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Restauration de la nature : le règlement européen survit aux tirs de barrage

Le Parlement européen a adopté sa position sur le projet de législation européenne qui vise à restaurer l'ensemble des écosystèmes dégradés d'ici à 2050. L'avenir du texte était loin d'être assuré du fait d'une forte opposition conservatrice.

Biodiversité  |    |  L. Radisson
Restauration de la nature : le règlement européen survit aux tirs de barrage

Trois-cent-vingt-quatre contre 312. C'est par cette courte majorité que le Parlement, réuni ce 12 juillet en session plénière à Strasbourg, a refusé d'abandonner la proposition de règlement que la Commission européenne avait présentée en juin 2022 en vue de restaurer les écosystèmes dégradés en Europe. Les commissions agriculture et pêche du même Parlement avaient repoussé le texte, en mai dernier, et sa commission environnement n'avait pas pu dégager de majorité, le 27 juin, malgré le soutien apporté par le Conseil à cette initiative législative.

Ce texte vise à restaurer la nature sur au moins 20 % des terres et des zones marines d'ici à 2030, puis tous les écosystèmes dégradés d'ici à 2050, en fixant aux États membres des objectifs juridiquement contraignants. Alors que plus de 80 % des habitats européens sont en mauvais état, la Commission européenne avait estimé que chaque euro investi par ce projet se traduirait par au moins huit euros de bénéfices. Mais des organisations agricoles, de pêche et de sylviculture, relayés par de nombreux eurodéputés situés à droite de l'échiquier politique, ne l'entendaient pas de cette oreille et voyaient dans ce texte une menace pour la souveraineté alimentaire de l'Europe.

Ainsi, la Copa-Cogeca, organisation professionnelle agricole européenne, rejointe par vingt délégations nationales d'agriculteurs, était venue organiser une action flash devant le Parlement européen avant le vote. « Il n'y aura pas de gagnants avec cette initiative, mais beaucoup de perdants dans nos zones rurales, à commencer par les structures économiques les plus petites et les plus fragiles », avaient alerté les manifestants, qui n'ont pas réussi à convaincre une majorité de parlementaires.

« Une loi qui ne portera pas préjudice aux agriculteurs »

« Ce n'est pas une loi contre qui que ce soit, mais une loi pour protéger la nature qui ne portera pas préjudice aux agriculteurs, se défend le rapporteur César Luena (S&D). « L'agriculture, la pêche et la sylviculture fonctionneront mieux avec des écosystèmes sains », explique l'eurodéputé espagnol. Et de fustiger « le grand mensonge (...) colporté par des organisations agricoles irresponsables et le Parti populaire européen (PPE) » quant à une obligation de réduction des surfaces cultivées.

“ Ce n'est pas une loi contre qui que ce soit, mais une loi pour protéger la nature qui ne portera pas préjudice aux agriculteurs ” César Luena, eurodéputé
« La loi ne s'appliquera que lorsque la Commission aura fourni des données sur les conditions nécessaires pour garantir la sécurité alimentaire à long terme et que les pays de l'UE auront quantifié la superficie à restaurer pour atteindre les objectifs de restauration pour chaque type d'habitat », explique le Parlement dans un communiqué. Les eurodéputés ont également prévu la possibilité de reporter les objectifs en cas de conséquences socio-économiques exceptionnelles. Les États membres doivent élaborer des plans nationaux, mais ils ont beaucoup de temps pour le faire, a confirmé César Luena, expliquant qu'il était important qu'ils se sentent « à l'aise » avec cette législation.

Campagne de désinformation sans précédent

« Aujourd'hui, le Parlement européen a voté en faveur de la loi sur la restauration de la nature et du Green Deal européen, malgré une campagne de désinformation sans précédent », se félicite le Bureau européen de l'environnement (BEE), qui réunit 170 ONG environnementales. « Cette victoire a toutefois eu un coût très élevé - pour parvenir à un compromis, les députés ont sacrifié de nombreuses obligations et objectifs critiques, se retrouvant avec une position nettement plus faible que la proposition initiale de la Commission », explique la fédération d'associations. Et de citer : suppression de l'article sur la restauration des terres agricoles, entrée en vigueur du texte conditionnée à l'évaluation sur la sécurité alimentaire, suppression de l'article garantissant un droit fondamental à la justice…

« Même avec une mobilisation sans précédent pour sauver la nature en Europe, la position du Parlement est loin de ce que la science nous dit nécessaire pour lutter contre la perte de la nature et le changement climatique », pointe Sabien Leemans, du WWF. En juin dernier, quelque 3 300 scientifiques avaient en effet publié une tribune soutenant que la protection et la restauration de la nature étaient essentielles pour maintenir la production à long terme et renforcer la sécurité alimentaire. Une centaine de grandes entreprises avaient aussi appelé à soutenir l'initiative européenne, même si d'autres avaient manœuvré pour mettre le texte en échec.

« La plus ambitieuse législation en faveur de la biodiversité »

Avec l'adoption de cette position, le Parlement est maintenant prêt à entrer en négociation sur le projet de texte. « J'espère que les négociations pourront aboutir d'ici à la fin de l'année », se projette le rapporteur César Luena, précisant que la présidence espagnole du Conseil était prête à débuter les échanges.

