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L'assurance à l'épreuve du dérèglement climatique

Avec plus de sinistres d'origine climatique, plus fréquents et plus violents, les comptes des assurances se retrouvent en pleine tempête. D'où la mobilisation des acteurs pour trouver des solutions.

Risques  |    |  N. Gorbatko
L'assurance à l'épreuve du dérèglement climatique

Parallèlement à l'accroissement des dérèglements climatiques, le coût de leurs impacts s'envole, en France comme ailleurs. Dans l'Hexagone, selon la fédération des assureurs et réassureurs France Assureurs, les sinistres liés aux tempêtes, épisodes de grêle, inondations et autres sécheresses ont coûté 6,5 milliards d'euros en 2023 : troisième année la plus onéreuse pour la profession. Sur les quatre dernières années, déjà, cette sinistralité avait atteint en moyenne 6 milliards d'euros par an : bien plus qu'au cours de la précédente décennie et bien plus vite que ce que les experts avaient envisagé…

Désormais, un Français sur quatre est exposé à un risque climatique, au moins, sur l'ensemble du territoire. Et le pire reste à venir puisque sous l'effet d'une fréquence et d'une sévérité accrues des événements, le coût de ces dégâts pourrait augmenter de 50 % à l'horizon 2050. De quoi faire planer la menace de l'impossibilité de garantir une assurance à tous dans les années à venir, pour cause de service déficitaire, voire, dans certains cas, de remettre en cause la notion d'assurance, liée à l'imprévisibilité des dommages. « Depuis 2017, la France connaît une sècheresse par an. Face à une telle régularité de ces événements, s'agit-il toujours d'assurance ? La question peut se poser », remarque Stéphane Muller, directeur des assurances IARD à la Matmut.

Réactions en ordre dispersé

Pour préserver leurs marges, certaines sociétés d'assurances commencent déjà à refuser des contrats aux collectivités, particuliers ou professionnels dans les zones les plus exposées. L'association des agents généraux d'assurance (Agéa) a fait un test sur un risque identifié, dans une rue précise d'une commune donnée. « Sur cinq compagnies d'assurances, deux seulement acceptaient de l'assurer, trois refusaient, mais pas pour le même motif, détaille Pascal Chapelon, directeur de la fédération. Chacune a développé son propre zonage (…). On arrive à des aberrations incompréhensibles. »

La commission des finances du Sénat évalue, pour sa part, à 24 % la proportion des collectivités n'ayant pas reçu de réponse des assureurs après avoir lancé un appel d'offres depuis le 1er janvier 2023. « En cas de réponse, les montants de primes et de franchises proposés étaient en forte hausse par rapport au contrat précédent », précise-t-elle. Signe de la fébrilité qui a saisi le secteur, les professionnels et les élus multiplient les analyses sur le sujet. Au début de l'année, l'Agéa publiait ainsi son livre blanc sur ces enjeux assurantiels, juste dans le sillage du rapport annuel du réassureur CCR, dans la même veine, sorti en décembre. Le 28 mars dernier, c'était au tour du Sénat de diffuser l'étude de Jean-François Husson, centrée cette fois sur les difficultés assurantielles des collectivités territoriales.

“ Les entreprises d'assurance doivent réformer leur conception de la couverture des risques ” Pascal Chapelon, Agéa
Mardi 2 avril, enfin, le Gouvernement a communiqué les recommandations très attendues de trois spécialistes : Thierry Langreney, président de l'association environnementale Les Ateliers du futur ; Gonéri Le Cozannet, expert au BRGM, contributeur au 6e rapport d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) ; et Myriam Merad, directrice de recherche au CNRS. « On sent bien que les enjeux assurantiels sont en train de s'écrire pour les vingt ou trente prochaines années », explique Pascal Chapelon.

Lutte contre les déserts assuranciels

Tous insistent peu ou prou sur deux enjeux majeurs : maintenir le principe d'une assurance accessible à tous par le biais de la mutualisation des fonds d'une part, améliorer fortement la prévention des risques naturels d'autre part. Afin de rééquilibrer les finances du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, dit Cat-Nat, vieux de quarante ans et jugé efficace, le Gouvernement a d'ores et déjà décidé, au mois de janvier dernier, de faire passer de 12 à 20 %, à partir du 1er janvier 2025, la part qu'il prélève sur chaque prime d'assurance. Cette augmentation devrait permettre de collecter un milliard d'euros supplémentaire, soit environ trois milliards au lieu de deux.

Sur cette cagnotte, 12 %, soit environ 250 millions d'euros, sont aujourd'hui fléchés vers le Fonds Barnier. Créé pour soutenir des actions de prévention essentiellement collectives, celui-ci est lui aussi jugé pertinent, mais il reste largement perfectible, en y intégrant par exemple l'érosion du trait de côte. Une partie de ces 12 % pourrait à l'avenir également approvisionner un autre fonds consacré aux mesures de prévention individuelles. Pour convaincre les assureurs de continuer à protéger les biens dans les zones les plus exposées et éviter les déserts assuranciels, le rapport Langreney propose par ailleurs de moduler la répartition de l'enveloppe issue des 12 % de surprime. Selon les niveaux de risques, la part fléchée vers les assureurs (Cat-Nat) pourrait être plus importante que celle dirigée vers la prévention (Fonds Barnier et nouveau fonds complémentaire).

