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Lutte contre la pollution des nitrates : une politique publique dans l'impasse ?

L'Autorité environnementale considère que la politique publique de lutte contre les nitrates d'origine agricole est dans une situation sans issue. Dans une note délibérée, elle formule une nouvelle fois des recommandations pour améliorer la situation.

Eau  |    |  D. Laperche
Lutte contre la pollution des nitrates : une politique publique dans l'impasse ?

Le 1er janvier 2024 était la date butoir pour la mise en œuvre des mesures de la septième génération des douze programmes d'action régional (PAR) nitrates comme du plan national (PAN). Si certaines auront un peu de retard, en lien notamment avec l'approbation tardive du 7e PAN, la question de l'ambition de ces documents se pose toujours. C'est en tout cas l'avis de l'Autorité environnementale (AE).

Face au manque d'intégration des recommandations qu'elle a formulées tant dans les PAR que dans le PAN, elle a décidé d'adopter une note délibérée (1) en novembre dernier afin de pointer « l'impasse dans laquelle se trouve cette politique publique ». Les conclusions de cette note s'appliquent au PAN, mais également aux PAR des régions Bretagne, Centre-Val-de-Loire, Grand Est, Hauts-de-France, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et Provence-Alpes-Côte d'Azur. « À l'instar du 7e PAN et des précédents PAR, il est peu probable que les 7es PAR permettent aux régions de progresser, estime-t-elle. De même, leur contribution à l'atteinte des objectifs de la DCE [directive-cadre sur l'eau] comme de la DCSMM [directive-cadre Stratégie pour le milieu marin] est compromise. »

À l'origine de ces démarches : la directive Nitrates de 1991, dont l'objectif était de maîtriser la pollution par les nitrates d'origine agricole. « La pollution des eaux par les nitrates est liée en grande partie à l'excès de fertilisants azotés de synthèse utilisés par l'agriculture ainsi qu'à l'épandage des effluents des élevages directement ou sous forme de digestats de méthanisation », a pointé l'AE. En France, le texte européen s'est traduit par la définition de territoires très touchés par cette pollution, les zones vulnérables, sur lesquelles des programmes d'actions nitrates doivent être appliqués.

Un bilan globalement stable

“ Les évaluations environnementales [du PAN et des PAR] examinées sont rarement satisfaisantes et n'atteignent aucun des objectifs d'une telle démarche ” Autorité environnementale
Le bilan (2) de la mise en œuvre de la directive Nitrates, sur la période 2016 à 2019 (réalisé par le ministère de la Transition écologique et l'Office français de la biodiversité pour un rapportage européen) montre une situation stable par rapport à la précédente campagne. Ainsi, 13 % des stations du réseau de surveillance des eaux souterraines présentent une concentration moyenne annuelle en nitrates supérieure à 50 mg/l et près de la moitié inférieure à 25 mg/l. Le nord et l'est de la France présentent une tendance à la hausse et, à l'inverse, l'ouest (la Bretagne), une amélioration.

Côté eaux superficielles, 1,4 % des stations montre une concentration annuelle moyenne supérieure à 50 mg/l et 81 % inférieure à 25 mg/l. Avec des progrès à noter en Bretagne, Vendée, sud-ouest de la France et des reculs dans le Bassin parisien, l'est de la France et le nord du bassin rhodanien.

Dans sa note délibérée, l'AE rappelle, en premier lieu, qu'une évaluation environnementale est effectuée pour le PAN et chacun des PAR de la 7e génération. « Celles qui ont été examinées par l'Ae sont rarement satisfaisantes et n'atteignent aucun des objectifs d'une telle démarche », regrette l'autorité. Autre constat : l'absence de prise en compte conjointe des PAN et des PAR par les évolutions environnementales. « L'exercice n'a pas consisté à compléter des mesures nationales par des mesures régionales adaptées aux territoires, pour que l'ensemble des mesures atteigne un objectif, mais à prendre acte des résultats d'une négociation entre les parties prenantes et l'État et de compromis dans desquels la prise en compte de l'environnement est secondaire », constate l'AE.

L'Autorité déplore également le manque d'outils de suivi pour véritablement évaluer les avancées permises par les mesures élaborées pour chaque version des plans.

