Par une délibération du 29 juin sur le droit du vivant, l'assemblée de la province des îles Loyauté (Nouvelle-Calédonie) a fait des entités naturelles des sujets de droit. « Le principe unitaire de vie qui signifie que l'homme appartient à l'environnement naturel qui l'entoure et conçoit son identité dans les éléments de cet environnement naturel constitue le principe fondateur de la société kanak. Afin de tenir compte de cette conception de la vie et de l'organisation sociale kanak, certains éléments de la nature pourront se voir reconnaître une personnalité juridique dotée de droits qui leur sont propres (…) », prévoit la délibération, qui modifie le code de l'environnement provincial.
Selon celle-ci, les entités naturelles sujets de droit « n'ont pas de devoirs ». Mais elles disposent en revanche d'un intérêt à agir qui est exercé, en leur nom, par le président de la province, par un porte-parole, par les associations agréées de protection de l'environnement ou les groupements particuliers de droit local à vocation environnementale. Les requins et les tortues marines sont les premiers bénéficiaires de ce nouveau statut, mais la délibération prévoit que d'autres éléments du vivant, ainsi que des sites et monuments naturels, pourront également être reconnus à l'avenir.
« C'est un aboutissement que tous les défenseurs des droits du vivant appellent de leurs vœux en France et dans le monde », se félicite l'Institut de recherche pour le développement (IRD), qui a apporté son appui scientifique à cette construction. « L'inspiration, il y a douze ans, nous est venue de la Nouvelle-Zélande, où pour la première fois, un fleuve a été reconnu comme personne juridique par le gouvernement néo-zélandais en négociation avec les autorités maories », a expliquée Victor David, chercheur en droit de l'environnement de l'IRD, à Nouvelle-Calédonie la 1ère.
Cette initiative s'inscrit dans un mouvement mondial visant à attribuer des droits à la nature. En France, celui-ci s'était déjà traduit par des déclarations visant à conférer des droits au fleuve Tavignanu (Corse), au fleuve Têt (Pyrénées-Orientales), au Rhône ou encore à la Loire. « Le fonctionnement du droit, et des politiques publiques qui en découlent, n'est pas en mesure aujourd'hui de répondre à des dommages graves infligés à des écosystèmes pour leur valeur intrinsèque », justifiait Valérie Cabanes, juriste internationaliste et promotrice de tels droits, auprès d'Actu-Environnement, en août 2020. Mais l'efficacité juridique de tels droits est mise en doute par certains. « L'attribution de la personnalité juridique à la nature est une idée mystifiée. Simple et attrayante, certains lui attribuent volontiers toutes les vertus face à la crise écologique. Mais, à bien des égard, ce projet nous semble inutile et inefficace », rétorquait Julien Bétaille, maître de conférences en droit public.