Responsabilisation des acteurs

1 Français sur 4

est exposé à un risque climatique
En parallèle, suivant les préconisations de l'Agéa, les rapporteurs recommandent la création d'un observatoire des risques qui permettrait de diffuser des cartographies homogénéisées de l'exposition et de rationaliser la prise en compte des aléas. Les experts insistent par ailleurs sur la nécessaire prévention individuelle et collective. Un terrain fertile. « La hausse des primes d'assurance et la mobilisation de l'argent public ne pourront pas être les seules réponses. Les entreprises d'assurance doivent réformer leur conception de la couverture des risques », souligne Pascal Chapelon.

Certaines s'investissent ainsi dans le développement de la culture du risque et dans l'information lorsqu'une menace s'annonce. Grâce aux alertes par mail ou SMS en cas de tempête ou d'inondation, la Matmut, par exemple, a fait baisser de 8 à 25 % le montant des sinistres. Mais il importe aussi de travailler sur la résilience des biens. Pour le bâti neuf, les experts préconisent des règles plus strictes en termes de construction, assorties de contrôles, capables de limiter les phénomènes de retrait-gonflement de l'argile, à l'instar des mesures prises avec succès par l'Espagne. La réalisation d'une étude géotechnique et d'interaction sol-structure approfondie pourrait également s'imposer. Selon l'Agéa, cet examen devrait même se dérouler avant le stade du permis de construire, au moment de la cession du foncier, son résultat pouvant influencer le niveau de couverture.

Diagnostics et accompagnement

Les terrains comme les biens immobiliers devraient en outre bénéficier d'un diagnostic de vulnérabilité aux risques naturels sur le modèle des diagnostics de performance énergétique. Après un dommage, les personnes concernées pourraient aussi profiter de conseils sur les mesures à prendre, comme pour MaPrimeRénov'. Certains travaux pourraient devenir obligatoires, mais financés par le nouveau fonds de prévention, en fonction du revenu.

Pour ce qui concerne les constructions dans les zones à risques, « il va falloir légiférer, estime Pascal Chapelon. On ne peut plus laisser un élu y développer des zones résidentielles sous prétexte qu'il a construit une pseudo digue en amont. » Il peut apparaître très surprenant de construire dans certains lieux, confirme Stéphane Muller. « L'état doit prendre sa part en interdisant par exemple de bâtir dans les zones de crue des rivières ou sous le niveau de la mer. »

Enfin, après un sinistre, le rapport Langreney comme celui de l'Agéa conseillent de mettre en place des solutions plus pérennes, quitte à modifier le cadre juridique, plutôt que de continuer à indemniser les assurés sous réserve qu'ils réparent ou rénovent à l'identique. De même, les indemnités perçues par les sinistrés devraient leur permettre de quitter un bien menacé en permanence pour déménager ailleurs. Une proposition de loi portée par la députée Sandrine Rousseau va d'ailleurs dans ce sens.

Place aux arbitrages politiques

Privilégier les solutions vertes dans le cas du remplacement d'un bien, un véhicule électrique à la place d'une voiture thermique par exemple, représenterait un autre progrès. Autre sujet à étudier : le cas de certains professionnels qui rencontrent des difficultés pour souscrire une assurance responsabilité civile, comme les constructeurs de panneaux photovoltaïques, ou pour bénéficier de la garantie décennale, comme les acteurs du réemploi de matériaux dans la construction.

Les conclusions du rapport Langreney permettront d'alimenter le volet financier et assurantiel du troisième Plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc), théoriquement attendu pour l'été prochain. D'ici là, le Gouvernement s'appuiera sur ses propositions pour mener des consultations et décider des mesures à mettre en œuvre. « Les énergies sont en train de se mobiliser. Si tout le monde va dans le même sens, cela permettra de changer la donne et de maintenir l'assurabilité de ces périls », espère Stéphane Muller.

Réactions1 réaction à cet article

C'est dans les coûts des conséquences des choix mortifères de nos gouvernants et de nos modes de vie que viendra probablement un espoir de changement : en chiffrant les colossaux montants des dégâts collatéraux du business as usual, les assureurs et réassureurs parlent le seul langage que nos décideurs néolibéraux peuvent entendre ! Mais encore faut-il pour cela qu'ils soient amenés à en payer personnellement le prix, leur faculté à l'altruisme étant gravement altérée - si ce n'est inexistante -, ce qui est loin d'être gagné tant ils vivent dans une bulle hors réalités.

Pégase | 04 avril 2024 à 10h42 Signaler un contenu inapproprié

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