En vertu d'un décret paru ce jeudi 15 septembre, au Journal officiel, le ministère de la Transition énergétique permet aux deux dernières centrales à charbon de l'Hexagone d'émettre potentiellement 4,5 millions de tonnes de CO2 de plus qu'en temps normal d'ici à 2024. Cette mesure « répond à un besoin exceptionnel lié à un contexte non prévisible et permettra de faire face à des difficultés d'approvisionnement en énergie susceptibles d'affecter la vie de la nation ». Elle concerne les deux tranches de 600 mégawatts (MW) de Cordemais (Loire-Atlantique) et la dernière tranche de 600 MW, récemment redémarrée, de Saint-Avold (Moselle).
Le premier article du décret fixe un nouveau plafond d'émission, entre le 1er mars 2022 et le 31 mars 2023, à 3,1 kilotonnes d'équivalents dioxyde de carbone par mégawatt (ktCO2e/MW), soit 3 100 heures de fonctionnement pour chaque centrale. En temps normal, ce plafond ne dépasse pas 0,7 ktCO2e/MW, soit 700 heures. Il sera ensuite ramené à 0,6 ktCO2e/MW, soit 600 heures, du 1er avril au 31 décembre 2023, avant de retrouver son seuil réglementaire d'origine, dès le 1er janvier 2024.
Ce rehaussement drastique, justifié par la crise énergétique actuelle, devra être compensée par une obligation de financement de projets de réduction ou de séquestration de gaz à effet de serre. Les détails de ce dispositif, énoncés dans le second article du décret et mentionnés dans l'article 36 de la nouvelle loi pour le pouvoir d'achat, sont légèrement différents de ce qui avait été proposé dans le projet de décret.
Les exploitants des deux centrales sont soumis à la transmission d'une déclaration des émissions réalisées sur la première période (mars 2022-mars 2023), avant le 31 mai 2023, et sur la seconde période (avril 2023-décembre 2023), avant le 30 mars 2024. Cette déclaration doit ensuite être suivie, respectivement avant le 30 juin 2023 et avant le 31 mai 2024, du versement d'un montant libératoire de 40 euros par tonne d'équivalents dioxyde de carbone émise et déclarée (au lieu de 27,50 euros dans le projet de décret). Autrement, l'État pourra mettre l'exploitant en demeure, voire lui attribuer une amende administrative de 100 euros par tonne de gaz à effet de serre non compensée.
Le montant total de ces obligations de compensation alimentera un fonds, géré par chaque exploitant, attaché à un plan pluriannuel de compensation transmis au ministère. Les projets financés par ce plan ne pourront prédater le 1er janvier 2020 et devront être mis en œuvre dans un délai de quatre ans, pour au moins la moitié d'entre eux, et de huit ans, pour le reste (contre six ans, sans condition, dans le projet de décret). Chaque projet ne devra pas avoir « d'impact négatif net sur la biodiversité ». Le ministère de la Transition énergétique note que les projets labellisés « Bas-carbone » satisfont, par exemple, cette condition.