Ce jeudi 12 septembre, le ministère de la Transition écologique publie le pré-rapport (1) de Jacques Vernier, président du comité de pilotage lancé en juin pour définir les conditions de mise en œuvre de la consigne sur les emballages. Ce document "s'est donné pour but d'éclairer le débat à partir de données objectives sur les impacts de la mise en œuvre d'un dispositif de consigne". Il est rendu public alors que le Sénat débutera la semaine prochaine l'étude du projet de loi économie circulaire qui prévoit la création d'un dispositif de consigne en vue du recyclage.
Ce pré-rapport ne clôt pas la polémique sur les différents moyens d'atteindre en 2029 l'objectif de collecte de 90 % des bouteilles plastique fixé par la nouvelle directive européenne sur les plastiques à usage unique. Toutefois, il privilégie un dispositif de consigne assorti de sanctions pour non atteinte de l'objectif de collecte. La responsabilisation des producteurs de bouteilles plastique apparaît plus simple et efficace.
Responsabiliser et sanctionner les producteurs
Comment la France peut-elle atteindre l'objectif de collecte de 90 % des bouteilles plastique en 2029 ? Le pré-rapport ne tranche pas sur la bataille de chiffres entre les partisans et opposants de la consigne. Le document explique qu'en 2022, après l'extension des consignes de tri à tous les emballages, le taux de collecte des bouteilles devrait être d'"un peu plus de 64 %". Un ordre de grandeur sur lequel s'accordent toutes les parties prenantes. Pour combler l'écart avec l'objectif européen, le taux de croissance de la collecte devra être de 3 % par an entre 2023 et 2029. Le Cercle national du recyclage (CNR) estime qu'il est possible d'y parvenir en s'appuyant sur les mesures existantes. A l'opposé, Citeo estime que l'accélération du déploiement de ces mesures (2) n'aboutira qu'à un taux de recyclage de 77-78 %.
"Il me paraît absolument impossible d'arbitrer entre ceux qui affirment qu'avec [des] leviers ambitieux on y arrivera et ceux qui disent qu'on sera à presque 10 points de l'objectif", explique Jacques Vernier. Par contre "une chose (…) est sûre", explique-t-il, contrairement à la consigne, l'atteinte de l'objectif basée sur l'accélération des leviers existants "repose sur la coopération de multiples [Jacques Vernier insiste sur le terme, ndlr]acteurs : les collectivités (3) et une multitude de lieux publics ou privés (4) ". Cet argument est décisif car il oppose "une responsabilité partagée voire diluée" à un dispositif de consigne qui ne ferait porter la responsabilité que sur les producteurs de bouteilles plastique.
En clair, la consigne responsabiliserait les producteurs et "permettrait d'assortir la non-atteinte de l'objectif d'une sanction financière". Outre l'enjeu en termes d'atteinte de l'objectif de collecte, la sanction permettrait aussi d'éviter un effet pervers du système lié aux bouteilles non retournées. Les 10 % de bouteilles non déconsignées permettent à l'organisme en charge de la consigne de conserver 249 millions d'euros. Plus le taux de retour baisse, plus ce montant progresse et vient alléger la part du dispositif financée par les metteurs au marché (évaluée à 143 millions d'euros (5) ). "On pourrait imaginer que la non-atteinte de l'objectif soit sanctionnée, afin que l'[organisme] de gestion de la consigne ait intérêt à atteindre le taux de retour objectif, voire à le dépasser ou qu'en tout cas il n'ait aucun intérêt à ne pas l'atteindre", défend Jacques Vernier.
15 centimes et 27.000 automates de collecte
Quel pourrait être le futur dispositif ? Le montant de la consigne est "un facteur clé" du dispositif, rappelle le pré-rapport qui juge que "le montant de 15 centimes envisagé par le « collectif boissons » semble bien ajusté". Il explique qu'un montant inférieur à 10 centimes n'aboutirait qu'à de faibles retours, d'où le niveau de 15 centimes. Celui-ci répond aussi (et surtout ?) à un enjeu commercial : avec ce niveau se pose déjà la question de l'"impact psychologique sur le consommateur", explique le pré-rapport qui évoque les craintes de "certains producteurs d'eau, dont le prix affiché [Jacques Vernier insiste sur le terme, ndlr] à l'achat de la bouteille doublerait presque avec un tel niveau de consigne".
S'agissant du champ d'application, le pré-rapport estime que les bouteilles en PET (85 %) devraient être concernées. Par ailleurs, "l'extension aux 1,7 milliard de bouteilles (15 %) de lait en PET opaque ou en PEHD se posera inévitablement car la directive européenne s'applique à toutes [Jacques Vernier insiste sur le terme, ndlr] les bouteilles en plastique". En outre, l'extension aux canettes en acier ou en aluminium (recyclées à seulement 30 %) "a été immédiatement envisagée par les industriels". Font encore débat le verre et les briques en carton. Le taux de collecte du verre "est surestimé" (il serait de 80 %, plutôt que de 86 %), mais "à l'heure actuelle peu d'observateurs préconisent en France l'inclusion du verre dans le système de consigne pour recyclage". Les briques en carton sont elles aussi peu recyclées (56 % du gisement), mais les metteurs sur le marché sont partagés sur la consigne.
Reste le maillage du territoire, autre "facteur capital de réussite". Les pays européens pratiquant la consigne ont une densité des points de reprise comprise entre 0,7 et 3 pour mille habitants. "En France, l'étude du collectif boisson propose de mettre en œuvre 27.000 machines de déconsignation et au total 110.000 points de reprise, soit environ 1,7 par 1.000 habitants". Faut-il rendre obligatoire la reprise dans tous les points de vente des produits consignés ? Le pré-rapport ne tranche pas entre la contrainte pour les petits commerces (qui pourraient être compensée financièrement) et le gain de clientèle généré par les personnes venant déconsigner une bouteille.