C'est dans ce contexte que le 9 octobre dernier, quatre ministres du Gouvernement concernés par le sujet ont été auditionnés au Sénat, à savoir Roselyne Bachelot-Narquin (santé, jeunesse et sports), Michel Barnier (agriculture et pêche), Nathalie Kosciusko-Morizet (écologie) et Christian Estrosi (Outre-mer) par la Commission des affaires économiques, pour « mesurer l'ampleur du problème et la réalité des risques sanitaires encourus » et s'expliquer sur les conséquences de l'utilisation du chlordécone notamment aux Antilles. Concernant les nombreux gouvernements, de droite comme de gauche, qui se sont succédés, le dossier apparaît complexe et l'audition non moins délicate…
Pour répondre aux questions qui sont soulevées dans le rapport du professeur Belpomme, Roselyne Bachelot s'est prononcée en faveur de la poursuite et de l'intensification des investigations en la matière conformément aux exigences de la rigueur scientifique. Faisant le point sur l'état sanitaire de la population des Antilles Françaises, la ministre a précisé qu'en ce qui concerne les taux de cancers, la situation était extrêmement hétérogène : si effectivement le taux de cancer de la prostate est sensiblement plus élevé qu'en métropole, le rapport est inverse pour d'autres cancers. Au total la mortalité globale par cancer parmi la population Antillaise serait selon elle significativement plus faible qu'en métropole. À ce stade, les experts, a souligné Roselyne Bachelot devant les sénateurs, n'ont pas établi de corrélation entre la pollution au chlordécone et une surmortalité par cancer. Concernant la fertilité aux Antilles, les deux études de l'INSERM de 2003 à 2006 n'ont pas mis en évidence l'impact du pesticide, a-t-elle ajouté. Elle a souhaité néanmoins le renforcement des registres des cancers et des malformations congénitales pour les deux départements et a demandé que l'exposition des populations soit réduite en demandant une nouvelle proposition de seuil pour le Chlordécone : des discussions sont en cours pour des propositions de seuil de 20 microgrammes/Kg [d'aliment] au sein du comité des experts communautaires, a précisé la ministre tout en ajoutant son souhait d'une transparence totale dans cette affaire. Pour ce faire, un comité d'experts associant des médecins locaux sera entendu dans chaque département et un effort d'information sera entrepris auprès de la population pour ceux qui consomment leur propre jardin.
De son côté, Nathalie Kosciusko-Morizet a tenu à rappeler que les travaux du Grenelle (groupe 2,3 et 4) avait considéré qu'il était urgent de s'engager énergiquement sur la voie de la réduction de l'usage des pesticides qui comportent des risques directs et indirects pour l'homme et les écosystèmes. La France tient le 3e rang mondial en terme de consommation de pesticides et l'agriculture utilise 90 % des tonnages commercialisés en France, a-t-elle rappelé.
De ce fait, et outre la nécessité de poursuivre l'évaluation d'impact sanitaire, Nathalie Kosciusko-Morizet a indiqué qu'il était important d'anticiper d'éventuels problèmes liés à d'autres substances et de ne pas se focaliser ''que'' sur le chlordécone en établissant la liste des substances les plus utilisées aux Antilles. L'AFSSET a été saisie pour ce faire, a précisé la secrétaire d'état. L'AFSSA a également été saisie pour établir la synthèse de toutes les données disponibles sur les risques liés à la présence du Paraquat dans l'environnement.
Le secrétaire d'État propose en outre de décliner le plan d'action de réduction des risques liés aux pesticides, qui a été publié en 2006, au contexte Antillais en accordant la priorité à la protection et la formation des salariés et à la réduction des risques liés aux traitements aériens. NKM souhaite enfin mettre à jour les cartographies des sols contaminés, mieux informer les jardiniers familiaux (lancement d'une étude JAFA) et trouver des solutions pour les terres polluées avec la nécessité de reconvertir les terres contaminées vers des systèmes de production économes en pesticide (culture non alimentaire ou à vocation énergétique et du développement de la biomasse).
Elle rejoint sur ce point Michel Barnier qui a qualifié la situation aux Antilles de grave. Cette affaire doit nous servir de leçon pour d'autres modes de production d'agriculture durable, a précisé le ministre de l'agriculture et de la pêche qui a estimé à 6.500 hectares les terres contaminées en Guadeloupe et près de 12.000 hectares en Martinique.
Le secrétaire d'État à l'Outre-mer, Christian Estrosi qui s'est engagé devant les sénateurs à la transparence sur cette affaire a annoncé le quadruplement des contrôles effectués sur les aliments vendus sur les marchés et a souhaité que d'autres épidémiologistes qui travaillent depuis longtemps sur ce sujet soient autant entendus que le professeur Belpomme.