C'est organisée et remontée à bloc que s'est présentée à la presse la famille élargie du solaire photovoltaïque, ce 27 octobre. Depuis avril 2011, les Etats généraux du solaire réunissent toute une frange d'acteurs de l'amont à l'aval du secteur : des industriels (AIPF, Epia, Gimelec, Serce, Enerplan, Ser-Soler), des producteurs (Apesi), des artisans du bâtiment (Capeb, GMPV-FFB), des collectivités (FNCCR), des associations françaises et européennes (Cler, FNE)… Leur objectif : revenir sur un ''cadre post-moratoire inadapté'' et proposer ''une vision du solaire photovoltaïque d'ici à 2020''. Leur cible : le futur gouvernement, car ''le gouvernement actuel a laissé entendre que le dispositif resterait stable jusqu'en mai''.
Si la plupart de leurs propositions avaient déjà émergé lors de la concertation organisée après le moratoire, leur force aujourd'hui est de revenir unis, parlant d'une seule voix, avec un argumentaire fort en ces temps de crise : celui d'une industrie créatrice d'emploi et pouvant peser positivement sur la balance commerciale de la France.
Ne pas manquer l'envolée du marché mondial
Le marché mondial ne nous attendra pas ! C'est en filigrane ce qu'ont voulu souligner les acteurs du solaire ce jeudi. En dix ans (2000-2010), ce marché est passé de 1.450 mégawatts (MW) installés à 39.520 MW… D'ici 2015, le marché mondial devrait représenter 24 à 44 gigawatts (GW) et entre 59 et 135 GW en 2020, pour un chiffre d'affaires industriel mondial respectif de 50 à 80 milliards d'euros et de 79 à 129 milliards d'euros.
C'est pourquoi les professionnels du secteur demandent aux futurs dirigeants français d'être ambitieux, en visant un objectif de 20 GW installés en France plutôt que ''le plafond de verre actuel'' de 5,4 GW. ''Il faut viser plus haut pour se remettre dans la compétition européenne'', estime Germain Gouranton, président de TCE Solar, rappelant que l'Europe vise un objectif de 200 GW installés à la même échéance. Vingt gigawatts, c'est aussi la capacité installée aujourd'hui en Allemagne.
D'après les estimations de l'Epia, l'électricité solaire française pourrait devenir compétitive dès 2016 (parité réseau) et sera la principale technologie déployée avec la généralisation des bâtiments à énergie positive (Bepos) en 2018 et 2020. En effet, à cet horizon, toutes les constructions neuves devront produire des énergies renouvelables (chaleur et électricité) à leur échelle. Il ne faut donc pas rater le coche sous peine de voir les importations de modules augmenter dans les prochaines années, ont répété les acteurs du solaire. Pour cela, il faut renforcer l'industrie française mise à mal par un cadre réglementaire instable (quatre arrêtés tarifaires en cinq ans). ''Nous avons besoin d'un pacte de confiance alliant ambition, visibilité et stabilité, pour encourager les investissements industriels et structurer une filière créatrice d'emplois'', indique Daniel Guérin, du GMPV-FFB. A la clé, plus de 100.000 créations d'emplois ''non délocalisables, à forte valeur ajoutée et à fort contenu technique'' et un impact positif sur la balance commerciale française grâce à l'exportation du savoir-faire et des technologies tricolores, promettent les professionnels. Pour cela, ils demandent une rallonge budgétaire de 800 millions d'euros par an, soit un dispositif de soutien total de 2 milliards d'euros par an (contre 1,2 Md aujourd'hui). ''Si l'on ne fait rien, le déficit structurel de la balance commerciale est estimé à 1,5 milliard d'euro en 2020'', argumente Loïc De Poix, président de l'AIPF.
Quatre priorités pour relancer le photovoltaïque
Les Etats généraux estiment tout d'abord qu'il faut revoir le cadre réglementaire du photovoltaïque, en revenant à un mécanisme unique de soutien au marché : les tarifs d'achat. Ceux-ci doivent être adaptés de manière dynamique ''pour assurer une rentabilité correcte et non excessive des projets, tout en donnant de la visibilité à la filière''. Lors du moratoire, les professionnels proposaient déjà une dégressivité programmée des tarifs d'achat. Ceux-ci doivent également être régionalisés, car les projets développés au Nord de la France n'affichent pas la même rentabilité qu'au Sud. Enfin, un mécanisme de bonification de l'autoconsommation doit être mis en place, afin d'inciter cette pratique.
Les professionnels demandent également des simplifications et clarifications du cadre réglementaire, notamment sur la limite de distance entre deux installations d'un même propriétaire, la révision des modalités d'évaluation technique des procédés intégrés au bâti et les critères même de cette intégration.
Mais il ne suffit pas d'encourager la demande, il faut également soutenir l'offre, préviennent les professionnels. Cela passe par la mise en œuvre d'un dispositif de déclaration d'origine pour la traçabilité des composants et équipements afin d'éviter les malfaçons. Les projets retenant des panneaux fabriqués en France devraient bénéficier d'une garantie de financement Oseo. Ensuite, il faut promouvoir le label de qualité AQPV et mettre en place une stratégie collective à l'export, comme le font les Allemands.
La dernière proposition concerne le réseau électrique. Afin de raccourcir les délais de raccordement et d'en diminuer les coûts, les professionnels proposent que les installateurs et les collectivités puissent procéder aux raccordements. Selon eux, des schémas locaux d'intégration des énergies renouvelables sont nécessaires pour pouvoir optimiser l'implantation des sites de production, au plus près des sites de consommation. Ils souhaitent aussi évaluer l'impact de la suppression de la réfaction pour les producteurs, prévue par la loi Nome. Un taux de réfaction de 40 % était jusque-là applicable pour les extensions et les branchements sur le réseau électrique, ERDF ne faisait donc payer que 60 % des coûts de raccordement. Enfin, selon eux, il faut développer les smart grid afin de faciliter l'intégration des énergies renouvelables.