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Réglementation des émissions carbone des voitures : un bilan plus que décevant

La Cour des comptes européenne a étudié les effets réels de la réglementation sur les émissions de CO₂ des voitures. Peu pertinents et mal contrôlés, ils sont très loin de permettre aux États membres de remplir leurs objectifs en la matière.

Transport  |    |  N. Gorbatko
Réglementation des émissions carbone des voitures : un bilan plus que décevant

Le constat est sévère. Malgré une contrainte normative de plus en plus forte en matière d'émissions de dioxyde de carbone (CO₂) pour les voitures neuves, depuis 2009, les progrès resteraient insignifiants sur le territoire de l'Union européenne (UE). Selon le rapport « Réduction des émissions de dioxyde de carbone des voitures particulières » publié par la Cour des comptes européenne, mercredi 24 janvier, le niveau global de ces émissions commencerait à peine à baisser depuis 2020, en lien surtout avec la croissance de la vente des véhicules électriques.

En effet, si les émissions des voitures à moteur thermique mesurées en laboratoire ont bien chuté de 16 % entre 2009 et 2019, passant de 145,7 à 122,3 grammes de CO₂ par kilomètre, elles n'ont diminué que de 7 %, à peine, en conditions d'utilisation réelles dans le même temps. Pour les modèles diesel, elles sont même restées stables. L'écart moyen entre les émissions mesurées en laboratoire et celles constatées en conditions d'utilisation réelles est en outre passé de 17 % en 2009 à 38 % en 2018, neutralisant « dans une large mesure » les avantages escomptés des règlements européens, expliquent les auteurs du rapport. « Les constructeurs se sont concentrés sur la réduction des émissions en laboratoire plutôt que sur la route, en exploitant les failles dans les prescriptions en matière d'essai », constatent-ils.

Des mesures encore éloignées de la réalité

Cette différence aurait été réduite de moitié par les nouvelles règles d'essais rendues obligatoires en 2017 et utilisées pour la première fois en 2021. Mais dans une proportion très différente selon le type de véhicule : selon les calculs de la Cour des comptes européenne, l'écart était de 18,1 % pour les diesels en 2021, de 23,7 % pour les voitures à essence, et de 250 % pour les hybrides rechargeables. Pour cette dernière catégorie de voitures, en se basant sur les données des dispositifs de surveillance de la consommation de carburant embarqués, les auteurs du rapport ont largement réévalué à la hausse la part moyenne des kilomètres parcourus par les conducteurs au moyen de leur moteur électrique.

“ Les constructeurs se sont concentrés sur la réduction des émissions en laboratoire plutôt que sur la route, en exploitant les failles dans les prescriptions en matière d'essai ” Cour des comptes européenne
Leurs émissions de CO₂ s'établiraient ainsi à 139,4 g/km, et non pas à moins de 50 g/km, comme l'avait initialement calculé les experts de la Commission européenne, ou à 39,6 g/km d'après les mesures effectuées en laboratoire. Certains États membres ont d'ailleurs commencé à réduire leurs mesures incitatives en faveur des véhicules. La Commission a, pour sa part, modifié ses modes de calcul, mais cet ajustement ne s'appliquera qu'à partir de 2025. « D'ici là, les hybrides rechargeables pourraient donc rester une option intéressante pour les constructeurs, car ils continueront à être traités comme des véhicules à faibles émissions », relèvent les rapporteurs.

Les SUV alourdissent le bilan

Par ailleurs, l'augmentation de la masse des véhicules associée à des moteurs plus puissants annihile l'effet des éventuels progrès en termes de motorisation. « Entre 2011 et 2022, la masse moyenne des voitures a augmenté d'environ 10 % », observe la Cour des comptes, tandis que la puissance des moteurs progressait de 25 %. Un constat que confirme une étude de l'ONG Transport & Environment publiée jeudi 22 janvier. « En Europe, les voitures neuves s'élargissent en moyenne de 1 cm tous les deux ans », indique-t-elle. La largeur moyenne des nouvelles voitures atteint ainsi 180,3 cm au premier semestre 2023, contre 177,8 cm en 2018, « Cette tendance va se poursuivre en raison de l'augmentation des ventes de SUV, à moins que les législateurs n'agissent rapidement », estime l'ONG.

