« La consigne pour recyclage n'apparaît pas, à ce stade, comme un levier pertinent », estime un rapport sénatorial présenté ce mardi 11 juillet 2023. Les sénateurs, qui reprennent l'essentiel des critiques formulées par les collectivités locales, recommandent de « renvoyer à 2026 le choix de la mise en place d'une consigne pour recyclage sur les emballages ». Cette date est l'échéance qui pourrait figurer dans le futur règlement européen sur les emballages pour imposer la consigne aux États membres qui ne sont pas en bonne voie pour parvenir à collecter séparément 90 % des bouteilles en 2029.
Avec ce rapport, explique la rapporteure Marta de Cidrac (LR, Yvelines), la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable de la Haute Chambre entend exercer « une pression courtoise sur le Gouvernement », qui doit rendre sa décision sur le sujet en septembre.
Trois grandes critiques
Les critiques formulées à l'encontre de la consigne pour recyclage sont maintenant bien connues. Le rapport les résume en trois points.
Favoriser le réemploi
Plutôt que de déployer la consigne pour recyclage, les sénateurs proposent de faire de la réduction et du réemploi des emballages « une priorité réelle, et non seulement théorique ». Et pour cela, ils demandent notamment un retour de la consigne pour réemploi sur les emballages en verre. Plusieurs recommandations concernent cette mesure qui fait dorénavant l'objet d'un consensus relativement large : adéquation des écocontributions consacrées au réemploi ; maillage territorial en infrastructures ; ou encore diffusion d'emballages standards.
Le rapport suggère aussi de réaliser, en 2026, un bilan à la mi-temps des agréments des éco-organismes des filières de responsabilité élargie des producteurs (REP) d'emballages ménagers et d'emballages de la restauration. De même, il faudrait « systématiser la mise en œuvre de sanctions en cas de non-atteinte des objectifs » fixés aux éco-organismes (le montant des pénalités devrait être inscrit dans les cahiers des charges).
Quatre idées pour déployer la tarification incitative
Pour le reste, le rapport reprend essentiellement les leviers étudiés par Ademe dans son scénario sans consigne. Les sénateurs y ajoutent aussi quelques mesures moins habituelles, dont certaines ont déjà été évoquées par le Gouvernement.
La tarification incitative (TI) est l'un de ces sujets qui revient en force depuis l'ouverture du débat sur la consigne. Au rythme actuel, 15 millions de Français devraient être concernés à l'horizon 2030 (pour 12 millions aujourd'hui). Les collectivités se disent prêtes à atteindre 25 millions d'habitants, l'Ademe estime que, sans consigne, il faut viser 41,5 millions de Français et Citeo plaide pour une généralisation à tout le territoire. Le rapport sénatorial reprend à son compte l'objectif de l'Ademe et formule quatre propositions pour y parvenir.
La première est la mise en œuvre d'un soutien financier public, sous forme de subventions directes de l'Ademe (Fonds économie circulaire) ou d'une atténuation supplémentaire des frais de gestion grevant la taxe d'enlèvement des ordures ménagères incitative (Teomi). Pour tenir compte de la diversité des territoires, le Sénat demande que soit autorisée la cohabitation pérenne entre Teom et Teomi sur un même territoire. Aujourd'hui, cette cohabitation, qui permet à une collectivité de ne basculer qu'une partie de son territoire en TI, n'est permise que pendant sept ans. Concernant les zones urbaines, pour lesquelles la TI est plus complexe à mettre en œuvre le rapport propose la création d'une « tarification incitative collective ». Enfin, les enjeux sociaux pourraient être atténués grâce à une tarification sociale « déchets », s'inspirant de la tarification sociale sur l'eau.
Relever le taux de couverture des coûts de collecte
Le rapport formule aussi deux propositions pour pouvoir sanctionner le non-respect des règles de tri. La première consiste à modifier les règlements de collecte des collectivités pour interdire les emballages dans les ordures ménagères résiduelles (OMR). Seconde mesure : les collectivités peuvent « définir des sanctions administratives simplifiées en cas de non-respect de ces règles de tri ». Quelle forme pourraient-elles prendre ? « Ce n'est pas tranché », explique Marta de Cidrac. Sur ce point, le rapport cite en exemple Bruxelles, en Belgique, qui applique une amende de 75 euros au non-respect de l'obligation de tri et de 125 euros à la présence de récipients en verre dans les ordures ménagères.
Toujours en matière de collecte, le rapport défend une prise en charge complète des coûts des collectivités. Jusqu'à la fusion de la REP emballages et de la REP papiers, les taux de couverture étaient fixés à respectivement 80 et 50 % des coûts de collecte optimisés. La fusion rebat les cartes, l'occasion pour le Sénat de demander au pouvoir réglementaire d'« augmenter le taux de couverture des coûts du service public de gestion des déchets (SGPD) ».
Dans l'esprit de ce que propose Citeo, le Gouvernement a annoncé travailler à un système de bonus-malus appliqué aux collectivités. Un contrat de performance permettrait de sanctionner financièrement les collectivités les moins performantes, alors que les plus performantes obtiendraient un meilleur soutien financier. Le rapport parlementaire ne retient que le bonus. Celui-ci « pourrait être instauré pour tendre vers une prise en charge intégrale des coûts » d'un service de collecte optimisé. Ce bonus incitatif serait accordé aux collectivités territoriales « menant et programmant des actions compatibles avec la "trajectoire ambitieuse, sans consigne" de l'Ademe ».