La reprise de l'activité des déchèteries a, en réalité, débuté avant le 11 mai. Progressivement certains sites ont été ouverts aux professionnels et, parfois, au public. L'association de collectivités Amorce estime qu'avant la fin du confinement, environ 50 à 70 % des sites étaient en mesure de recevoir certains déchets, et en particulier les déchets du BTP et les déchets verts.
Depuis le 11 mai, « le mouvement de réouverture est massif », rapporte Bertrand Macé, conseiller environnement à l'Association des communautés des France (AdCF), traduisant ainsi le constat de l'ensemble des interlocuteurs. Le dernier décompte effectué par Amorce ne recense plus que 9 % de déchèteries fermées (sur la base d'une enquête portant sur 98 collectivités, regroupant 13,8 millions d'habitants). Ecosystem, l'éco-organisme en charge des DEEE, indique que 90 % des 3 326 sites sous contrat sont dorénavant accessibles. La réouverture de la quasi-totalité des sites devrait être effective dans les jours qui viennent.
Un service adapté
Pour autant, les conditions d'accueil ont dû être drastiquement revues, sur la base des modes de fonctionnement « adaptés » expérimentés lors du confinement. De manière générale, la mise en œuvre de la distanciation et des gestes barrières imposent de limiter l'accès à un véhicule par benne, voire moins si les bennes sont trop proches. De même, parfois, les agents n'aident plus au déchargement, ce qui peut augmenter le temps passé sur le site par les usagers.
Concrètement, « un filtrage sévère » a dû être mis en place, explique Sylviane Oberlé, responsable environnement à l'Association des maires de France (AMF). Celui-ci prend plusieurs formes. Une première option est l'accueil sur rendez-vous. Cette organisation fonctionne plutôt bien mais impose d'anticiper, car les déchèteries ne peuvent pas gérer en direct les plannings. Sur le long terme, le dispositif pourrait s'avérer difficile à assurer pour les grosses déchèteries (500 véhicules par jour en temps normal), pointe Bertrand Macé. Une autre option est un accueil alterné, soit en fonction d'un zonage (les habitants des différents quartiers sont accueillis à tour de rôle), soit, le plus souvent, sur la base des plaques d'immatriculation (les numéros pairs pour les jours pairs). Une dernière procédure répandue est le filtrage dans la file d'attente qui, dorénavant, peut atteindre une heure. À plus long terme, le télétravail pourrait entraîner un lissage des apports grâce à un report en semaine des dépôts réalisés traditionnellement le week-end.
Plus de personnel, moins d'usagers
Conséquence de ces mesures, Amorce rapporte que 61 % des sites ouverts ont dû renforcer leurs équipes pour mettre en œuvre ces nouvelles mesures d'accueil. « Le personnel est cher », constate aussi Sylviane Oberlé, qui rappelle que certains agents peuvent être en garde d'enfants ou en renfort sur d'autre missions. Par contre, le nombre de malades du Covid 19 semble limité : Amorce n'en récence que quatre dans son étude (sur un total de 1 360 agents).
Reprise plus lente pour le mobilier
Reste la question de l'enlèvement des bennes et du traitement des déchets en aval, en particulier lorsque le service est lié à une filière de responsabilité élargie du producteur (REP). Deux filières ne posent pas de difficultés particulières, en dehors de difficultés opérationnelles ponctuelles : les DDS, gérés par EcoDDS, et les DEEE, gérés par Ecoystem. Ces deux éco-organismes avaient maintenu un service adapté aux besoins pendant le confinement. Pour autant, « la semaine du 11 mai a été intense », explique Nathalie Yserd, directrice déléguée d'Ecosystem, qui évoque la nécessité de piloter au quotidien l'activité.
En revanche, « des problèmes d'évacuation concernant les déchets d'éléments d'ameublement (DEA) et les textiles sont perceptibles (…) puisque seulement 50 % des déchèteries ont repris la collecte des textiles et 71 % celle des DEA », note Amorce. Ce point est confirmé par Sylviane Oberlé, qui note une « nervosité » autour des déchets de meubles dont la collecte avait été arrêtée. De son côté, Éco-mobilier, l'éco-organisme chargé des DEA, indique avoir repris les enlèvements le 4 mai sur la base d'un « plan de reprise progressif, homogène et régulier » étalé sur quatre semaines. Au 18 mai, le service était assuré pour 2 642 déchèteries. Quant aux volumes enlevés, ils correspondent à une réduction de 30 % par rapport à la même période l'année dernière.
À l'avenir, deux sujets seront scrutés de près par les acteurs. Le premier est la reprise des ventes des biens de consommation, les apports en déchèterie étant étroitement liés aux ventes de produits neufs. Il semblerait, selon les premiers constats d'Ecosystem, que les ventes repartent plus rapidement qu'attendu. Le second sujet d'attention est l'activité des sites de traitement des déchets et la demande en matière à valoriser ou en matière recyclée. Sur ce sujet, Éco-mobilier est attentif à la reprise de l'activité des fabricants de panneaux de particules et des cimenteries (principaux exutoires des combustibles solides de récupération - CSR). De son côté, le Fnade attire l'attention sur la nécessité de retrouver des débouchés pour les plastiques recyclés. La demande est en berne du fait de la baisse du prix du pétrole conjuguée à celle de la consommation des secteurs de l'automobile et du BTP. Ce constat met en lumière la nécessité d'assurer la pérennité de la chaîne de valeur qui part du déchet et aboutit aux industries consommatrices de matières recyclées.