Le réchauffement climatique n'est pas le seul mal responsable de la dégradation des récifs coralliens. La pollution chimique, notamment, en serait un autre non négligeable. Et pour la France, seul pays au monde dont l'espace maritime comprend des récifs dans les trois océans tropicaux (soit 10 % de l'ensemble des récifs de la planète), caractériser le phénomène constitue l'un des prérequis pour assurer leur protection.
Dans cette optique, l'Agence nationale de la sécurité sanitaire (Anses), épaulée par l'Office français pour la biodiversité (OFB), a été saisie par le ministère de la Transition écologique en 2018 dans le cadre de la Mission océans. Elle a présenté, ce 18 septembre, les résultats de ses investigations : plus d'une vingtaine de produits chimiques sont effectivement mis en cause.
L'octocrylène est bien toxique pour les coraux
En analysant la littérature scientifique disponible, les équipes de l'OFB ont retenu une liste de 112 substances susceptibles d'exercer des effets toxiques sur les organismes coralliens. « Les études toxicologiques sur les coraux sont peu nombreuses et leur nombre varie en fonction des groupes de substances, regrette néanmoins l'Anses. Les groupes les plus étudiés sont les métaux (en particulier le cuivre) et les pesticides, puis les hydrocarbures et, enfin, les filtres ultraviolets. L'univers chimique qu'il a été possible d'étudier suite à la revue systématique (112 substances) est très restreint au regard du nombre très important de substances pouvant être dispersées dans l'environnement marin. » Les équipes se sont donc attelées à identifier lesquelles étaient documentées à l'échelle locale, dans les territoires ultramarins abritant des récifs.
Pour les coraux exposés, près de la moitié des substances de cette sous-sélection fragmentaire évaluée par l'Anses présentaient un risque métabolique avéré ou potentiel (la performance de la photosynthèse, la fertilisation ou la croissance) : au moins 45 % des filtres UV testés (dont l'octocrylène), 47 % des pesticides (chlordécone, chlorpyrifos) et 50 % des métaux (zinc, manganèse, aluminium). Un constat préoccupant et pourtant, de toute évidence, « très probablement sous-estimé ».
Renforcer la surveillance et les restrictions
« Au travers de la recherche de données d'exposition et des auditions, il est apparu que le système de surveillance des substances chimiques dans les eaux littorales est insuffisant, voire quasi-inexistant dans plusieurs territoires, au regard des enjeux de conservation des écosystèmes marins en général et des récifs coralliens en particulier, atteste l'Anses. Pour ce qui concerne les données d'exposition disponibles, il a été constaté une difficulté d'accès aux données ainsi qu'un délai parfois trop important entre l'acquisition et la bancarisation des données, limitant ainsi leur exploitation. »
Pour améliorer cette surveillance, assurée tous les cinq ans par l'Initiative française pour les récifs coralliens (Ifrecor), l'agence recommande, d'une part, de l'intégrer aux mesures de protection du milieu marin fixées par les diverses conventions internationales concernées, telles que la Convention de Carthagène dans les Caraïbes. D'autre part, elle appelle à limiter les rejets de substances dangereuses à la source et de renforcer les systèmes d'assainissement. Pour cela, elle préconise d'appliquer les restrictions d'utilisation et les interdictions de mise sur le marché, dans le cadre de la réglementation europeénne Reach, au plus grand nombre de ces produits toxiques.