Dans son rapport annuel, la Cour des comptes épingle ce mercredi 8 février l'abandon "coûteux" de l'écotaxe poids lourds et son "gâchis patrimonial, social et économique". Face à la fronde des "bonnets rouges" bretons, sur fond de crise du secteur agroalimentaire, cette taxe avait été suspendue le 29 octobre 2013 par l'ex-Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Son remplacement par un péage de transit était prévu pour 2015 avant une suspension "sine die" par la ministre de l'Environnement Ségolène Royal le 9 octobre 2014, sous la pression des transporteurs routiers. Et, le 30 octobre 2014, l'Etat a résilié son contrat passé en 2011 avec le consortium franco-italien Ecomouv', dans le cadre d'un partenariat public-privé. Dans la loi des finances pour 2017, le Gouvernement a définitivement enterré l'écotaxe fin 2016, en supprimant les dispositions législatives relatives à sa mise en œuvre.
958 M€ d'indemnisations
La facture est salée pour l'Etat. Cet abandon lui coûte près de 958 millions d'euros d'indemnisations directes versées au consortium Ecomouv' pour la sortie de ce contrat, souligne la juridiction financière. Ecomouv' était chargé de l'exploitation-maintenance du dispositif et de la collecte de l'écotaxe. Près de 518 millions d'indemnités ont été payés en 2015. Les 440 millions d'euros restants seront versés de 2016 à 2024. Soit une cinquantaine de millions d'euros par an. Mais le report de ces indemnités a aussi un surcoût, pointe la Cour des comptes qui l'évalue à 35 millions d'euros, lié notamment aux intérêts de la dette. La Cour prévient également des risques de contentieux de la part de sociétés de télépéage estimés à 270 millions d'euros de demandes d'indemnités.
La taxe poids lourds était fixée à 0,13 € par kilomètre en moyenne. Sur la période d'exécution du contrat 2014-2024, elle aurait dû rapporter 9,83 milliards d'euros nets aux administrations publiques dont 1,77 Md€ aux collectivités départementales et 7,56 Md€ pour l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). Cette perte des recettes est compensée par une hausse à partir de 2015 de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) appliquée sur le gazole mais financée "surtout par les automobilistes" (à hauteur de 57% par an), regrette la Cour des comptes, alors qu'ils n'étaient pas concernés par cette taxe.