Robots
Cookies

Préférences Cookies

Nous utilisons des cookies sur notre site. Certains sont essentiels, d'autres nous aident à améliorer le service rendu.
En savoir plus  ›
Actu-Environnement

Adaptation : investir pour éviter les dépenses inutiles

I4CE a étudié les coûts de l'adaptation au changement climatique et ceux qui résulteraient d'une absence de politique concertée. Sa conclusion est claire : mieux vaut prévenir que guérir. Mais encore faut-il se poser les bonnes questions.

Gouvernance  |    |  N. Gorbatko
Adaptation : investir pour éviter les dépenses inutiles

« Anticiper les effets d'un réchauffement de +4°C : quels coûts de l'adaptation ? » : tel est l'intitulé du rapport (1) remis ce vendredi 5 avril au ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, par l'Institut I4CE, à quelques semaines de la présentation du Plan national d'adaptation au changement climatique par le gouvernement (PNACC). Contrairement à ce que pourrait laisser entendre le titre de leur étude, ces experts n'y établissent pas de budgets prévisionnels précis. Ils y recensent plutôt les questions essentielles à se poser et quelques éléments de méthodes susceptibles d'aider les pouvoirs publics - tout comme la société - à opérer des choix plus pertinents et à bâtir des stratégies.

« D'importants progrès ont été faits sur l'évaluation des coûts de l'atténuation, expliquent les rapporteurs. Mais (…) les questions restent beaucoup plus émergentes pour l'adaptation. » Si des éléments de chiffrage existent, aucun coût unique ne peut ainsi être avancé. Rien de plus normal puisque les budgets à mettre en œuvre dépendront à la fois du niveau de réchauffement envisagé, de la durée des équipements ou des éléments pris en compte – une chaussée est renouvelée tous les 5 à 10 ans quand une voie ferrée dure environ 70 ans –, du niveau de protection ou d'ambition que la société fixera pour telle ou telle mesure, de ses renoncements éventuels et de la répartition des efforts. « Chercher à rendre une route insubmersible peut par exemple nécessiter plusieurs millions d'euros de travaux alors qu'organiser des fermetures temporaires de la circulation lors d'épisodes de crue demande d'accepter un moindre niveau de service, mais est aussi moins couteux », indique le rapport.

Des milliards en ligne de mire

Comme le préconise Christophe Béchu, les auteurs du rapport se sont basés sur un réchauffement de 2°C en 2030, 2,7°C en 2050 et 4°C à l'horizon 2100. Afin de construire leur méthode, ils se sont focalisés sur les trois secteurs les mieux étudiés en termes d'adaptation : le bâtiment, les infrastructures de transport terrestre et les productions agricoles végétales. Anticiper systématiquement les vagues de chaleur dans le bâtiment pourrait revenir selon ces derniers à un milliard d'euros, voire 2,5 milliards d'euros par an, pour la construction neuve et jusqu'à plusieurs milliards pour le parc existant, hors rénovation énergétique. La prévention des risques en matière d'inondation et de retrait-gonflement des argiles exigerait quelques centaines de millions d'euros.

Les travaux nécessaires à l'aménagement des réseaux routiers et ferrés dans les prochaines décennies atteindraient quelques centaines de millions d'euros ou plusieurs milliards, s'il était par exemple décidé de renforcer la robustesse de tous les ouvrages hydrauliques. Dans l'agriculture, le maintien des rendements des principales cultures requerrait jusqu'à 1,5 milliard d'euros par an environ. « Les coûts des transformations plus structurelles des modèles agricoles restent quant à eux difficiles à évaluer », précisent les rapporteurs.

L'inaction pire que l'investissement

Mais l'absence de politique d'adaptation pèserait beaucoup plus lourd dans les comptes du pays. La facture s'élève d'ailleurs déjà à plusieurs milliards d'euros par an, d'après I4CE : par la prise en charge par la puissance publique des dégâts et des réparations en cas de crise d'une part, à laquelle il faut ajouter les impacts sur le système de santé, la productivité, l'efficacité des réseaux de transport ou la balance commerciale, mais aussi en raison de réactions inappropriées ou court-termistes des acteurs d'autre part. Recourir à la climatisation de façon désorganisée dans les bâtiments, par exemple, alourdirait la facture de plusieurs milliards d'euros par an, sans compter les émissions de GES supplémentaires et la création d'îlots de chaleur dans les quartiers. 

