Des difficultés à prévoir en matière d'approvisionnement en électricité, mais qui peuvent être surmontées grâce aux efforts cumulés des entreprises, des collectivités et des ménages : tel est le message transmis, ce mercredi 14 septembre, par Réseau de transport d'électricité (RTE), lors de l'exposé de ses prévisions pour cet hiver 2022-2023. Une présentation avancée de deux mois par rapport aux années précédentes, puisqu'en raison du contexte actuel très particulier – prix élevé des énergies, guerre en Ukraine, indisponibilité d'une partie du parc nucléaire et hydraulique français... –, la période dite « de risque » débutera en octobre-novembre au lieu de se concentrer sur le mois de janvier.
En se basant sur les informations recueillies auprès des fournisseurs d'électricité et de gaz, EDF et GRTgaz en particulier, mais aussi de ses partenaires et parties prenantes, RTE a bâti trois scénarios d'équilibre entre l'offre et la demande : « intermédiaire », « haut » et « dégradé ». Avec quatre typologies d'hiver pour chacun : de chaud à très froid. Dans tous les cas, contrainte ou choisie, la réduction de la demande allège évidemment les risques de pénurie. Pour RTE, les efforts collectifs de sobriété permettraient même de réduire significativement la probabilité de recourir aux moyens de sauvegarde, activés quand l'équilibre entre l'offre et la demande est menacé : lancement de l'alerte Ecowatt rouge devant engager des baisses de consommation immédiates volontaires et massives, interruptibilité des moyens des entreprises électro-intensives, baisse de tension de 5 % sur les réseaux et délestage, c'est-à-dire coupures tournantes de deux heures par foyer.
Des alertes plus ou moins fréquentes selon les cas
L'hypothèse « dégradée » se base sur une consommation « as usual », de 1 à 2 % de moins que la consommation d'avant la crise Covid, des tensions fortes sur le gaz, des difficultés pour importer de l'électricité et/ou des retards de remise en service des réacteurs nucléaires. Dans cette situation, le recours aux moyens de sauvegarde pourrait être fréquent, si l'hiver reste doux, et très fréquent, si la température baisse. En cas d'hiver très froid, le nombre d'alertes Ecowat rouges pourrait passer d'entre 4 et 5 à entre 20 et 28 sur l'ensemble de la période.
Le dernier canevas, dit « haut », mise, quant à lui, sur une reprise rapide de la production nucléaire permettant de disposer de 40 GW, début décembre, et de 50 GW, début janvier. « Ce qui nécessite une parfaite maîtrise des arrêts en cours et à venir », précise Xavier Piechaczyk, président du directoire de RTE. Ici, même si l'hiver s'avère froid ou très froid, la mise en œuvre des moyens de sauvegarde devient seulement « possible » et le nombre d'alertes rouges ne dépasse pas le chiffre 3. Un scénario volontariste « pour ce qui concerne le nucléaire, mais aussi pour ce qui concerne la sobriété, estime Xavier Piechaczyk. C'est celui vers lequel nous devons essayer de tendre, ce qui nécessite de bouger par rapport à la tendance actuelle ».
Des efforts bienvenus en toute situation
Globalement, RTE se veut rassurant. « Si l'hiver est doux, vous n'entendrez probablement pas parler de nous », avance Xavier Piechaczyk. Et si les conditions météorologiques ne s'écartent pas des normales saisonnières, le gestionnaire qualifie de faible le risque de déséquilibre. La situation pourrait se révéler plus tendue, si le parc nucléaire restait partiellement à l'arrêt et si des perturbations apparaissaient sur le marché de l'électricité. Cependant, la tension ne porterait alors que sur quelques pourcentages de la consommation d'électricité, faciles à compenser avec quelques efforts et peu susceptibles de nécessiter un délestage, estime RTE. Dans le pire des scénarios, 15 % de la consommation nationale seraient impactés. Mais pas sur l'ensemble de la journée, précise RTE. La majorité des situations difficiles se situent en effet en semaine, le matin entre 8 et 13 heures et le soir entre 18 et 20 heures, avec un pic à 19 heures.
Afin de sécuriser les perspectives des mois à venir, le gestionnaire s'associe néanmoins aux appels du gouvernement en faveur d'une consommation maîtrisée et flexible, les consommations d'électricité passant du simple au double entre l'été et l'hiver et chaque degré en moins à l'extérieur se traduisant par une hausse de consommation de 2,4 GW. « Tout ce que nous pouvons gagner sur notre consommation d'énergie est bon à prendre », souligne Xavier Piechaczyk.
Choisir le bon moment
L'éclairage, de son côté, consomme 4 GW, le matin, et 3 GW, le soir, dans le tertiaire. Dans le secteur résidentiel, l'appel de puissance est de 2,5 GW. Là encore, des marges de manœuvre existent, de l'ordre de 3,6 GW par jour, ne serait-ce qu'en remplaçant les ampoules classiques par des leds ou en éteignant les locaux d'entreprise le soir. Enfin, les appels de puissance liés à la cuisson ne sont pas à négliger, puisqu'ils totalisent 6 GW rien que pour le dîner. Un quart des Français modérant ses élans culinaires, c'est 0,4 GW de gagné pour le pays… Des informations mensuelles sur les risques de tension sont prévues par RTE, le 15 de chaque mois, sur la base des prévisions météorologiques à trente jours, et seront complétées des communications d'Ecowatt à trois jours.