« Avec le dérèglement climatique, (…) ce qui est l'exception pourrait devenir la norme. Notre responsabilité est d'adapter le pays à cette nouvelle donne, a souligné Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, lors de l'ouverture de la journée nationale de prévention des inondations. La première ligne de défense est les élus locaux (…). Le rôle de l'État est d'apporter les outils pour qu'ils jouent ce rôle ».
A cette occasion, Barbara Pompili est revenue sur les mesures prises lors du Conseil de défense écologique de février dernier pour essayer d'accélérer l'élaboration et la mise en œuvre des programmes d'actions de prévention des inondations (Papi). La direction générale de la prévention des risques (DGPR) a en effet analysé les Papi issus du troisième appel à projets pour voir les points d'amélioration.
Un interlocuteur de l'État unique
L'Administration a ainsi identifié quatre axes qui pourraient contribuer à fluidifier leur élaboration. Tout d'abord, l'accompagnement financier des collectivités va être conforté. Dans ce cadre, le Fonds de Prévention des Risques Naturels Majeurs (FPRNM) dit Fonds Barnier sera doté de 205 millions d'euros par an à partir du 1er janvier 2021. A partir de 2018, ses recettes nettes avaient en effet été plafonnées à 131,5 millions d'euros par an. Or les dépenses de ce dernier s'élevaient à hauteur de 200 millions d'euros. La différence était jusqu'alors prélevée sur la trésorerie du fonds.
Afin de croiser l'ensemble des attentes des services que ce soit au niveau de la prévention des risques, d'aménagement ou de biodiversité, les préfets de département désigneront un interlocuteur unique de l'État, en soutien aux collectivités. « Cette proposition est en train de se mettre en place, a indiqué Laure Tourjanski, cheffe du service risques naturels et hydrauliques, à la direction générale de la prévention des risques du ministère de la Transition écologique. Un mandat sera diffusé dans toute la France ».
Les retours d'expérience montrent que les Papi nécessitent une animation forte. « Les porteurs de projet doivent aller chercher tous les territoires concernés », a pointé Laure Tourjanski. Un soutien pourra être accru dans le cas de Papi comportant des actions non structurelles importantes ou une grande complexité de par le nombre de parties associées. Les critères pour la modulation de cette aide restent toutefois à définir.
Une procédure accélérée d'autorisation lors d'urgence civile
Le ministère prépare également des guides sur la réalisation des évaluations socio-économiques des projets d'ouvrages hydrauliques, sur la prise en compte des espèces protégées dans les systèmes d'endiguement et sur les modalités de mobilisation du fonds de prévention des risques naturels majeurs. Et pour permettre aux collectivités locales de s'appuyer sur les retours d'expériences, une plateforme publique regroupant l'ensemble des Papi labellisés devrait être mise en place d'ici six mois.
Enfin, pour accélérer le déroulement des Papi, la DGPR travaille également sur la réduction des délais de signature des conventions : dématérialisation des signatures, simplification des avenants ou des procédures environnementales. Ainsi une procédure accélérée d'autorisation pour l'implantation de systèmes d'endiguement qui justifie un caractère d'urgence civile va être créée.
Une culture du risque à insuffler
Parmi les points qui restent aujourd'hui un enjeu, figure la mise en œuvre d'une culture du risque et la sensibilisation.
« La culture du risque est très complexe, nous ne pouvons pas miser que sur l'information, a toutefois souligné Magali Reghezza, maître de conférences en géographie à l'École normale supérieure, membre du Haut conseil pour le climat. Qu'est ce qui marche ? Quelle est la conscience du risque ? Nous avons besoin de mettre des moyens et d'évaluer les politiques ».
Un accompagnement des élus pourrait également être un levier important. « Une des questions importantes est celle des nouveaux élus qui vont se retrouver confronter à des sujets qui nécessitent une appropriation importante, il faudrait une formation sur le diagnostic de territoire, sinon les Papi n'auront pas la qualité qu'on en attend », a également relevé Marie-France Beaufils, vice-présidente du (Cepri).
Concernant l'information au moment d'une crise, le Gouvernement travaille à la mise en place d'ici 2022 d'un système d'alerte par diffusion cellulaire (cell broadcast) qui pourrait servir dans le cadre de la gestion du risque inondation : les habitants d'une zone géographique reçoivent automatiquement sur leur téléphone mobile un message. Toutefois ce type de dispositif doit également être accompagné pour déclencher des réactions appropriées.
Une baisse de la sinistralité des communes
Si la procédure d'élaboration et de mise en œuvre des Papi est longue et pour certains complexe, la Caisse centrale de réassurance (CCR) a toutefois montré à travers une étude sur la première génération de Papi que ces dispositifs ainsi que le plan de prévention des risques d'inondation (PPRi) contribuent à réduire la sinistralité des communes. « Le PPri sans Papi permet une réduction de la fréquence de sinistres de 23 % en moyenne, a rapporté Georges Farah, responsable statistiques, services & calcul scientifique de la CCR. L'ajout d'un Papi permet de faire baisser la fréquence des sinistres de 51 %, le coût moyen de 28 % et le taux de destruction de 53 % ».