La question des dérogations à l'interdiction de destruction des espèces protégées continue à occuper l'actualité du droit de l'environnement, tant au Parlement que devant les tribunaux. Par une décision du 28 décembre 2022, le Conseil d'État vient de préciser comment apprécier la condition liée au maintien dans un état de conservation favorable des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
Pour rappel, les préfets peuvent déroger à l'interdiction de destruction des espèces protégées et de leurs habitats sous trois conditions distinctes et cumulatives : l'absence de solution alternative satisfaisante ; le fait de ne pas nuire au maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ; la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés à l'article L. 411-2 du code de l'environnement (1) , parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.
C'est la deuxième condition que vient aujourd'hui préciser la Haute Juridiction. « Pour apprécier si le projet ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable (2) , des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de déterminer, dans un premier temps, l'état de conservation des populations des espèces concernées et, dans un deuxième temps, les impacts géographiques et démographiques que les dérogations envisagées sont susceptibles de produire sur celui-ci », juge le Conseil d'État. En l'espèce, dans cette décision portant sur le contentieux de la réouverture de la carrière de Nau Bouques sur les communes de Vingrau et Tautavel (Pyrénées-Orientales), la Haute Juridiction rejette le pourvoi de l'exploitant, estimant que la cour administrative d'appel de Marseille n'avait commis aucune erreur de droit en ayant rejeté son appel en décembre 2020.