Parallèlement à sa proposition de règlement sur l'usage durable des pesticides, la Commission européenne a présenté, mercredi 22 juin, un nouveau texte de loi sur la restauration de la nature en Europe. Le premier de cette sorte à l'échelle de l'Union, soulignent les commissaires, avant de détailler les dommages constatés aujourd'hui sur les écosystèmes : déclin des populations de pollinisateurs, de poissons et d'amphibiens, 80 % des habitats protégés et 70 % des sols en mauvais état, 36 % détériorés… « Pour que la nature survive, elle a besoin que l'on agisse », résume Frans Timmermans, vice-président exécutif chargé du Pacte vert pour l'Europe.
Forte de ce constat, « tout simplement inacceptable », la Commission a décidé de fixer règlementairement des objectifs stricts aux États membres. À l'horizon 2030, elle prévoit ainsi une restauration efficace de 20 % des zones terrestres et maritimes de l'Union : des villes aux terres agricoles et aux forêts, des zones humides aux cours d'eau, jusqu'aux océans. Une proportion qui devrait être étendue à 100 % en 2050.
Un jalon historique
Ce cap général se complète de multiples cibles plus précises, polinisateurs, oiseaux ou écosystèmes, par exemple, en donnant la priorité aux espaces les plus prometteurs en termes d'élimination ou de stockage de carbone. La réduction des effets des catastrophes naturelles sera aussi particulièrement favorisée. Les promoteurs du texte souhaitent notamment mettre un coup d'arrêt à la réduction des espaces verts en ville, d'ici à 2030, puis augmenter leur surface de 5 % à l'horizon 2050. Ils demandent aux États membres de doter chacune de leurs agglomérations d'un minimum de 10 % de couvert arboré. Les bâtiments et infrastructures devraient également comporter systématiquement des espaces verts supplémentaires.
Le retour espéré des pollinisateurs, des oiseaux et des dauphins
Des actions sont, par ailleurs, attendues pour inverser le déclin des pollinisateurs à l'horizon 2030, puis pour accroître leurs populations, ainsi que celles des papillons de prairies et des oiseaux des milieux agricoles et forestiers. La Commission espère voir les tourbières, drainées à des fins agricoles, remises en eau et régénérées, tout comme les habitats marins et la faune qui les peuplent. Enfin, elle mise sur la suppression des obstacles, sur quelque 25 000 kilomètres de rivière, en 2030. Une mesure qui risque d'être particulièrement mal reçue par la France, qui produit près de 26 000 mégawatts (MW) d'hydroélectricité, chaque année, et qui espère augmenter encore sa production dans les années à venir.
Les pays disposeront d'un délai de deux ans pour préparer leur plan avec leurs parties prenantes, leurs scientifiques et leurs experts, avant de le soumettre à l'évaluation de la Commission. Un bon moyen de « s'approprier la démarche », estime Virginijus Sinkevičius, commissaire chargé de l'Environnement, des Océans et de la Pêche. Pour ce dernier, l'impact de cette loi ira bien au-delà de la simple régénération des écosystèmes. « Lorsque l'on agit sur l'érosion des sols, on agit aussi sur la sécurité alimentaire à court et à long terme. Lorsque l'on restaure les zones humides, on contribue à empêcher les inondations. On permet aussi le stockage du carbone », commente-t-il.
Un investissement rentable
Si ces mesures bénéficieront d'importantes aides de l'Union européenne en faveur de la biodiversité, de l'ordre 100 milliards d'euros, les commissaires ne jugent pas le volet financier central. « Nous devons mettre un terme à ce mythe selon lequel la protection de la nature ne serait qu'un coût sans rendement. Au contraire, chaque euro investi dans la restauration se traduit par 8 euros de gains, liés aux avantages d'un écosystème sain, détaille Virginijus Sinkevičius, devançant, là encore, les remarques de la Copa-Cogeca. Des services écosystémiques qui intègrent notamment la santé humaine, outre l'atténuation des changements climatiques, la résilience des territoires et la sécurité alimentaire. « Le plus coûteux que nous puissions faire, c'est de ne rien faire », insiste Virginijus Sinkevičius.
Considérée avec réserve par la Copa-Cogeca, qui craint notamment « des délais arbitraires », cette proposition sera ensuite examinée par le Parlement européen et par le Conseil. Si le WWF aurait aimé renforcer ses mécanismes de suivi et de redevabilité, en y ajoutant « des objectifs ambitieux de restauration des cours d'eau, plaines inondables et tourbières », l'ONG appelle malgré tout à son adoption et à sa mise en œuvre urgente. Tout comme BirdLife International, qui la considère comme « une véritable tentative de lutter contre l'effondrement de la biodiversité et le changement climatique, avec un réel potentiel d'améliorer l'état de la nature à grande échelle ».