Très attendu, le premier plan national de gestion des eaux pluviales a été présenté, mardi 16 novembre, par Bérangère Abba, secrétaire d'État chargée de la Biodiversité, à l'occasion d'un événement sur l'avenir de l'eau organisé par l'agence de l'eau Artois-Picardie, à Lille.
Les propositions de document s'appuient notamment sur des travaux du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) attendus initialement pour 2016. Finalement publié en 2018, le rapport qui en a découlé appelait à l'élaboration d'un plan d'action partenarial sur dix ans.
« Le plan national de gestion des eaux pluviales a mis du temps à aboutir, mais c'est intéressant. Il porte un effort de transversalité : il sera mis en œuvre à la fois par le ministère de la Transition écologique et celui de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales », souligne Elodie Brelot, directrice du Graie. Prévu pour la période 2022-2024, le plan se décline en quatre axes et 24 actions. « Ce plan est une continuité des politiques en cours, avec l'ambition de les massifier pour accélérer le déploiement actuel », note également Jean-Jacques Hérin, président de l'association Adopta.
Une date limite fixée à 2026 pour le zonage pluvial
Un premier axe vise une meilleure intégration de la gestion des eaux pluviales dans les politiques d'aménagement du territoire. Parmi les pistes pour l'améliorer : la création d'un centre de ressource « eau dans la ville », piloté par le Cerema. Celui-ci permettra de faciliter le transfert des connaissances et le partage d'expérience entre les acteurs. « Ce sera un démonstrateur de réalisations territoriales : les projets de gestion des eaux pluviales intégrée et durable seront recensés, ceux qui ne sont pas encore familiarisés avec cette approche pourront se rendre compte sur le terrain à quoi cela ressemble, et que c'est possible et à côté de chez eux », souligne Jean-Jacques Hérin.
Le plan compte également faciliter l'accès aux aides financières pour les projets en lien avec la gestion des eaux pluviales des collectivités, par exemple en mobilisant davantage le fonds européen de développement régional (Feder). Le plan prévoit également de faire adopter avant 2026 un zonage pluvial dans chaque commune ou groupement de communes compétent pour la gestion des eaux pluviales urbaines. Ces derniers restent peu nombreux. « Le zonage pluvial est une obligation réglementaire depuis la loi sur l'eau de 1992, mais sans sanction », pointe Jean-Jacques Hérin. Des réflexions dans le cadre d'un groupe de travail seront également engagées pour favoriser la réutilisation de ces eaux.
Mieux accompagner et former les acteurs
Un second axe du plan souhaite mieux faire connaître les eaux pluviales et les services qu'elles rendent. Il mise pour cela sur l'accompagnement des acteurs opérationnels (collectivités et aménageurs) et la consolidation de la formation initiale, mais également continue, sur la gestion intégrée des eaux pluviales. Le plan vise également un appui à la mise en place du réseau national d'animateurs « eaux pluviales », amorcé en 2019. Il compte enfin coordonner les appels à projets lancés par l'ensemble des parties prenantes sur cette question et donner plus de visibilité aux volumes financiers mobilisables.
Une révision de la nomenclature sur les rejets d'eaux pluviales dans le milieu naturel
Un troisième axe s'intéresse à l'exercice de police de l'eau du maire pour améliorer la gestion des réseaux par temps de pluie. Il prévoit de réviser la rubrique 2.1.5.0 de la nomenclature IOTA, qui concerne les rejets d'eaux pluviales dans le milieu naturel. Pour clarifier les lignes à suivre, un arrêté ministériel de prescriptions générales sera publié. « Sa sortie sera accompagnée de formations à destination des services instructeurs », précisent les ministères.
Devant certaines difficultés constatées dans l'exercice de la compétence gestion des eaux pluviales urbaines (GEPU) par les collectivités, le plan prévoit de publier des clarifications, courant 2021. « Dans cette optique, un travail sur l'articulation entre les compétences GEPU, Gemapi et assainissement est prévu au cours de la période 2022-2024 », indiquent également les ministères. Enfin, une expérimentation sera lancée avec des collectivités volontaires pour tester l'instruction et la délivrance des autorisations de rejets d'eaux pluviales sur leur territoire de compétences. La condition ? Disposer d'un schéma directeur de gestion des eaux pluviales approuvé. « Le pouvoir de police en la matière ne serait plus exercé par les services de l'État, mais par la collectivité. C'est une prise de responsabilité supplémentaire pour les collectivités, mais c'est aussi une simplification des procédures : un dossier d'autorisation loi sur l'eau peut demander un an de délai supplémentaire avant de donner le premier coup de pelle, c'est très long », explique Jean-Jacques Hérin. Le plan revient également sur le besoin d'améliorer les connaissances sur le patrimoine et les dépenses associées au service public de gestion des eaux pluviales urbaines. Les collectivités seront incitées à différencier les dépenses liées à la gestion des eaux usées de celles des eaux pluviales urbaines.
Améliorer les connaissances scientifiques
Son 4e axe cible un approfondissement des connaissances scientifiques, notamment sur les rejets en temps de pluie issus des réseaux d'assainissement. « C'est une obligation réglementaire, mais certaines collectivités n'ont pas encore mis en place l'autosurveillance », pointe Jean-Jacques Hérin. Concernant les réseaux séparatifs les plus importants, le plan souhaite que soient recensés les déversements d'eaux pluviales dans les eaux littorales et mieux les caractériser. Il vise également un développement des connaissances sur la contamination des milieux récepteurs par des polluants, véhiculées par les réseaux d'eaux pluviales.
Le plan compte également travailler à des stratégies de gestion des sédiments accumulés dans les ouvrages de gestion des eaux pluviales. Il prévoit également la création d'un démonstrateur des techniques de gestion intégrée des eaux pluviales en Île-de-France.
Enfin, les résultats de recherche au sein des trois observatoires en hydrologie urbaine (Othu, Onevu et Opur) seront transférés et valorisés.
« Le plan est ambitieux – beaucoup d'initiatives sont prévues - tout en étant réaliste car il s'appuie sur des actions déjà engagées, note Élodie Brelot, directrice du Graie. Mais nous sommes dans un domaine où il y a un changement de pratiques : pour ne pas se retrouver seuls, il faut engager les choses en douceur. »