Par une loi du 7 mars 2014, le Parlement a autorisé la France à approuver le protocole commun relatif à l'application de la convention de Vienne et de la convention de Paris. Ce protocole de 1988, rédigé en réaction à la catastrophe de Tchernobyl de 1986, doit permettre l'articulation des régimes de responsabilité civile nucléaire (RCN) mis en place par chacune des conventions.
Conventions de Paris et de Vienne : la convergence
La mise en œuvre des régimes de RCN doit permettre la gestion des conséquences d'un accident nucléaire. Comme l'illustre l'exemple de Fukushima Daichi, c'est un défi extrêmement complexe compte tenu de l'importance considérable des dommages susceptibles d'être occasionnés. Le risque de dégâts transfrontières implique donc la mise en place de régimes internationaux de RCN.
Ces régimes font tous deux peser la charge de l'indemnisation des dégradations causées par un accident nucléaire sur la personne de l'exploitant, par la mise en place d'un régime de responsabilité objective canalisée. En contrepartie, cette tranche de responsabilité de l'exploitant est limitée dans son montant et dans sa durée. L'objectif est "d'assurer une réparation adéquate et équitable aux personnes victimes de dommages causés par des accidents nucléaires, tout en prenant les mesures nécessaires pour éviter d'entraver le développement de la production et des utilisations de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques".
Selon le rapport du sénateur Robert del Picchia, l'approbation du protocole commun de 1988 permettra de "protéger les victimes ayant subi en France des conséquences d'un accident nucléaire qui aurait lieu sur le territoire d'un Etat partie à la convention de Vienne" et, inversement, les "victimes situées sur un tel territoire pourraient prétendre au dédommagement des conséquences d'un accident survenu en France dans la limite du montant de garantie fixé par la convention de Vienne".
Une couverture a minima des dommages nucléaires
La RCN de la convention de Paris en vigueur actuellement comprend trois tranches d'indemnisation à la charge de l'exploitant, de l'Etat puis de l'ensemble des Etats signataires de la convention. La responsabilité de l'exploitant peut ainsi être engagée pour un montant maximal de 91.469.410 €. Une fois ce montant dépassé, l'Etat de l'accident doit assumer une tranche d'indemnisation de 200 millions d'euros (seconde tranche) et l'ensemble des parties contractantes à cette convention doit en assumer une de 340 millions d'euros.
Ces montants sont assez importants pour causer des difficultés aux exploitants qui doivent trouver un assureur acceptant de couvrir leur tranche, mais sont insuffisants au regard de l'évaluation de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) qui situe le coût des dommages résultant d'un accident nucléaire dans une fourchette de 120 à 430 milliards d'euros. Le rapport du sénateur del Picchia affirme d'ailleurs que "de toute évidence, les plafonds en vigueur sont très insuffisants et ne permettent pas de couvrir les dommages d'un accident, même d'ampleur limitée". Les montants devraient être relevés par les protocoles de 2004 qui prévoient un rehaussement des plafonds d'indemnisation, mais ceux-ci ne sont pas encore entrés en vigueur.
La convention de Vienne prévoit, quant à elle, des plafonnements d'indemnisation minimum plus faibles que les plafonds de la convention de Paris. La France a donc émis une réserve de réciprocité lors de l'approbation afin de limiter l'indemnisation des victimes d'un Etat Partie à la convention de Vienne à la hauteur de ce que ce dernier lui offrirait dans une situation réciproque.
A noter que les faiblesses de la couverture des dommages par la RCN en vigueur actuellement s'étendent au type de dommage pris en compte en tant qu'accident nucléaire. Seuls les dommages aux biens et aux personnes ouvrent droit à réparation, tandis que les dommages immatériels et les dommages à l'environnement sont exclus du régime de RCN.
Un point marqué dans la concurrence avec le dispositif américain "CRC"
Le rapport sénatorial relatif à l'approbation du protocole de 1988 mentionne la volonté de "placer la France en posture de plaider efficacement et de manière cohérente, dans les enceintes internationales et dans le cadre de ses relations bilatérales, en faveur du régime international de responsabilité nucléaire constitué par les conventions de Paris, de Vienne et leur protocole commun".
En effet, il existe un système international concurrent d'inspiration américaine. Les Etats-Unis souhaitaient adhérer à une convention internationale mais refusaient d'adhérer à la convention de Vienne pour ne pas modifier leur RCN. Leur solution a été d'élaborer la convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires (CRC) du 12 septembre 1997 qui n'a été ratifiée que par quatre pays et n'est pas entrée en vigueur. L'unification des conventions de Paris et de Vienne permet donc aux signataires d'espérer étendre le dispositif au plus grand nombre de pays possibles, y compris ceux qui ont dans un premier temps opté pour la CRC.