"Un sentiment mitigé prévaut après trois ans de mise en œuvre de la stratégie nationale de la biodiversité (SNB) 2011-2020 puisque son objectif principal, qui était d'impliquer tous les champs de l'économie et de la société, n'est clairement pas atteint", souligne le Conseil général à l'environnement et au développement durable (CGEDD). Chargé par le ministère de l'Ecologie de réaliser une évaluation à mi-parcours, le CGEDD pointe du doigt un désengagement de l'Etat, des difficultés à mobiliser les acteurs et un manque de notoriété, lié en partie à un faible portage politique.
Pour donner un nouveau souffle à cette stratégie, les rapporteurs recommandent de ranimer et consolider le dispositif initial, en le complétant par une meilleure reconnaissance des actions exemplaires, un centre de ressources diffusant référentiels, méthodologies, expériences et bonnes pratiques, une mobilisation régionale et une stratégie de communication déclinée dans un plan pluriannuel.
"La mise en œuvre de la SNB gagnerait à l'adoption d'une approche fédérale articulant dispositif national de mobilisation des acteurs et dispositifs régionaux couplés aux SRB [stratégies régionales de biodiversité]". La future Agence française de la biodiversité (AFB) pourrait ainsi animer la mise en œuvre de la SNB et, au travers de ses antennes régionales, "proposer aux Régions un rôle éminent (…), correspondant à leur responsabilité de cheffe-de-file en matière de préservation de la biodiversité".
Par ailleurs, le CGEDD a confié à la direction de l'eau et de la biodiversité, un bilan des deux appels à projets lancés en 2011 et 2012 et non reconduits depuis. L'objectif est "d'aboutir à un véritable bilan, fondé sur des éléments exhaustifs, permettant d'évaluer l'apport réel des appels à projets SNB, afin de mettre l'AFB en situation de pouvoir proposer de nouveaux mécanismes incitatifs susceptibles d'en prendre le relais".
Définir des thématiques prioritaires et des objectifs mesurables
Mais auparavant, il faut remobiliser les troupes autour des enjeux de la biodiversité. Le CGEDD pointe du doigt le caractère consensuel de la SNB. S'il a permis, dans un premier temps, à un grand nombre d'acteurs de se reconnaître dans cette stratégie, ses objectifs ont un caractère trop général pour réellement enclencher des actions… A l'inverse, son équivalent anglais, "Biodiversity 2020", s'appuie sur des objectifs chiffrés, qui appellent à des résultats concrets : accroissement de 200.000 hectares d'habitats prioritaires ou restauration de 15% d'écosystèmes dégradés.
Un modèle vers lequel il faudrait tendre en France, estime le CGEDD. D'autant que, lors d'une conférence sur l'AFB, à Strasbourg en mai dernier, les acteurs ont demandé une trajectoire plus opérationnelle pour la biodiversité. Pour cela, les objectifs de la SNB devront être précisés, avec des résultats mesurables, assortis d'indicateurs chiffrés, dans lesquels les acteurs pourraient inscrire leur projet.
Des priorités annuelles ou pluriannuelles pourraient également être fixées : "La mission a ainsi relevé que le thème du ralentissement de l'artificialisation pouvait constituer une cible susceptible de rassembler nombre d'acteurs, la préservation du foncier, socle de la biodiversité, pouvant être en effet considérée comme une action prioritaire".
L'Etat doit également réaffirmer son exemplarité en matière de biodiversité et donner plus de lisibilité à ses engagements. "Il suffirait que l'administration établisse une synthèse récapitulant les engagements biodiversité des stratégies ministérielles et, annuellement, une synthèse des volets biodiversité de leurs plans d'actions, et les présente au comité national de suivi de la SNB, puis au futur Comité national de la biodiversité, voire au Conseil national de la transition écologique (CNTE)".
Encourager les acteurs à s'engager
La mission préconise ensuite de conserver le dispositif de mobilisation des acteurs, mais en le renforçant. Les acteurs étaient jusque-là invités à adhérer, dans un premier temps, à la SNB, et à s'engager, dans les deux ans qui suivent, avec un programme d'action. Mais ce dispositif "s'essouffle avant même d'avoir réellement pris son envol", note le CGEDD. Les adhésions à la SNB peinent à être transformées en engagements : il y a eu 430 adhésions depuis 2011 et seulement 74 engagements…
De plus, la reconnaissance SNB qui est sensée valoriser ces engagements est peu incitativeaujourd'hui. "Les acteurs ne perçoivent pas bien quels avantages, concrets ou symboliques, ils retirent de leur engagement, ce qui ne les motive guère à renouveler leur engagement et à faire œuvre de prosélytisme". Pour y remédier, les actions exemplaires devraient être mises en avant, estime le CGEDD.
Pour qu'il y ait plus d'engagements, les porteurs de projets devraient être davantage accompagnés dans l'élaboration de leur programme d'action. Les critères et procédures d'évaluation des dispositifs de reconnaissance SNB devraient également être mieux articlés avec les dispositifs de reconnaissance "Agenda 21 local France" et Stratégie nationale de transition écologique vers un développement durable (SNTEDD), "en vue d'une attribution automatique de la reconnaissance SNB à tout ou partie des dossiers reconnus « Agenda 21 » ou SNTEDD".
Les régions et les réseaux associatifs et professionnels devraient être reconnus "partenaires de la SNB" et "prendre une part active dans le déploiement du dispositif national de mobilisation des acteurs, en vue de susciter adhésions et engagements".