Elle considère par ailleurs que l'absence de remise en cause de l'efficacité des mesures antérieures ne conduit pas les PAR à trouver des solutions. De la même manière, elle regrette que les 7e PAN et PAR ne se soient toujours pas dotés de modélisation pour caractériser la relation entre les excès sur les parcelles agricoles et les concentrations résultantes dans les milieux. « Cette situation est difficile à comprendre, a fortiori en 2023, alors que de nombreux chercheurs ont développé des modèles, que l'État dispose d'un institut de recherche finalisé sur l'agriculture et l'environnement, sous tutelle notamment du ministère de l'Agriculture, qui a beaucoup traité cette question et que des observations approfondies sur une dizaine de bassins versants et 19 stations marines ont été menées depuis plusieurs décennies », s'étonne l'AE.

Intégrer une stratégie de réduction de l'empreinte environnementale de l'agriculture

L'autorité appelle à s'intéresser à tout le territoire, et pas seulement aux zones vulnérables. « Les cours aval de la plupart des grands cours d'eau français sont eutrophes ou potentiellement eutrophes (Adour, Garonne, Charente, Loire, Moselle, cours d'eau alsaciens), alors que leurs bassins versants n'étaient pas classés en totalité en 2018 », constate l'AE. Aujourd'hui, les zones vulnérables couvrent 53 % du territoire métropolitain, pour environ 19 millions d'hectares et 68 % de la superficie agricole utile (SAU).

Elle estime que l'inscription de la baisse de la contamination par les nitrates dans une stratégie de réduction de l'empreinte environnementale de l'agriculture française est nécessaire. « Les liens de cette 7e génération de programmes avec les programmes en faveur de la transition agroécologique ne sont pas présentés, ce qui ne permet pas de démontrer leur inscription dans une stratégie d'ensemble d'amélioration des performances environnementales de l'agriculture », indique l'AE. Toutefois, elle considère que sans révision du projet stratégique national (PSN) de la politique agricole commune (PAC), l'ensemble des programmes visant à réduire l'empreinte environnementale de l'agriculture sont voués à l'échec.

1. Télécharger la note délibérée de l'AE
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-43266-note-deliberee-autorite-environnementale-nitrates-agricole-par-pan.pdf
2. Consulter le bilan des actions liés à la Directive nitrate pour la période 2016-2019
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-43266-bilan-directive-nitrate-2016-2019.pdf

Réactions3 réactions à cet article

"[...] l'ensemble des programmes visant à réduire l'empreinte environnementale de l'agriculture sont voués à l'échec" : ce n'est jamais ce que disent depuis 2 ou 3 décennies les représentants des associations qui siègent dans les comités nitrates, les comités de bassin des agences de l'eau et autres comités fertipipeau !
Tant que les autres membres de ces comités courberont l'échine devant l'agressivité des représentants des intérêts agro-industriels et financiers, rien ne bougera !

Pégase | 12 janvier 2024 à 21h26 Signaler un contenu inapproprié

Il d'abord garder en tête la difficulté du sujet qui vise un résultat collectif qu'on ne peut pas répartir en objectif individuel, compte tenu de la diversités des systèmes d'exploitation, de l'inertie (variable) des milieux et du fonctionnement divers des écosystèmes (la comparaison des bassin du Yar et du Quillimadec, tous les deux situés en Bretagne nord est révélatrice). D'où une réglementation complexe basée essentiellement sur des obligations de moyens, sans garantie de résultat. La modélisation permet de comprendre ses difficultés, guide pour les atténuer, mais les suppriment pas.

Vi2b | 15 janvier 2024 à 15h30 Signaler un contenu inapproprié

Même si les nitrates ne présentent pas de toxicité aigüe , leur dégradation au cours de la digestion peut former dans certains cas des nitrites, eux mêmes toxiques car possiblement transformés en nitrosamines hautement cancérogènes :

"La Bretagne recense un nombre plus élevé de cancers de l'estomac et ceci pourrait être favorisé par la consommation prolongée d'eaux riches en nitrates..."

Source:

https://eduterre.ens-lyon.fr/thematiques/hydro/eausante/nit-sante/impacts-humains#devenir

Sans parler de la pollution due à la prolifération des algues vertes. De plus le fait que l'on retrouve ces nitrates en fortes concentration dans les nappes prouve que les agriculteurs ne font pas dans la dentelle !Ils n'ont jamais contrôlé la concentration de leurs épandages , ce qui est proprement ahurissant. En ce sens la photo d'illustration est parlante. Certainement que des concentrations faibles, et étudiées, suffiraient à leurs cultures : à quand une méthode d'évaluation ?

gaïa94 | 16 janvier 2024 à 19h24 Signaler un contenu inapproprié

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