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Dénouement dans l'Affaire du siècle : le juge impose la réparation du préjudice écologique

Le grand contentieux climatique, soutenu par plus de 2 millions de personnes, se solde par une injonction du gouvernement à réparer le préjudice écologique lié à un surplus d'émissions de gaz à effet de serre. Les ONG requérantes crient victoire.

Gouvernance  |    |  L. Radisson
Dénouement dans l'Affaire du siècle : le juge impose la réparation du préjudice écologique
Actu-Environnement le Mensuel N°418
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°418
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« Vous ne croyez pas que c'est devant les tribunaux qu'on va résoudre le problème du dérèglement climatique ? » avait lancé François de Rugy, en novembre 2018, après le lancement de deux actions judiciaires dirigées contre l'État. La décision du Conseil d'État rendue le 1er juillet dans l'affaire de la commune de Grande-Synthe menacée de submersion, puis celle rendue ce jeudi 14 octobre par le tribunal administratif de Paris semblent donner tort à l'ancien ministre de la Transition écologique.

Par son jugement (1) , qui marque l'aboutissement des recours lancés début 2019 par quatre associations (Oxfam, Notre Affaire à tous, Fondation Nicolas-Hulot et Greenpeace), le tribunal enjoint le gouvernement de réparer les conséquences de sa carence fautive en matière de lutte contre les changements climatiques. « Cette décision marque une nouvelle ère pour les politiques climatiques de la France : plus aucun président ne pourra s'exonérer d'agir pour le climat sous peine de mettre l'État hors la loi », se félicitent les quatre associations de L'Affaire du siècle dans un communiqué commun.

Jugement historique

Par un premier jugement rendu le 3 février dernier, le juge administratif avait reconnu la carence fautive de l'État dans la non-atteinte des objectifs du premier budget carbone de la France qui couvrait la période 2015-2018. Il l'avait reconnu responsable d'une partie du préjudice écologique constaté. Mais il avait rejeté la réparation pécuniaire de ce préjudice et ordonné un supplément d'instruction avant de statuer sur les moyens de faire cesser son aggravation pour l'avenir.

Le tribunal relève que le plafond d'émissions fixé par le premier budget carbone a été dépassé de 62 millions de tonnes d'équivalent dioxyde de carbone (Mt CO2eq). Mais il ne demande de réparer le préjudice écologique et de prévenir l'aggravation des dommages qu'à hauteur de 15 Mt CO2eq, estimant que la baisse des émissions constatée en 2020 doit aussi être prise en compte. Un ajustement pourra toutefois intervenir au regard des données que fournira le Citepa, fin janvier 2022.

Le juge ordonne au gouvernement de prendre toutes les mesures utiles avant le 31 décembre 2022, une échéance qui interviendra après les élections présidentielles. Il ne précise toutefois pas la nature des mesures à prendre qui relèvent de la libre appréciation de l'exécutif. « De tout façon, on connaît les politiques à mener », réagit Cécile Duflot, directrice générale d'Oxfam France, rappelant les trois grands secteurs prioritaires : le transport, l'agriculture et le bâtiment.

Bien que le tribunal ait refusé à ce stade d'assortir l'injonction d'une astreinte, les ONG affichent leur satisfaction. « Non, ce jugement n'est pas symbolique, il est historique », s'enthousiasme Célia Gautier, de la Fondation Nicolas-Hulot. « Les victoires sont rares et on aurait tort de se priver de celle-ci. C'est la suite logique d'un combat mené depuis très longtemps et la justice devient une véritable alliée dans ce combat », renchérit Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France.

Contraindre l'État à agir

“ C'est la première fois qu'est admise par un juge administratif la faute de l'État pour n'avoir pas tenu ses engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre ” Arnaud Gossement, avocat et professeur de droit
« Ce jugement est important, reconnaît sur Twitter l'avocat et professeur de droit Arnaud Gossement. C'est la première fois qu'est admise par un juge administratif la faute (carence) de l'État pour n'avoir pas tenu ses engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre ». « C'est la première fois que le préjudice écologique est reconnu devant la justice administrative », se félicite par ailleurs Clémentine Baldon, avocate de la Fondation Nicolas Hulot.

