Après la compétence obligatoire de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, les communes pourraient également hériter de celle de la protection de la qualité de la ressource des captages d'eau potable. C'est la proposition d'un rapport interministériel "Pour une meilleure efficacité et une simplification des dispositions relatives à la protection des captages d'eau potable", rendu public fin août.
La mission espère ainsi clarifier les responsabilités de l'Etat et celles des collectivités en la matière. Son constat : 8,5% des points de captages (sur un total de 35.392) dépasseraient l'un ou l'autre des critères nitrates ou pesticides au printemps 2014. Et face à cette pollution, l'option retenue, dans de nombreux cas, est l'abandon du captage. Ainsi sur les 5.000 points de prélèvement fermés en 15 ans, la cause était pour 41% d'entre eux, une mauvaise qualité de l'eau.
Concernant la pollution aux nitrates, la tendance ne semble pas être à l'amélioration. Avec le dernier classement, encore soumis à consultation, 70% de la surface agricole utile française pourrait ainsi être classée en zone vulnérable.
Au niveau des moyens déployés, l'exemple des captages prioritaires du Grenelle montre que 48% présentent un plan d'actions pour la prévention des pollutions diffuses achevé mais seulement 17% bénéficient d'un arrêté validant celui-ci.
"La critique est appuyée sur les points suivants : des outils juridiques et financiers limités, une légitimité variable du porteur de projet, la difficile articulation entre zones soumises à contraintes environnementales (ZSCE) et périmètres de protection du captage et une appréciation « globalement pessimiste » sur l'ambition des plans d'action et la crainte que ceux-ci soient, en fin de compte, rendus obligatoires", précise le rapport interministériel.
Selon le document, la protection des captages se heurte à la superposition des compétences entre la collectivité, gestionnaire du captage, et le préfet, chargé d'élaborer le plan d'action.
Les EPCI garants de la protection des captages ?
La mission recommande donc de donner la responsabilité juridique de la prévention des pollutions diffuses à toute commune gestionnaire d'un captage et d'inscrire cette fonction dans le service public de l'eau potable. L'aire d'action de la commune serait définie après l'élaboration des périmètres de protection et du plan d'action. Elle serait validée par l'arrêté préfectoral de déclaration d'utilité publique (DUP).
Moyens disponibles, potentiels conflits d'intérêts : cette nouvelle charge pourrait toutefois dans certains cas, amener à des interrogations.
Cette compétence pourrait en outre être transférée aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, selon le rapport. Cela "permettrait de mieux gérer les tensions parfois signalées entre commune gestionnaire du captage et commune hôte de celui-ci pour les cas où celles-ci feraient parties de la même communauté compétente sur le sujet", pointe la mission.
Le document souhaite également ne plus disposer de deux procédures qui traitent de la protection des captages (les périmètres de protection du code de la santé publique et la procédure ZSCE du code de l'environnement) mais uniquement celle du code de la santé publique avec déclaration d'utilité publique.
"Certaines utilisations des sols ou pratiques, notamment agricoles, pourraient faire l'objet de servitudes d'utilité publique et donc être indemnisées en conséquence, développe le rapport. Dans les cas où cela est nécessaire, la DUP offrirait la possibilité à la collectivité de procéder à l'acquisition des parcelles les plus stratégiques par voie d'expropriation et d'autres par la voie du droit de préemption, sans préjudice bien sûr de l'accord amiable des propriétaires".
Vers une convergence des normes d'eau brute et d'eau potable ?
- Unifier les procédures de protection des captages en s'appuyant sur le code de la santé publique et la déclaration d'utilité publique
- Doter les collectivités des moyens nécessaires tant juridiques que techniques ou financiers
- Améliorer la gouvernance du dispositif aux niveaux national et déconcentrés
Autre difficulté, selon le rapport : les mesures agri-environnementales (MAE), financement privilégié des plans d'action, s'avèrent inadaptées du fait de la trop faible durée d'engagement réciproque, le montant de l'aide et non prise en compte de la variété des situations. Il estime le coût global des plans d'actions entre 400 et 540 millions €/an. "Si on déduit le budget des agences de l'eau consacré à la prévention des pollutions diffuses – 180 millions €/an – et les aides du Feader – 100 millions €/an –, il en résulte un besoin de financement de 120 à 260 millions €/an, selon le scénario envisagé", évalue la mission.
Sa proposition ? Accroître la part de budget des agences de l'eau consacrée à la lutte contre les pollutions diffuses pour aider la mise en œuvre des plans d'action dans les captages identifiés comme prioritaires. Si l'idée semble bonne à première vue, elle se confronte toutefois à la réalité de la baisse régulière de crédit budgétaire.
La mission appelle également à la création au niveau national d'un régime d'aides spécifique à la prévention des pollutions diffuses des captages qui permette notamment d'augmenter la durée des contrats et le montant des mesures.
Concernant la gouvernance du dispositif, elle propose que le préfet puisse prescrire la création ou révision du périmètre de protection de captage et rendre obligatoires des mesures du plan d'action de prévention des pollutions diffuses.
La mission envisage qu'un délégué interministériel soit nommé pour mettre en place cette nouvelle stratégie, la coordonner et faire adopter les modifications législatives et réglementaires nécessaires.