Le ministre de l'Économie et des finances, Bruno Le Maire, a décrété « l'état d'urgence pour sauver notre industrie aéronautique », et a annoncé, ce mardi 9 juin, un plan de soutien massif à la filière qui représente « un effort total de 15 milliards d'euros de la Nation ». Il vise à éviter les suppressions d'emplois dans l'attente d'un retour à la normale, et ambitionne de faire des acteurs du secteur, des pionniers du transport aérien zéro carbone.
Retour à la normale dans 2 ou 3 ans
Les annonces étaient particulièrement attendues par toute la filière, qui représente 58 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel, et pèse 200 000 emplois directs et 100 000 emplois indirects. Très largement touché par la pandémie, « le secteur aéronautique n'avait pas connu de telle crise depuis trente ans. Le plan de soutien est proportionné à sa brutalité et à son impact terrible sur le trafic aérien, justifie Bruno Le Maire, avec une reprise qui sera, au mieux, progressive, et plus probablement très lente ». Le retour du trafic aérien à ses niveaux de décembre 2019, objectif affiché, n'est pas attendu avant deux ou trois ans.
« Sauver les emplois, transformer les entreprises »
« Si nous n'apportons aucune aide publique immédiate, plus de 100 000 emplois du secteur aéronautique seraient menacés dans les six mois » selon le ministre. Le premier objectif de ce plan est donc de « sauver ces emplois », sans départ contraint. Le secteur pourra notamment continuer de bénéficier des aides au chômage partiel qui sont en train d'être discutées avec les partenaires sociaux.
Pour éviter les annulations et les reports de commandes d'avions, le Gouvernement accorde aux compagnies aériennes un moratoire sur le remboursement de leur crédit à l'exportation. « Toutes les compagnies aériennes pourront reporter ces remboursements de douze mois, soit un gain en trésorerie de 1,5 milliard d'euros », précise le ministre. L'État va également demander un assouplissement des modalités de remboursement de tous les nouveaux achats d'avion Airbus.
Le Gouvernement souhaite également « accélérer la transformation des PME et des ETI du secteur », en modernisant les chaînes de productions et en les rendant plus compétitives. Un fonds d'un milliard d'euro va être créé, financé par l'État et par quatre géants du secteur : Airbus, Safran, Thalès et Dassault.
Devenir leader de l'aviation zéro carbone
Des engagements du secteur sont attendus en contrepartie de ce plan de 15 milliards d'euros. « Le fil rouge de la relance sera la décarbonation de l'industrie », précise Bruno Le Maire. Dans ce plan de soutien, 1,5 milliard d'euros seront consacrés, sur trois ans, à la recherche et au développement par l'intermédiaire du Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC). Trois cents millions d'euros seront alloués dès 2020. Objectif : parvenir à un avion neutre en carbone en 2035, au lieu de 2050, « grâce aux moteurs à très haut taux de dilution, et à l'hydrogène ». « La France doit devenir un leader mondial de l'aviation zéro carbone, a précisé Élisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire. Nous devons fixer les nouveaux standards écologiques de l'aviation mondiale pour les années à venir ». Le plan de soutien vise également à proposer, d'ici 2030, un successeur à l'A320 qui consomme 30 % de moins que les appareils actuels, et 100 % de biocarburants. Sont attendus également de nouveaux appareils régionaux « ultrasobre et hybride électrique » ou « ultrasobre et alimenté à l'hydrogène » en service en 2030, et un successeur à l'Écureuil, hélicoptère d'Airbus, lui aussi plus sobre énergétiquement.
Des contreparties pour Air France
Un plan de soutien et des contreparties qui peinent à convaincre Greenpeace France. « Le Gouvernement continue à se voiler la face sur l'essentiel : réduire le trafic aérien est indispensable pour vraiment baisser les émissions de gaz à effet de serre du secteur et lancer une véritable transition écologique, explique l'ONG dans un communiqué. Or Bruno Le Maire a bien indiqué l'objectif de retrouver le niveau de trafic de décembre 2019 et de renouer avec la croissance de ce trafic, en contradiction totale avec la crise climatique ». L'ONG déplore des contreparties environnementales « floues, peu ambitieuses, voire carrément problématiques », et des milliards d'euros d'aides annoncés pour les secteurs aéronautique et automobile, mais « toujours zéro pour la relance du ferroviaire ».