Des négociations qui vont porter sur un texte de compromis, mix de la proposition initiale de la Commission, de l'approche du Conseil et des amendements adoptés par le Parlement. « Mener à bien un changement d'une telle importance ne s'improvise pas. Les professionnels ont besoin de règles réalistes, d'une liste de conséquences prévisibles et de financements assurés... et ce n'est pas le texte du Conseil qui apporte des solutions », réagit sur Twitter l'eurodéputée Anne Sander (PPE).

« Je ne suis pas satisfait par l'ensemble des dispositions, mais nous allons négocier et nous allons produire un texte, c'est ça le processus politique », explique César Luena, en tendant la main au PPE en vue de les réintégrer dans la négociation. Reste à voir si « la plus ambitieuse législation en faveur de la biodiversité depuis la directive Habitats il y a trente ans », selon les mots de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), va réussir à voir le jour avant les prochaines élections européennes prévues en juin prochain.

Réactions5 réactions à cet article

"Ce texte vise à restaurer la nature sur au moins 20 % des terres et des zones marines d'ici à 2030, puis tous les écosystèmes dégradés d'ici à 2050"
Si on en reste là tout va bien. Peut être va t'on enfin s'occuper des zones qui en ont besoin plutôt que de vouloir préserver des zones marginales fondamentalement en bonne santé écologique, qui privent la communauté locale (Administrations communales et simples propriétaires terriens) de leur pouvoir effectif de gestion. Sans en être informés, et encore moins être impliqués dans les processus de décisions, les gens de la montagne se retrouvent à vivre dans un Parc, dans le quel le rôle qui leur est attribué est celui de spectateur ou de figurant (du genre "indien avec les plumes")!
"Alors que plus de 80 % des habitats européens sont en mauvais état" est en mettre en balance avec les conclusions du CNRS : "En France, 84 % des surfaces classées en " haute valeur naturelle " correspondent à des zones d'élevage en plein air"
Malheureusement ces activités ancestrales sont remises en cause par 31 ONG environnementales :"Ecologiquement, la montagne n’a pas besoin de moutons Les éleveurs ont besoin d’alpages, mais l’inverse n’est pas vrai. L’idée que le bétail serait utile pour " entretenir " la montagne renvoie à une image symbolique de celle-ci, mais ne correspond à aucune réalité biologique ou écologique." FNE, LPO, WWF, ferus, aspas,... ect.

ouragan | 13 juillet 2023 à 09h44 Signaler un contenu inapproprié

Je suis totalement d'accord avec la dernière phrase!
Le dicton que "les agriculteurs entretiennent le paysage" est du pipo. Pourtant, on entend cette phrase incessamment répétée par les médias depuis des décennies. A force, les gens (moutons) le croient!

Erikk | 13 juillet 2023 à 11h18 Signaler un contenu inapproprié

Erikk quel que soit le sujet il est toujours au top!

Essayons, nous pauvreS incultes, de savoir d’où vient ce "dicton" :
le code rural article L113-1 (extrait): Par leur contribution à la production, à l'emploi, à l'entretien des sols, à la protection des paysages, à la gestion et au développement de la biodiversité, l'agriculture, le pastoralisme et la forêt de montagne sont reconnus d'intérêt général(...)

Le rapport du Plan.Nation.Unies.Environement : « le pastoralisme - la production extensive de bétail dans les pâturages - offre d'énormes avantages à l'humanité et devrait être considéré comme un élément majeur de la transition mondiale vers une économie verte »/…./ « le pastoralisme durable dans les écosystèmes de grands pâturages libres / …/ préserve la fertilité des terres et le carbone présent dans sol, et contribue à la régulation de l'eau et à la conservation de la biodiversité.

Nos paysages emblématiques de montagnes, collines, bocages et marais sont constitués d’une
mosaïque de milieux façonnés au fil des siècles par les pratiques paysannes. Nos sociétés ont besoin d’écosystèmes et de paysages diversifiés. Nombre d’entre eux fonctionnent et se renouvellent grâce au méticuleux travail des bergers et éleveurs. cf PLAIDOYER POUR DES ÉCOSYTÈMES NON DÉSERTÉS PAR LES BERGERS cosignés par plus 30 scientifiques.

UNESCO / Valorisation des paysages culturels de l’agro-pastoralisme

ouragan | 13 juillet 2023 à 13h40 Signaler un contenu inapproprié

Et c'est reparti! Si on cessait de globaliser ("les zécolos", "les agriculteurs"), au lieu d'affiner, on gagnerait du temps et s'éviterait les amalgames des accusations inutiles. Et, surtout, les désinformateurs de tout poil et les imbéciles auraient plus de mal à sévir.

petite bête | 13 juillet 2023 à 19h34 Signaler un contenu inapproprié

Entièrement d'accord avec petite bête ! La monopolisation obsessionnelle et agressive par certains du débat en déployant les mêmes arguments anti-nature (du reste largement déjà employés dans diverses instances locales par les barons locaux de la FNSEA et des fédés de chasse) commence sérieusement à lasser.
Cette épisode législatif européen montre sans ambiguïté aucune que droite et extrême droite constituent des formations politique viscéralement hostiles à la protection de la nature, tant elles ne sont capables d'y voir qu'une menace pour les intérêts financiers et politiques de court terme et absolument rien d'autre (surtout pas une assurance-vie pour les européens).
La petite phrase préférée de la droite réac' "l'écologie, une chose trop grave pour la confier aux écologistes" a bien du plomb dans l'aile !

Pégase | 16 juillet 2023 à 16h34 Signaler un contenu inapproprié

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