“ « Sans adaptation structurelle, ces dépenses subies ne vont cesser d'augmenter et perdre leur caractère exceptionnel. » ” Rapport I4CE : « Anticiper les effets d'un réchauffement de +4°C : quels coûts de l'adaptation ? »

Les travaux de réparation des maisons touchées par les phénomènes de retrait-gonflement des argiles atteignent près de 2 milliards d'euros par an en moyenne. Les dépenses d'indemnisation et autres aides aux agriculteurs reviennent à plus de 400 millions d'euros par an. « Sans adaptation structurelle, ces dépenses subies ne vont cesser d'augmenter et perdre leur caractère exceptionnel », insiste I4CE.

Heureusement, des options d'anticipation sont déjà bien identifiées. Parfois peu onéreuses, elles pourraient être mieux déployées, notent les rapporteurs, en modifiant notamment les cahiers des charges. Dans le bâtiment, elles pourraient consister à privilégier des modes de construction sobres et des choix architecturaux adaptés à la chaleur, même sans climatisation, en révisant les normes techniques et les plans de prévention des risques, y compris en cas de rénovation. I4CE évalue le surcoût à quelque 10 %. Pour les transports, l'adaptation consisterait à renforcer certains ouvrages, mais aussi à actualiser les standards techniques ou à organiser autrement la maintenance.

Un débat et des études à lancer

Mais pour décider des travaux ou des transformations à réaliser, il est nécessaire de se demander quel horizon viser, en fonction de la durée de vie de chaque investissement. « Tenir compte de niveaux de réchauffement élevés qui ne seraient de toutes façons pas atteints avant plusieurs décennies présenterait peu d'intérêt », soulignent les rapporteurs. En complément, les acteurs devraient également se demander ce qu'ils souhaitent à tout prix conserver. Quel nombre d'heures ne dépassant pas une certaine température sans climatisation dans les bâtiments doit-on exiger ? Quelle garantie de continuité d'ouverture des services publics en période de forte chaleur ? Quels délais d'interruption du trafic peut-on supporter ?

« Tout anticiper – rendre 100 % robustes toutes les infrastructures et tous les bâtiments ; viser un système agricole insensible aux conditions météorologiques – reviendrait à surinvestir et se ferait au détriment d'autres objectifs importants », préviennent les experts. Pour ces derniers, envisager une France à + 4°C en 2100, « c'est ouvrir plutôt que fermer les débats sur le niveau que l'on vise et le type d'adaptation que l'on privilégie. » Une discussion d'autant plus importante que les impacts financiers seront très différent selon les choix qui seront faits : directement portés par les ménages, relevant de quelques grands acteurs ou bien pris en charge par la puissance publique.

Une démarche intégrée à la planification

Dans tous les cas, pour garantir l'efficacité et l'équité des mesures, celles-ci devront être intégrées aux démarches existantes de planification. « Le défi est de toujours prendre en compte le bon niveau de réchauffement aux bons moments dans les cycles de décision », rappellent les auteurs du rapport. Il sera aussi essentiel de prendre chaque sujet avec méthode, chaque axe de transport, chaque typologie de bâtiments, chaque filière agricole, afin de définir collectivement le niveau de production ou de service visé et les moyens attribués. « Cela requiert une mise en œuvre séquencée de l'adaptation (…) ainsi qu'une répartition visible et stable des responsabilités, de façon à clarifier les incitations à agir des différents acteurs de l'économie, analyse I4CE. Sans action organisée volontariste, il est fort probable que les trajectoires d'adaptation qui seront suivies soient les plus coûteuses pour les finances publiques et les moins satisfaisantes d'un point de vue socio-économique ».

1. lire le rapport
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-43825-rapport-I4CE-couts-adaptation.pdf

RéactionsAucune réaction à cet article

Réagissez ou posez une question au journaliste Nadia Gorbatko

Les réactions aux articles sont réservées aux lecteurs :
- titulaires d'un abonnement (Abonnez-vous)
- inscrits à la newsletter (Inscrivez-vous)
1500 caractères maximum
Je veux retrouver mon mot de passe
Tous les champs sont obligatoires

Partager

Votre conseil en droit de la Santé et de l'Environnement Huglo Lepage Avocats
TrichlorScan : mesurer les trichloramines dans l'air sans réactif toxique CIFEC