« Ces jugements sont intéressants s'agissant de la faute mais moins à propos de la réparation effective du préjudice né de cette faute, tempère toutefois Arnaud Gossement. À l'arrivée, les conséquences réellement concrètes de ces jugements pour l'action de l'État sont limitées. » Ce dernier regrette notamment l'absence de détail sur les mesures utiles à prendre, le délai assez long au regard de l'urgence climatique, ainsi que l'absence d'astreinte.

« L'astreinte viendra si le préjudice écologique n'est pas réparé fin 2022 », rétorque Arié Alimi, avocat d'Oxfam France. « Et on ne demandera pas une astreinte symbolique, le but étant de contraindre l'État à agir », ajoute Cécile Duflot.

Le gouvernement ne fera pas appel

Le gouvernement ne semble pour l'instant pas trop ébranlé. Par la voix du ministère de la Transition écologique, il dit prendre acte du jugement et indique qu'il ne fera pas appel. Il relève que le juge n'a pas donné suite à la demande des ONG de prononcer une astreinte. Il y voit « la marque d'une confiance (…)  dans l'engagement de l'État à agir par tous les moyens possibles pour tenir ses engagements climatiques ».

Le ministère rappelle que le gouvernement a investi 30 milliards d'euros (Md€) avec le plan de relance et 15 Md€ avec le plan France 2030 dans la décarbonation de l'économie. Il met aussi en avant le vote des lois sur l'énergie, les mobilités, l'économie circulaire et le climat, de même que son soutien au plan Fitfor55 de l'UE. « La France baisse ses émissions de plus en plus vite : la vitesse de réduction des émissions a doublé au cours du quinquennat, de 1 % par an en moyenne entre 2012 et 2017 à 1,9 % dès 2019 », se vante le ministère. En oubliant toutefois le rôle de la crise sanitaire dans la réduction constatée en 2020, pourtant pointée par le tribunal dans son jugement.

Pas de quoi convaincre les ONG requérantes selon lesquelles ce jugement impose à l'État de doubler les réductions d'émissions prévues entre 2021 et 2022. « L'État a désormais une obligation de résultats pour le climat. Cette rupture nécessaire avec la politique climatique telle qu'elle est actuellement, nous la devons aux juges qui se sont saisis de la question climatique et à la mobilisation sans précédent des 2,3 millions de personnes qui ont soutenu l'Affaire du siècle », se félicitent les associations.

En attendant, ces dernières comptent bien capitaliser politiquement sur cette victoire judiciaire. « On va attendre les candidats à la présidentielle au tournant », prévient Jean-François Julliard.

1. Télécharger le jugement du tribunal administratif de Paris
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-38364-jugement-tribunal-paris-affaire-du-siecle.pdf

Réactions2 réactions à cet article

Depuis l'hiver dernier, on produit du courant épisodiquement (environ 50% du temps en ce moment, regarder Eco2mix) avec 1 GW de charbon : voilà le réel bilan climatique de Macron. Peut-on espérer un retour en arrière : arrêt du charbon, redémarrage de Fessenheim (parce que c'est bien là qu'est l'enjeu)...

dmg | 15 octobre 2021 à 09h16 Signaler un contenu inapproprié

Le droit avance (enfin) dans le bon sens et on ne peut que s'en réjouir. Mais, ainsi que le souligne l'article, nous avons manifestement à faire à des dirigeants publics qui persistent à considérer que les décisions de justice qui leur sont défavorables ne les concernent pas (tant qu'ils ne sont pas personnellement sanctionnés, pourquoi cela changerait-il du reste ?!). Ou, plus pernicieusement, qui en profitent pour avancer sempiternellement les mauvais pions, tels les centrales SMR, nouvel avatar d'une industrie nucléaire tous comptes faits aussi ruineuse que dangereuse. Exemples frappants avec le désastre de l'EPR mais aussi le grand carénage des centrales nucléaires vieillissantes, EDF - donc l’État en grande partie donc le contribuable - doit mettre la bagatelle de 100 milliards d'euros au pot (c'est la Cour des comptes qui l'écrit, si je ne m'abuse). Une paille !
Aussi, que les pro-nucléaires n'hésitent surtout pas à assumer pleinement leurs convictions et leur foi inébranlable en l'atome en ouvrant très grand leur porte-monnaie ! La Nation leur en sera éternellement reconnaissante.

Pégase | 18 octobre 2021 à 10h25 Signaler un contenu inapproprié

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