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Actu-Environnement

Soutien à l'agriculture bio : le constat au vitriol de la Cour des comptes

Dans son rapport sur les politiques publiques dans le domaine de l'agriculture, la Cour des comptes critique le décalage entre les ambitions affichées par l'Etat et les moyens mis en œuvre. Le constat est sévère.

Gouvernance  |    |  N. Gorbatko
Soutien à l'agriculture bio : le constat au vitriol de la Cour des comptes

Le gouvernement va-t-il finir par modifier son plan Stratégique National (PSN) agricole en fléchant plus franchement les aides de la PAC vers l'agriculture biologique ? Alors que les derniers arbitrages sur ce dossier devraient être connus ce vendredi 1er juillet, la Cour des comptes a présenté, jeudi 30 juin, un rapport sans appel. Pour la juridiction financière, l'action de la France est largement insuffisante dans ce domaine et ses nouvelles orientations connues, notamment dans le cadre de la PAC, ont peu de chance d'améliorer les choses.

Les programmes d'actions qui se sont succédés depuis 2010 n'ont en effet pas permis au pays d'étendre sa surface agricole en bio à 15 %, cette année, et la part des produits dans les cantines publiques à 20 %. Mal dimensionnée, la moitié de l'enveloppe de la PAC consacrée à cette catégorie d'agriculture a été consommée dès la première année, en 2015. L'aide au maintien pour les agriculteurs en bio a été supprimée en 2017. Aujourd'hui, un quart de ces exploitants ne touche aucune aide de la PAC.

Un horizon obscurci

Le soutien aux industries agroalimentaires bio et la recherche et développement ne sont pas non plus à la hauteur. S'il reste en l'état, ce qui paraît malgré tout assez improbable, le Plan stratégique national (PSN) élaboré par la France dans le cadre de la nouvelle PAC 2023-2027 n'améliorera certainement pas les choses. Plaçant le pays au dernier rang, en termes d'aides au bio, il ne rendrait pas réalisables ses propres objectifs, 18 % de surfaces bio en 2027, ni ceux de l'UE, 25 % en 2030.

Ceci d'autant moins que le secteur rencontre aujourd'hui quelques difficultés, notamment en termes de marché. Si ses surfaces utiles sont bien passées de 3 à 10 % entre 2010 et 2021 tandis que ses ventes étaient multipliées par 3,5, la consommation de ses produits a baissé de 1,3 %, l'année dernière, plus particulièrement dans la grande distribution. Moins que ceux issus du secteur traditionnel, 2,3 %, mais suffisamment pour s'interroger sur la pérennité de ses équilibres économiques…

Un avantage environnemental avéré

Une situation d'autant plus incongrue, relève la Cour des comptes, que les bénéfices du bio, également étudiés par le rapport, sont avérés en termes de santé humaine, d'environne-ment, y compris pour l'air, l'eau et les sols, de climat, de bien-être animal et de biodiversité. Les espèces de faune et de flore sont en moyenne 30 % plus nombreuses et leurs populations 50 % plus abondantes dans les zones de culture biologique, note le rapport. A l'hectare, cette forme d'agriculture est également moins émettrice de gaz à effet de serre, notamment de protoxyde d'azote. Le tout pour des performances économiques à peu près équivalentes à celles du secteur conventionnel. « Elle reste le meilleur moyen de réussir la transition agro-environnementale et d'entraîner les exploitations conventionnelles vers des pratiques plus respectueuses de l'environnement », soulignent les rapporteurs.

Certes, l'agriculture bio présente des rendements moindres, d'où l'intérêt de la recherche dans ce domaine, de la lutte contre le gaspillage et de l'adoption de régimes moins riches en protéines animales. Mais elle favorise aussi l'autonomie alimentaire de la France, en se passant notamment de l'énergie et des engrais de synthèse russes.

Des aides publiques à repositionner

C'est pourquoi les rapporteurs appellent l'Etat à repositionner ses aides vers les pratiques les plus performantes en agroécologie, via les Mesures agroenvironnementales et Climatiques (MAEC) de la PAC en particulier, et à mieux rémunérer les services environnementaux de cette forme d'agriculture. « La France touche 9 milliards d'euros par an au titre de la PAC », rappelle Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes. Cette dernière préconise d'éclairer les choix des citoyens et des consommateurs sur les caractéristiques et les bénéfices du bio. Elle alerte avec insistance les pouvoirs publics sur l'absence de communication en la matière. Jusqu'à aujourd'hui, en tout cas, puisqu'une campagne de publicité tend actuellement à y remédier.

Elle critique aussi sévèrement la multiplication des labels prétendument « verts » qui désorientent le consommateur et le détournent du label AB ; le plus exigeant. La juridiction financière a plus particulièrement dans son viseur la certification Haute Valeur Environnementale, peu exigeante et très contestée. Une spécificité française, que le ministère de l'agriculture comptait, dans la première version de son PSN, rémunérer à la même hauteur que le label AB.

Des filières à construire

La Cour des comptes préconise par ailleurs d'aider les filières à se construire, en soutenant l'émergence d'entreprises dans l'agroalimentaire et la transformation des produits. Les dispositions de la loi Egalim 2, comme les obligations contractuelles pourrait y contribuer. De quoi relancer la consommation et, peut-être, de rassurer les nouveaux convertis, en lait et en viande notamment, qui s'inquiètent d'un éventuel manque de débouché.

Mixant analyses quantitatives, auditions d'experts, entretiens avec l'ensemble des parties prenantes, syndicats compris, et enquêtes de terrain, ce travail fouillé constitue une première pour la Cour des comptes, bien décidée à produire un « éclairage objectif et impartial » sur ce sujet « encore mal connu, propice aux idées reçues et aux débats stériles », explique Pierre Moscovici, mais « d'une importance capitale pour la France, qui se veut la première puissance agricole d'Europe ». Pour y parvenir, la juridiction est même allée jusqu'à créer deux outils statistiques internes dédiés à l'évaluation des performances économiques de la bio, là encore, pour la première fois.

Réactions1 réaction à cet article

Quand la Cour des comptes écrit noir sur blanc ce que disent depuis des lustres les paysans - les vrais, pas les agri-managers -, les associations de protection des consommateurs et celles de la protection de la nature ! L'institution admoneste enfin clairement le ministère de l'agriculture et lui colle un zéro pointé pour sa copie frelatée de PSN, de toute évidence écrite par la FNSEA pour servir les intérêts de l'agro-industrie et la finance au détriment des agriculteurs, des contribuables, des citoyens, des consommateurs et de la planète ! Elle lève très officiellement le voile sur des pratiques délétères qui ne peuvent plus avoir cours.
Le PSN doit donc d'urgence intégrer une mesure prioritaire de cloisonnement étanche du ministère avec ce syndicat factieux qui gâte tout ce qu'il touche. Le dévoiement de la PAC en France a suffisamment duré.

Pégase | 01 juillet 2022 à 15h54 Signaler un contenu inapproprié

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