La politique de l'eau est au menu de la table ronde n° 3 de la Conférence environnementale qui s'ouvre demain. Les grands ordonnateurs en seront le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll et le ministre chargé du développement Pascal Canfin.
Le programme officiel ? Les moyens d'atteindre les objectifs de bon état des masses d'eau fixés par la directive cadre sur l'eau (DCE), la question de savoir comment assurer une bonne interaction entre la politique de l'eau et les autres politiques, et enfin la question de la gouvernance. L'agriculture devrait toutefois être omniprésente, comme le montre d'ailleurs le choix du ministre chargé de présider cette table ronde.
Réserver l'irrigation là où elle est indispensable
Le rendez-vous de la Conférence environnementale consacré à l'eau s'inscrit dans le cadre d'une évaluation de la politique de l'eau qui a donné lieu à plusieurs rapports. Le premier, réalisé par un certain Philippe Martin, portait sur la gestion quantitative de l'eau en agriculture. Il proposait une adaptation de la réglementation afin de faciliter la création des retenues collinaires et l'irrigation.
"C'est un rapport à charge contre l'environnement qui fait le jeu des irrigants malgré les changements climatiques", estime Benoît Hartmann, porte-parole de France Nature Environnement (FNE) qui précise que seulement 3% des agriculteurs sont des irrigants. Il ne s'agit pas d'interdire l'irrigation, ajoute-t-il, mais de la réserver pour les usages pour lesquels elle est indispensable, c'est-à-dire l'arboriculture et le maraîchage, plutôt que d'irriguer nuit et jour des champs de maïs, dont la culture n'est pas adaptée à notre climat. Les investissements très importants réalisés par les irrigants dans des matériels plus performants ne doivent pas être oubliés, rétorque la FNSEA.
En toute état de cause, il est fort probable que le discours du ministre de l'Ecologie d'aujourd'hui ne soit pas le même que celui du député du département du Gers d'hier, un département "marqué par le poids de son activité agricole". Philippe Martin a d'ailleurs affiché, à l'occasion de la présentation de la Conférence le 11 septembre dernier, sa volonté de "prendre du recul" par rapport à cette table ronde.
L'agriculture, principale source des pollutions diffuses
La mission confiée au député socialiste Michel Lesage était plus axée sur la gestion qualitative de l'eau, alors que la directive cadre sur l'eau (DCE) a fixé comme objectif le bon état écologique de deux-tiers des masses d'eau d'ici 2015.
"Les politiques menées jusqu'à présent et le système de gestion de l'eau en France n'ont pas eu l'efficacité souhaitable" en matière de lutte contre les pollutions diffuses d'origine agricole et de restauration des milieux aquatiques, concluait le parlementaire en juillet dernier.
"A quelques mois de cette étape clé, nous savons que ces objectifs ne pourront être atteints", confirme l'Irstea, même si l'institut de recherche estime que "de véritables progrès" ont été réalisés en matière de connaissance et de capacité de gestion des milieux aquatiques depuis vingt ans. Michel Lesage préconise dans son rapport "d'engager une évolution des modèles de production qui remettra l'agronomie au cœur des pratiques pour combiner la performance économique et la performance écologique".
"Il faut changer de modèle agricole", affirme FNE de façon plus directe, soulignant que la grande majorité de la pollution provient des nitrates et des pesticides. "L'agriculture n'est pas la seule source de pollution diffuse, mais c'est la plus importante", confirme le tout dernier rapport du CGEDD qui évalue la politique française de l'eau.
En tout état de cause, le modèle suivi par les exploitations qui pratiquent une agriculture intensive pose question. "Dix pour cent des exploitations sont responsables de 90% des pollutions en France", avance Benoît Hartmann, qui pointe aussi les traitements antibiotiques massifs pratiqués dans les élevages intensifs, alors que les stations d'épuration sont dans l'incapacité de traiter les résidus médicamenteux.
Envoyer un signal "pollueur-payeur" clair
"L'Etat doit rendre plus efficace la police de l'eau", concluait également le rapport Lesage. Un constat partagé par FNE, vent debout contre la décision du Gouvernement de soumettre certains élevages de porcs au régime de l'enregistrement, qui permet de supprimer étude d'impact et enquête publique lors de la procédure d'ouverture de l'installation.
Une amélioration de la gouvernance de l'eau s'impose également, selon le rapport Lesage, qui préconise la création d'un quatrième collège dans les comités de bassin pour assurer une meilleure représentation des usagers domestiques et des associations de protection de l'environnement. Les usagers contribuent à hauteur de 85% aux redevances des agences de l'eau mais représentent actuellement moins de 3% des membres des comités de bassin, justifie le député.
"Le système de redevances des agences évolue vers la fiscalisation en s'éloignant de l'application du principe polluer-payeur", relève le rapport du CGEDD. S'appuyant sur ce constat, FNE préconise de créer une redevance sur les engrais minéraux. "Une taxe nouvelle n'est pas une bonne réponse à ce jour à l'utilisation des intrants", affirmait en juin Pascal Ferey, vice-président de la FNSEA, qui rappelait également les millions d'euros investis par la profession agricole pour le stockage des effluents.
Dans la lignée des discussions du Comité pour la fiscalité écologique, FNE se positionne également en faveur d'une augmentation de la redevance sur les phytosanitaires, afin d'envoyer un signal "pollueur-payeur" clair. "Une baisse de 30% des quantités de phytosanitaires n'entraînent pas de baisse de production", assure Benoît Hartmann qui s'appuie sur l'expérience des exploitations que son organisation accompagne. Le représentant de la FNSEA dénonce de son côté "une politique punitive" derrière un tel projet qui oublierait les mesures de formation et les différentes initiatives prises par la profession agricole.
La stigmatisation du monde agricole dans son entier serait effectivement injuste et contre-productive. En revanche, la remise en cause du modèle "tout-intensif" se pose aujourd'hui, lorsque l'on sait que les coûts de la pollution agricole peuvent être estimés en France à un minimum de 500 millions d'euros pas an.