cette obligation par l'intermédiaire de la loi 3DS. Ou au moins décaler la date limite du 1er janvier 2026. « Non seulement les EPCI [établissement public de coopération intercommunale] ne sont pas les garants de l'efficacité dans la lutte contre les fuites, mais surtout, dans certains territoires, le transfert n'apparaît pas pertinent. Les arguments qui justifiaient son report obligatoire restent valables, a ainsi défendu Thibault Bazin, député les Républicains de Meurthe-et-Moselle. Il faut conserver la possibilité de faire évoluer la situation dans les territoires où le transfert n'est pas pertinent, sinon il faudra encore remettre l'ouvrage sur le métier. » D'autres acteurs, en revanche, appelaient à maintenir une stabilité dans les règles établies.
Un débat sur les modalités du transfert
Autre point à noter, les syndicats d'eau infra communautaires existants au moment du transfert de compétences pourront être maintenus dans le cadre d'une délégation. Sauf si l'intercommunalité décide de les supprimer. « En réalité, cela ne change pas grand-chose, estime Régis Taisne, chef du département cycle de l'eau de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). Les communautés devaient se prononcer dans les neuf mois qui suivent le transfert de compétences pour décider d'une délégation à un syndicat, qui subsistait alors. En cas de refus ou d'absence de choix explicite de la délégation, ce dernier disparaissait s'il n'avait pas d'autres compétences. Désormais, le principe est que le syndicat se maintient dans le cadre d'une délégation de compétence tant que la communauté ne délibère pas pour y mettre un terme. La différence est minime, puisque la communauté devra quand même se prononcer sur la convention de délégation. Reste que ce dispositif de délégation de compétence est assez flou et compliqué à mettre en œuvre. »
Mobiliser le budget général pour lisser les tarifs
La loi 3DS rappelle, par ailleurs, l'existence d'une marge de manœuvre offerte aux collectivités lors d'investissements importants. Elles ont la possibilité de mobiliser leur budget général pour éviter une augmentation excessive des tarifs de l'eau. Avec l'introduction d'une modification dans la rédaction, toutefois, qui permettrait une nouvelle dérogation. « Les collectivités territoriales ont des frontières assez rigides entre leurs dépenses d'investissement et de fonctionnement, rappelle Éric Landot. Là, nous pourrions avoir un abondement, même pour la session de fonctionnement. »
Une autre nouveauté est à noter : les intercommunalités pourront également utiliser le budget général lors de leur prise de compétence afin de lisser les tarifs entre leurs membres. « La subvention des plus bas tarifs durant la phase de convergence vers le tarif unique sera alors prise en charge par le budget général, et non par les autres usagers qui partent d'un tarif plus élevé », note Régis Taisne.
Ceci permettrait également aux services en retard dans leurs investissements de se mettre dans les clous. « Ce n'est pas un détail, car le temps de cet ajustement, ce zonage tarifaire, n'est pas fixé par la loi », souligne Éric Landot. Sous contrôle de ce que dira le juge, mais, par exemple, lors d'une importante différence entre les tarifs et les besoins d'investissement, un zonage tarifaire avec des financements sur le budget général sur trente ans pourrait s'étirer sur sept-huit ou dix ans. Cela permet de lisser le mur d'investissement auquel devront notamment faire face les services d'eau en milieu rural. »