Avec le réchauffement climatique, les précipitations croissantes vont grandement participer à élever le niveau d'un grand nombre de nappes phréatiques disponibles à travers le monde. Mais est-ce à dire que l'humanité ne manquera définitivement pas d'eau d'ici à 2100 ? Des chercheurs du Centre national de recherches météorologiques (CNRM) de l'Institut national des sciences de l'univers (Insu) de Paris ont tenté de répondre à cette question dans une étude publiée, le 22 mars dernier, dans la revue Earth's Future.
Les scientifiques ont confronté les niveaux de l'eau souterraine contenue dans 218 bassins aquifères non confinés de la planète, relevés entre 1960 et 2014, aux résultats de modélisation à l'horizon 2100 en fonction des scénarios prospectifs du Groupement international d'experts sur le climat (Giec). Leur simulation a évidemment pris en compte l'augmentation de la température planétaire, mais également les échanges d'eau avec les rivières et le sol, ainsi que les flux entre les nappes et leurs interactions avec l'atmosphère. Les constats ont par ailleurs été mis en regard avec la croissance démographique escomptée dans les régions concernées.
En fin de compte, « l'accentuation du forçage radiatif (et l'intensification des précipitations) se traduisent principalement par une montée des niveaux des nappes phréatiques, indiquent les chercheurs. Cette augmentation moyenne du volume des eaux souterraines n'exclut pas des réductions dans certaines régions du monde. » Pour 33 à 42 % de la surface concernée par ces bassins aquifères, les niveaux des nappes phréatiques augmenteront naturellement sans être suffisamment impactés par des prélèvements anthropiques (par exemple, pour l'irrigation). En termes de population, ces régions – notamment l'Europe du Nord – resteront en effet peu denses et accueilleront entre 100 et 300 millions de personnes à la fin du siècle. « Ce phénomène bénéficiera aux rivières, aux lacs et aux zones humides, mais une éventuelle saturation pourrait aggraver les inondations générées lors des périodes de fortes précipitations. »
Entre 6,3 et 10,9 % des nappes phréatiques verront également leurs niveaux s'élever mais seront, dans le même temps, fortement sollicitées par les activités humaines. Dans ces régions, comme la vallée du Gange ou le nord de la Chine, la population atteindra entre 1,3 et 3,8 milliard de personnes (alors « seulement » 19 à 38 % de la population mondiale).
Enfin, pour 20 à 26 % des nappes restantes (dans le pourtour méditerranéen, en Afrique du Sud ou sur la côte ouest des États-Unis), les niveaux seront en diminution avant même d'intégrer le taux de prélèvements anthropiques dans des régions accueillant entre 600 millions et 1,1 milliard de personnes. Au total, en 2100, environ 68 % de la population mondiale (8,3 milliards de personnes) sursolliciteront des nappes phréatiques.