L'économie circulaire n'est pas toujours synonyme de sobriété, constate une étude réalisée par le Club de la durabilité, le réseau qui regroupe des entreprises volontaires pour allonger la durée de vie des produits. Elle génère aussi de nouvelles frictions, notamment entre des acteurs qui se retrouvent en concurrence pour accéder au gisement des équipements pour le réemploi et des pièces détachées. Intitulée « Durabilité et sobriété : bonnes pratiques et nouvelles tensions », l'étude a été présentée à l'occasion du Forum de la durabilité, organisé par l'association Halte à l'obsolescence programmée (HOP), les 18 et 19 novembre.
Le document fourmille de retours d'expérience autour des questions de la sobriété et de l'accès aux gisements. L'exemple des smartphones reconditionnés synthétise bien ces enjeux, tant ce produit, dont le marché est particulièrement dynamique, apparaît, comme un fil conducteur, à plusieurs reprises dans l'étude du Club.
Quand le reconditionnement se nourrit de surconsommation
L'Agence de la transition écologique (Ademe) a montré qu'un téléphone mobile reconditionné permet de réduire de 91 à 77 % l'impact environnemental annuel de cet équipement, par rapport à un neuf. Ainsi, l'emploi de 82 kg de matières premières et l'émission de 25 kg de gaz à effet de serre (GES) peuvent être évités par année d'utilisation. Le rapport présente cependant plusieurs effets contreproductifs.
Ici, et dans ce cas précis, une pratique vertueuse en France, se nourrit de la surconsommation qu'elle entend combattre. L'Ademe avait d'ailleurs signalé que le reconditionnement était d'autant plus vertueux que la première vie du produit était longue. « [Il ne faut] pas faire du marché du reconditionné une caution à la surconsommation », alertait-elle.
Activité commerciale et acteurs de l'ESS
Le second écueil mis en avant par l'étude concerne la lutte que se livrent les acteurs du reconditionnement pour accéder au gisement de produits à réparer. Et là aussi, le mobile offre un bon exemple, puisque la demande de smartphones reconditionnés dépasse l'offre.
Une des options possibles, défendue par Murfy, un réparateur et reconditionneur d'équipements électroménagers, consisterait à mettre à disposition des acteurs de l'ESS et du secteur marchand conventionnel le gisement des déchets d'équipements électriques et électroniques collectés par les éco-organismes. Aujourd'hui, « seules 9 000 tonnes sont réemployées sur 664 000 tonnes collectées (moins de 2 %) contre 619 000 tonnes qui partent en recyclage, valorisation ou élimination (soit 93 % de la collecte) », déplore le Club de la durabilité.
Faute d'avoir accès à un gisement suffisant, les acteurs du réemploi organisent leurs propres réseaux de collecte. « Back Market, explique le rapport, a lancé une offre de "Buy Back" qui permet aux utilisateurs de revendre directement leur téléphone portable sur le site auprès de reconditionneurs les plus offrants, sous la forme "d'enchères". » Si la solution assure une massification de la collecte, elle entre en compétition avec celle des associations et coopératives de l'économie sociale et solidaire (ESS), les précurseurs du réemploi et de la réutilisation. Ces acteurs déplorent la baisse de qualité des dons, les meilleurs produits étant revendus par les particuliers plutôt que donnés. « Des activités qui relevaient du troc ou de l'économie non lucrative entrent désormais dans la sphère marchande », résume le rapport.
De leur côté, les défenseurs de cette approche marchande estiment que les deux démarches sont complémentaires. « Ces offres [de reprises rémunérées ou de revente] permettent à des produits, qui n'auraient dans tous les cas pas été donnés, d'être revalorisés », expliquent-ils. Et de citer « les équipements "thésaurisés", qui dorment dans les tiroirs ou placards des Français ». Au premier rang desquels figurent les téléphones.