Le manque de contrôles n'a en outre pas particulièrement poussé les constructeurs à fournir des efforts. Si la Commission européenne a bien collecté et vérifié les données fournies par les constructeurs eux-mêmes, via leurs certificats de conformité, l'exactitude des documents n'a pas été suffisamment garantie, pointe la Cour des comptes. Dans deux des trois États membres visités par l'institution, par exemple, les contrôles des autorités compétentes auprès des constructeurs en matière de réception des véhicules ont été presque inexistants (Italie) ou tout simplement ignorés (Pays-Bas). Chaque année, les autorités compétentes doivent aussi réaliser des tests sur un nombre minimal de véhicules en circulation. Le quota a été peu respecté. Plus généralement, les données transmises par les États membres souffrent de retards, d'un manque d'exhaustivité et d'inexactitudes.

Des résultats insatisfaisants

Permettant aux constructeurs d'alléger les primes à verser sur leurs émissions excédentaires, des éco-innovations ont par ailleurs été installées sur plus de 6 millions de voitures en 2020. Mais, là encore, la mesure n'a pas réellement fait ses preuves puisque le gain obtenu serait seulement de 1 g/km en moyenne. Résultat : en 2021, les émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports représentaient encore 23 % du total de l'Union, plus de la moitié provenant précisément des voitures particulières. Le tableau se révèle d'autant plus préoccupant que si le nombre de kilomètres parcourus par chacune d'entre elles recule, leur nombre augmente : elles étaient 211 millions sur la route en 2010 et 253 millions en 2021, en hausse de 20 %.

Une série de règlements en évolution

Le règlement européen établissant des normes de performance en matière d'émissions de CO₂ pour les voitures particulières neuves est le principal acte législatif de l'Union sur ce sujet. Adopté en 2009, avant d'être modifié en 2014 et en 2019, il fixe un objectif à l'échelle du parc de l'UE pour les émissions moyennes des voitures neuves immatriculées depuis 2010, puis à partir de 2012, des objectifs spécifiques pour chaque constructeur. Au fil du temps, les objectifs sont devenus de plus en plus ambitieux pour atteindre le zéro émission à partir de 2035. La procédure d'essai a, quant à elle, évolué en 2021.
En 2022, 74 % des immatriculations concernaient encore des véhicules thermiques. Pour la Cour des comptes, afin de rester cohérent avec les ambitions climatiques de l'UE à l'horizon 2030, le grand défi est donc désormais d'inciter les particuliers à se tourner vers les véhicules à émissions nulles. Ses rapporteurs soulignent à cet égard l'impact des différentes incitations proposées aux acheteurs, comme la prime à l'achat, une taxe de circulation nulle ou le stationnement gratuit dans les centres-villes. Mais plusieurs obstacles persistent, tels que la disponibilité insuffisante des batteries, en raison notamment d'un accès limité aux matières premières, et le manque d'infrastructures de recharge adéquates, surtout concentrées pour l'instant en France, aux Pays-Bas et en Allemagne.

La solution électrons

Mais même dans les pays les mieux équipés, le surcoût des voitures électriques par rapport aux thermiques rend ce type de véhicule inaccessible pour beaucoup, incitant les conducteurs à garder plus longtemps leurs modèles polluants. Dans l'UE, l'âge moyen d'une voiture est ainsi passé de 7,4 ans en 2014 à 12 ans en 2021. Les rapporteurs recommandent donc aux États membres de travailler à lever tous ces freins.

La Commission pourrait également calculer le plafond d'émissions de CO₂ à partir des conditions d'utilisation réelles et remplacer les objectifs actuels des constructeurs, fondés sur une réduction moyenne des émissions, par de nouvelles cibles axées sur une part minimale de véhicules à émissions nulles. La Cour des comptes encourage aussi la Commission à améliorer ses contrôles en matière de réception des véhicules et à promouvoir une meilleure information des conducteurs sur la consommation en conditions réelles de leur voiture.

Réactions1 réaction à cet article

Je n'ai toujours pas compris pourquoi il est utile d'élargir les voitures, alors que les gens vivent de plus en plus en ville, qu'ils ont de moins en moins d'enfants et que les SUV n'y servent à rien . Si c'est juste une question de gloriole, il faut y mettre fin rapidement. La Planète ne va quand même pas devoir supporter des cohortes de m'as-tu-vu qui poussent les constructeurs à toujours plus de feintes irresponsables, non ? Le contrôle en situation réelle s'impose très vite, avec la médiatisation de ses résultats. Seuls les irréductibles kékés feront encore le forcing pour conduire ces véhicules et ils passeront pour des égoïstes sans conscience.

gaïa94 | 31 janvier 2024 à 17h03 Signaler un contenu inapproprié

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