La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait donné le la, début septembre, en se disant favorable à une révision du statut de protection du loup. Le gouvernement français lui emboîte le pas, comme le révèle la présentation, ce lundi 18 septembre par la préfète coordinatrice, du projet de Plan national d'actions (PNA) pour les années 2024 à 2029 devant les membres du groupe national Loup.
Les associations de protection de la nature, en désaccord avec les mesures d'assouplissement envisagées, ont quitté la réunion avant la fin. Malgré ces perspectives d'assouplissement favorables aux éleveurs, les organisations agricoles font également part de leur mécontentement.
Plus de 12 000 animaux d'élevage tués
Il s'agit là du cinquième plan d'actions depuis le retour naturel du loup au début des années 1990. Et l'on peut dire que ces plans, destinés à préserver l'espèce, ont porté leurs fruits, puisque le nombre de canidés est passé de 50 individus depuis cette époque à quelque 1 100 loups aujourd'hui. La progression territoriale du prédateur est également impressionnante, puisqu'on peut le rencontrer maintenant dans 55 départements métropolitains.
Ce qui ne va pas sans inconvénients pour les éleveurs. Plus de 12 000 animaux d'élevage ont été tués par le prédateur en 2022. Ce qui représente un coût d'indemnisation de 4 millions d'euros (M€) pour le ministère de la Transition écologique. Un coût dix fois plus faible cependant que celui des mesures de prévention (gardiennage, surveillance, chiens de protection, clôtures, accompagnement technique) engagées par le ministère de l'Agriculture.
L'exécutif se félicite toutefois que le nombre de victimes ne suive pas le taux de croissance du canidé. « L'évolution démographique de la population avec une stabilité des attaques témoigne de la réussite de la politique de conservation de l'espèce et de protection des élevages dans les départements de présence historique du loup », estime-t-on au ministère de la Transition écologique.
« Lâcher du lest »
Dans cet exercice d'équilibriste qui consiste à assurer la conservation de l'espèce, strictement protégée au titre de la Convention de Berne et de la directive Habitats, tout en préservant le pastoralisme menacé par la prédation, le Gouvernement se dit toutefois prêt à évoluer. « Notre boussole, c'est la science. À partir de là, il n'y a pas de tabou. Mais s'il devait y avoir un changement de statut de protection, cela ne signifie pas que l'espèce ne serait plus menacée », explique-t-on curieusement au ministère de la Transition écologique. Le gouvernement français semble donc prêt à soutenir l'initiative d'Ursula von der Leyen, tout en rappelant, dans le même temps, que la viabilité génétique de l'espèce ne doit pas être menacée.
C'est aussi cette expansion géographique qui est avancée par les pouvoirs publics pour justfier la mise en place d'un nouveau mode de comptage des loups, qu'ils veulent plus adapté et plus consensuel. « Il faut éviter la confusion qui crée de la défiance », explique-t-on au ministère de la Transition écologique. L'Office français pour la biodiversité (OFB) est chargé de proposer ce nouveau mode de calcul au groupe national Loup d'ici un an.
Les associations claquent la porte
L'ensemble de ces annonces qui vont dans le sens d'un assouplissement de la protection du loup, suscite le courroux des six associations de protection de la nature (APN) représentées au groupe national Loup, qui ont claqué la porte de la réunion. « Le Gouvernement fait (...) le choix délibéré d'utiliser les dérogations juridiquement prévues dans le statut de protection pour organiser, sans l'assumer, une régulation cynégétique du loup en simplifiant les procédures d'abattage, empêchant le rétablissement d'une population viable de l'espèce sur son aire naturelle de répartition », dénoncent les associations dans un communiqué commun. « Il est intolérable d'appuyer le déclassement d'une espèce protégée dans un plan national d'actions dédié à... une espèce protégée ! », fulmine sur X (ex-Twitter) l'association Ferus.
« Après pourtant de nombreux mois de travail dans une logique constructive, toutes les propositions émanant des APN au sein des groupes de travail ont été balayées d'un revers de la main par le Gouvernement, mis à part un effort bienvenu sur l'expérimentation et la recherche », s'indigne également l'Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas), qui dénonce le lobbying des organisations professionnelles agricoles.
Mais ces dernières ne sont pas pour autant satisfaites. Dans un communiqué commun, sept organisations, dont la FNSEA et Chambres d'agriculture France, estiment que la copie doit être « retravaillée de fond en comble ». Globalement, estiment-elles, celle-ci « ne fait que prolonger les modalités de gestion applicables depuis 2004 ». Des modalités qui « conduisent à la fin du pastoralisme et attentent à la santé des éleveurs et de leur famille ». Et d'expliquer : « L'abandon d'espaces, où le pâturage devient impossible en raison des attaques incessantes des loups, va à l'encontre du maintien de la biodiversité et des évolutions indispensables à engager pour s'adapter aux effets du changement climatique, et notamment prévenir les incendies. »
Le son de cloche est quasiment le même du côté de la Confédération paysanne, malgré sa différence de vision de l'agriculture. « Le plan Loup 2024-2029 acte le manque d'ambition pour la protection de l'élevage plein air face à la prédation, dénonce le syndicat paysan. Nous déplorons son extrême faiblesse qui ne manquera pas d'être vécue comme un nouvel affront par les éleveur·euses.(…). Les loups vont coloniser l'ensemble des départements dans les années à venir et les moyens financiers pour protéger l'élevage plein air ne seront pas à la hauteur. »
Reste maintenant à voir ce qu'il va ressortir des consultations des différentes instances compétentes et du public sur ce projet de plan, et ce que le Gouvernement en retiendra ou non. L'entrée en vigueur de cette feuille de route pluriannuelle est prévue le 1er janvier prochain.