Dans le domaine des pesticides, les objectifs se suivent et les échecs se ressemblent. Le programme de réduction de l'usage de ces produits chimiques en agriculture baptisé Ecophyto enchaîne les désillusions. La promesse du président de la République faite il y a trois ans subit le même sort. Sur Twitter, le 25 novembre 2017, Emmanuel Macron affirmait "avoir demandé au Gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l'utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées et au plus tard dans trois ans". Nous sommes trois ans plus tard, jour pour jour, et le constat est décevant. Le glyphosate n'a pas quitté l'arsenal de lutte des agriculteurs. « Trois ans après, la promesse est enterrée : le glyphosate n'est toujours pas interdit. Il continue de polluer les terres et les rivières, de détruire la biodiversité, d'affecter la santé humaine », réagit le parti Europe-Ecologie Les Verts.
Changement de stratégie
En réponse, le ministre de l'Agriculture, Julien de Normandie, mise sur le plan de relance pour accélérer sans révolutionner : 7 millions d'euros pour accélérer la recherche d'alternatives au glyphosate, 135 millions d'euros destinés à l'achat d'agroéquipements (remplacement de pulvérisateurs, désherbage mécanique, etc.) et un crédit d'impôt pour les exploitations agricoles à haute valeur environnementale (HVE). Selon le ministère, ce coup de pouce devrait permettre d'atteindre une réduction de 50 % de l'usage de glyphosate d'ici la fin du quinquennat.
Du côté du président, on change de stratégie et on se tourne vers l'Europe afin de défendre une action commune pour limiter la distorsion de concurrence. Surtout que tout peut se jouer en décembre 2022, lors de la réautorisation du glyphosate au niveau européen. Mais la position de la France sera-t-elle la même que celle portée il y a cinq ans, lors de la précédente réautorisation ? Le doute s'installe.
Dans les mois qui viennent, le Gouvernement va « porter au niveau européen l'approche actuelle de la France d'une interdiction sauf quand il n'y a pas de solution alternative », explique l'entourage du ministre de l'Agriculture. Une position beaucoup plus nuancée que le non ferme de novembre 2017 et qui pourrait ouvrir la porte à une réautorisation européenne sous conditions selon François Veillerette, directeur de l'association Générations futures : « La France était moteur et conduisait le front du refus. Aujourd'hui, elle abandonne l'objectif d'interdiction au profit d'une réduction. Pour ne pas mettre ses producteurs en position de distorsion de concurrence, preuve que la santé passe après l'économie ». Cette stratégie du « oui sauf si pas d'alternative » est aussi celle qui a conduit l'Anses à ne proposer que des restrictions minimes dans les usages en octobre dernier.
De renoncement en renoncement
Pour l'instant, l'idée d'une proposition de loi a du mal à émerger mais, au regard des lois à venir et notamment celle traduisant les ambitions de la Convention citoyenne pour le climat, cette question pourrait bien revenir dans le débat parlementaire plus vite que prévu, via des amendements, à l'image de ce qui s'était passé pour la loi Egalim. A cette occasion d'ailleurs, l'un des amendements demandant l'interdiction du glyphosate en 2021 avaient été signé par une cinquantaine de députés, dont trois qui sont aujourd'hui au Gouvernement.
De son côté, Générations futures prévoit déjà la riposte et entend attaquer systématiquement les autorisations de mise sur le marché (AMM) que l'Anses attribuera au niveau national. « La science peut nous aider. De nouvelles études prouvent régulièrement les dangers sanitaires du glyphosate. Nous misons sur la science et la justice car le politique nous fait défaut ».