Qui a influencé la rédaction de la loi de février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (Agec) ? Dans quel sens a-t-elle été modifiée ? Avec quels moyens ? C'est à ces questions que répond une analyse de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Cette dernière s'est notamment intéressée au lobbying autour de quatre points clés de la loi : la lutte contre le plastique à usage unique, l'obsolescence programmée, le gaspillage alimentaire et les dépôts sauvages.
Son analyse s'appuie sur les déclarations des activités de lobbying des acteurs de la société civile inscrits au répertoire des représentants d'intérêts. Ces analyses sont « destinées à montrer l'impact de l'activité de représentation d'intérêts sur la décision publique ».
Du fait des « enjeux stratégiques majeurs, économiques, sociétaux, environnementaux et sanitaires », la loi Agec constitue « l'un des textes phares » du premier mandat d'Emmanuel Macron, constate la Haute Autorité. Elle « a donc cristallisé de nombreux débats » et a été marquée par l'intervention de nombreuses parties prenantes : organisations professionnelles et industriels, associations, cabinets de lobbying, syndicats et associations environnemen-tales, en particulier. On y trouve des acteurs des secteurs de l'agroalimentaire, des déchets et des services à l'environnement, du commerce et de la protection de l'environnement.
L'interdiction du plastique au cœur des inquiétudes
Le premier domaine étudié par la HATVP est la lutte contre la pollution plastique qui constitue « une des mesures emblématiques de la loi Agec ». La Haute Autorité relate trois interventions pour durcir la loi : l'entreprise Castalie est intervenue pour faire interdire les bouteilles plastique ; le WWF a milité pour « des mesures contraignantes pour lutter contre la pollution plastique à la source » ; et Surfrider a défendu l'intégration dans la loi de mesures de réduction des plastiques à usage unique et de prévention des microplastiques.
À l'opposé, plusieurs fédérations professionnelles du secteur du plastique se sont opposées aux mesures de réduction : Plastalliance a défendu des « demandes de non-application » de l'interdiction des plastiques jetables en 2040 ; Plastics Europe a demandé une étude d'impact préalablement à l'interdiction des plastiques jetables en 2040 (afin de « reporter l'entrée en vigueur de cette mesure jugée contraignante ») ; Alliance Carton Nature a milité pour que les briques alimentaires ne soient pas visées par l'interdiction de 2040 ; et l'Association française de fabricants de films et sacs plastique est intervenue « pour éviter le durcissement de la réglementation (…) et clarifier le régime de sanction en cas de fraude ».
Autre sujet étudié : l'obsolescence programmée. Les interventions pour renforcer la loi ont été menées par UFC-Que Choisir, et l'association Halte à l'obsolescence programmée (HOP). L'industrie du numérique est intervenue en sens inverse par le biais de son syndicat professionnel, Tech'In France. La lutte contre le gaspillage alimentaire a fait l'objet d'un lobbying des fédérations professionnelles qui ont plaidé pour l'exclusion du dispositif de dons des commerces non sédentaires. Il s'agit de l'Union des entreprises de proximité (U2P), de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et de l'association Saveurs Commerce.
Quant aux dépôts sauvages, ils ont été abordés par Amorce, qui a défendu la création de la filière REP des produits ou matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB). Le Medef a, quant à lui, renvoyé la responsabilité aux autorités locales « considérant que [la responsabilité de la lutte contre les dépôts sauvages] incombait aux pouvoirs publics ».
L'exécutif, cible prioritaire
Pour le reste, la HATVP précise que 84 entités inscrites au répertoire ont fait des déclarations. Celles-ci « reflètent une intense activité de lobbying ». Parmi les 84 entités inscrites au répertoire, on retrouve 35 organisations professionnelles, 26 sociétés commerciales et 12 associations. Au total, 245 fiches d'activité sont enregistrées. Les actions de lobbying menées sont essentiellement des « transmissions de suggestions » (80 actions), des « transmissions d'informations » aux décideurs publics (63), des « organisations de discussions informelles ou réunions en tête-à-tête » (49) et des « correspondances régulières » (34).
Les déclarations montrent que 228 actions ont ciblé l'exécutif : douze membres du gouvernement ou leur cabinet ainsi que les collaborateurs du président de la République. « D'après les déclarations des représentants d'intérêts, le ministère de la Transition écologique et solidaire apparaît, avec 103 occurrences, comme le plus sollicité. Viennent ensuite le ministère de l'Économie et des Finances (46 occurrences), Matignon (34 occurrences), puis le ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt (13 occurrences). »
Les parlementaires ont fait l'objet de 163 actions. Enfin, 43 interventions ont ciblé des autorités administratives indépendantes ou des « personnes titulaires d'un emploi à la décision du gouvernement ».